Cour d’appel administrative de Versailles, le 7 janvier 2025, n°23VE00604

La Cour administrative d’appel de Versailles a rendu, le 7 janvier 2025, une décision relative aux conditions de preuve du droit au séjour pour raisons médicales. Une ressortissante d’un État étranger est entrée sur le territoire national en 2018 afin de solliciter l’asile, lequel lui fut définitivement refusé en août 2020. L’intéressée a ensuite demandé un titre de séjour pour motifs de santé, mais l’autorité administrative a opposé un refus à sa demande en mars 2022. Le tribunal administratif d’Orléans a rejeté le recours formé contre cet arrêté préfectoral par un jugement rendu en date du 23 février 2023. La requérante soutient devant le juge d’appel qu’elle ne peut bénéficier d’un traitement approprié dans son pays et qu’elle y encourt des menaces graves. La juridiction doit déterminer si les éléments produits permettent de renverser l’avis médical de l’administration et de caractériser un risque réel au sens conventionnel. La Cour administrative d’appel rejette la requête au motif que les documents versés présentent un caractère trop général ou insuffisant pour établir les faits allégués. Le raisonnement des juges s’articule ainsi autour de l’exigence de preuves personnalisées pour contester l’offre de soins et les risques de traitements inhumains ou dégradants.

I. L’encadrement de la preuve de l’absence de soins appropriés dans le pays d’origine

A. La présomption de légalité attachée à l’avis médical de l’administration

L’arrêt rappelle que l’avis rendu par le collège de médecins constitue l’élément central pour apprécier la nécessité d’une prise en charge médicale spécifique. Selon les juges, ce document « doit être regardé comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l’existence ou l’absence d’un état de santé ». Cette présomption de régularité impose au demandeur de produire des éléments médicaux probants s’il souhaite contester les conclusions de l’administration sur son état. Le magistrat fonde sa conviction sur le respect du principe du contradictoire entre l’étranger et le représentant de l’État au cours de l’instance. La solution adoptée garantit une objectivité technique tout en préservant le droit pour l’administré de démontrer la réalité de ses besoins de santé particuliers.

B. L’insuffisance des preuves générales pour contester l’offre de soins locale

Pour contester le refus de titre, l’intéressée invoquait l’existence de troubles neurologiques lourds et d’un syndrome traumatique nécessitant une prise en charge chimique spécifique. Cependant, la cour écarte ces arguments car la requérante se prévaut principalement de « documentations générales relatives aux dysfonctionnements et insuffisances du système de santé » étranger. La production d’un certificat médical isolé est jugée insuffisante pour établir que l’intéressée ne pourrait pas bénéficier d’un traitement approprié dans son pays. La juridiction exige une preuve concrète et individualisée du défaut de soins effectifs, rejetant les descriptions globales des carences structurelles de l’État de destination. La décision confirme ainsi la rigueur probatoire imposée aux étrangers malades souhaitant obtenir une dérogation aux mesures d’éloignement pour des motifs de santé.

II. La démonstration des risques personnels lors de la fixation du pays de renvoi

A. L’exigence d’une menace actuelle et personnelle au titre de la protection européenne

La requérante contestait également la décision fixant son pays de nationalité comme destination de renvoi en alléguant des menaces émanant de groupes de pression. Le juge estime que les pièces produites « ne permettent d’établir que l’intéressée encourt de subir actuellement et personnellement des traitements inhumains ou dégradants ». Cette exigence probatoire souligne la nécessité pour le justiciable de démontrer une exposition directe à un danger réel lors de son retour éventuel. La production d’articles de presse ou de témoignages non circonstanciés ne suffit pas à caractériser une violation des droits protégés par la convention européenne. La protection contre les risques de mauvais traitements demeure subordonnée à l’actualité de la menace, laquelle doit être étayée par des éléments probants.

B. La compétence limitée du juge de l’éloignement face aux enjeux de l’asile

La juridiction précise enfin l’articulation entre les différents fondements juridiques invocables contre une mesure d’éloignement en distinguant les compétences respectives des organes juridictionnels. L’arrêt souligne que la requérante ne peut utilement se prévaloir de la protection internationale car la cour « n’est pas compétente pour l’octroi du statut de réfugié ». Cette réserve de compétence rappelle que l’examen de la qualité de réfugié relève exclusivement de l’office spécialisé et de la juridiction nationale de l’asile. Le juge administratif se borne à vérifier si la décision de renvoi respecte les garanties fondamentales minimales sans se substituer aux autorités du droit d’asile. Par cette distinction, la cour rejette l’ensemble des moyens de la requérante et confirme la légalité des mesures prises par l’autorité préfectorale compétente.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture