Cour d’appel de Agen, le 1 juillet 2025, n°24/00453

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Cour d’appel d’Agen, 1er juillet 2025 (n° RG 24/00453, n° 249-25). Un salarié, engagé en contrat à durée indéterminée comme chef d’équipe, a rétracté une rupture conventionnelle avant que son employeur n’engage une procédure disciplinaire suivie d’un licenciement. Le conseil de prud’hommes a jugé la faute grave caractérisée et débouté l’intéressé de ses demandes, notamment au titre du harcèlement, des heures supplémentaires et de la reclassification. En appel, étaient discutées la prescription des prétentions relatives à la rupture, l’existence d’un harcèlement, la réalisation d’heures supplémentaires, la qualification conventionnelle, un licenciement verbal allégué, ainsi que la gravité des fautes et leurs conséquences pécuniaires.

La juridiction d’appel a d’abord statué sur la prescription et la régularité du débat contradictoire. Elle a refusé d’écarter des conclusions communiquées la veille de la clôture, retenant que « sa demande, de voir écarter des débats les écritures récapitulatives et pièces de l’appelant, sera donc rejetée ». Sur le délai pour agir, elle a rappelé l’articulation entre les articles 641 et 642 du code de procédure civile et le délai annal de l’article L. 1471-1 du code du travail, jugeant que « le délai annal de prescription qui expirait le samedi 7 janvier 2023, était prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant, soit le lundi 9 janvier 2023 à minuit ». Les demandes relatives à la rupture ont donc été déclarées recevables.

La question centrale portait ensuite sur l’étendue des manquements imputés et leur qualification, au regard d’allégations de harcèlement, d’heures supplémentaires non payées, d’une classification revendiquée, d’un licenciement verbal, et, à titre disciplinaire, de la faute grave.

I. Détermination du litige et sens de la solution

A. Prescription et recevabilité des prétentions relatives à la rupture
La cour confirme l’analyse procédurale en conciliant computation du délai et mode de saisine par requête. La citation précitée fixe clairement la prorogation au premier jour ouvrable. La recevabilité des demandes liées à la rupture s’impose, ce qui conditionne l’examen au fond des griefs, y compris la qualification de la faute et les conséquences financières.

Sur l’incident d’audience, la formulation retenue par la cour, selon laquelle « sa demande, de voir écarter des débats les écritures récapitulatives et pièces de l’appelant, sera donc rejetée », atteste que l’adversaire a effectivement pu répondre. Le contradictoire est ainsi préservé, sans atteinte à l’égalité des armes ni au droit à un débat utile.

B. Absence de harcèlement, d’heures supplémentaires et de reclassification
La cour écarte l’allégation de harcèlement moral au regard d’éléments jugés insuffisants pour laisser supposer des agissements répétés dégradant les conditions de travail. Elle relève le soutien hiérarchique et l’absence d’indices objectifs d’une décision de rupture anticipée. Le contrôle du juge demeure concentré sur des faits précis, sans extrapolation.

En matière d’heures supplémentaires, elle rappelle que « La preuve des heures effectuées n’incombe spécialement à aucune des parties ». Après confrontation des pièces adverses, elle retient que « L’ensemble de ces éléments permet de constater que non seulement le salarié ne produit aucun élément suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies mais encore l’employeur établit l’absence de réalisation d’heures supplémentaires ». La demande salariale afférente, comme celle pour travail dissimulé, est justement rejetée.

Quant à la classification, la règle est rappelée avec netteté: « Il incombe au salarié qui revendique une classification différente de celle qui lui est reconnue de rapporter la preuve de la réalité des fonctions qu’il exerce ». À défaut d’autonomie décisionnelle et de délégation compatible avec le niveau revendiqué, la reclassification est écartée.

II. Valeur et portée de la qualification disciplinaire

A. De la faute grave à la cause réelle et sérieuse
La cour contrôle d’abord la prescription de certains faits. Elle juge prescrit le grief relatif à un matériel utilitaire porté à la connaissance du supérieur hiérarchique plus de deux mois avant l’engagement des poursuites. Elle écarte, faute de preuve, le défaut d’entretien d’une machine et l’absentéisme dans la gestion des stocks, retenant par formules claires que « Ce grief de défaut d’entretien et d’information n’est pas établi » et que « Ce grief n’est dès lors pas caractérisé ».

Deux manquements demeurent établis. D’une part, l’insuffisance des contrôles qualité imposés par la fiche de poste est retenue, la cour affirmant que « Ce grief tenant à l’insuffisance des contrôles qualité est caractérisé ». D’autre part, l’embauche d’un salarié sans l’autorisation de la hiérarchie est matériellement prouvée, la décision énonçant que « Ce grief, relatif à l’embauche d’un salarié sans autorisation, est dès lors caractérisé ». L’ensemble ne rend cependant pas impossible le maintien pendant le préavis, eu égard au délai écoulé entre la connaissance des faits et l’engagement de la procédure. D’où la substitution de qualification opérée: « La cour, qui retient que le licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse, infirme le jugement de son chef ayant retenu le licenciement fondé sur la faute grave ».

Cette substitution illustre l’office du juge en matière disciplinaire, tenu de restituer aux faits leur exacte portée sans ajouter de griefs, et de faire jouer, à défaut, le principe selon lequel le doute profite au salarié. Le contrôle est concret, centré sur la matérialité, la contemporanéité des faits et la proportionnalité de la sanction.

B. Suites pécuniaires et obligations accessoires
Le déclassement de la faute entraîne la remise en cause des mesures liées à la privation du préavis et à l’exécution du contrat durant la mise à pied conservatoire. Sur ce dernier point, la cour tranche sans ambages que « la mise à pied conservatoire apparait infondée ». La rémunération correspondante, avec congés payés afférents, doit donc être restituée.

La règle de principe gouvernant le préavis est rappelée par la formule suivante: « En application des dispositions de l’article L.1234-5 du code du travail, le salarié qui n’est pas licencié pour faute grave peut prétendre au payement d’une indemnité compensatrice lorsqu’il n’exécute pas son préavis ». À ce titre, l’indemnité de préavis, ses congés payés, ainsi qu’une indemnité conventionnelle de licenciement, sont dus dans les limites des prétentions. En revanche, la demande indemnitaire pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse est logiquement rejetée.

S’agissant des obligations post-contractuelles, le juge d’appel rappelle la nécessité de délivrer les documents de fin de contrat conformes au dispositif de l’arrêt, sans qu’une astreinte soit justifiée. La cohérence d’ensemble de la solution se lit dans l’agencement des chefs confirmés et infirmés, la cour ayant aussi rappelé, à propos du licenciement verbal allégué, que « Le licenciement verbal est nécessairement dépourvu de cause réelle et sérieuse, nonobstant la gravité des faits reprochés au salarié », tout en constatant l’absence de preuve en l’espèce.

L’arrêt précise ainsi le traitement combiné des exigences probatoires et temporelles en droit disciplinaire du travail, en réaffirmant un double impératif: rigueur sur la matérialité des fautes et proportionnalité de leur sanction.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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