Cour d’appel de Agen, le 2 septembre 2025, n°24/00805

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La Cour d’appel d’Agen (chambre sociale), le 2 septembre 2025, statue sur l’admissibilité d’enregistrements clandestins produits par l’employeur pour établir des menaces et un chantage imputés au salarié, licencié pour faute grave en cours d’arrêt de travail. Engagé en contrat à durée indéterminée comme chauffeur, le salarié subit un accident du travail, puis échange avec l’employeur les 8 et 10 juin 2022, avant d’être convoqué le 13 juin et licencié le 30 juin. Devant le conseil de prud’hommes d’Agen, l’employeur obtient la validation des pièces 4, 5, i et ii et la justification de la faute grave. En appel, le salarié invoque l’illégalité des enregistrements, l’irrecevabilité d’une attestation, la discrimination liée à l’état de santé et, subsidiairement, l’absence de cause réelle et sérieuse. La question posée tient au contrôle de proportionnalité gouvernant l’admission d’une preuve déloyale et à ses effets sur la qualification de la faute grave et sur l’allégation de discrimination. La cour confirme la recevabilité des pièces après mise en balance, rejette la discrimination, et retient la faute grave.

I. Le contrôle de proportionnalité des preuves déloyales

A. Le cadre normatif rappelé et adopté
La cour s’inscrit dans le sillage de la jurisprudence récente relative au droit à la preuve et au respect de la vie privée. Elle rappelle que « l’enregistrement d’une conversation réalisé à l’insu de l’auteur des propos tenus constitue un procédé déloyal », puis qu’il incombe au juge, en cas de conflit, de « mettre en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence ». Le principe directeur est cité sans détour: « le droit à la preuve [peut] justifier la production d’éléments portant atteinte à d’autres droits à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi ». La formulation, très proche de l’Assemblée plénière, fournit à la juridiction du fond une grille de lecture opérationnelle, distincte de l’exclusion automatique des preuves illicites.

B. L’application aux enregistrements litigieux
Les enregistrements des 8 et 10 juin 2022 sont reconnus déloyaux car réalisés à l’insu du salarié. La cour ne s’arrête pas à cette seule constatation et met en œuvre le test de proportionnalité, centré sur l’indispensabilité de la preuve et l’intensité de l’atteinte. Elle relève que les pièces « sont susceptibles de caractériser l’existence du chantage et des menaces » et retient, de manière décisive, que « La production de ces pièces […] est ainsi indispensable à l’exercice du droit à la preuve de l’employeur […] [et] porte une atteinte strictement proportionnée au but poursuivi ». L’argumentation est soutenue par la retranscription officielle, laquelle reproduit les propos suivants: « Ça c’est la chose pénal […]. Il y a la bonne sortie pour moi, […] sinon demain […] à l’écologie […]. La bonne sortie, l’argent ». En conséquence, la demande d’écarter les pièces 5, i et ii est rejetée, tout comme la critique dirigée contre l’attestation régulièrement établie par un témoin direct.

II. La portée disciplinaire et anti-discrimination de la solution

A. La qualification de la faute grave à l’épreuve de la preuve
La lettre de rupture, qui fixe le litige, impute au salarié des menaces de divulgation d’une vidéo prétendument compromettante et l’exigence d’une « bonne sortie », réitérées lors d’un entretien. La cour souligne que la procédure a été conduite sans délai et que les éléments produits corroborent la matérialité des faits. Elle en déduit que « les faits reprochés caractérisent la faute grave […] rendant impossible le maintien du salarié à son poste de travail ». La solution s’aligne sur la définition classique de la faute grave, qui combine gravité intrinsèque de la violation et incidence immédiate sur la relation de travail. La preuve, admise au terme du contrôle de proportionnalité, devient ici la clef de voûte de la qualification disciplinaire.

B. L’écartement de la discrimination et ses effets
Le salarié, licencié pendant un arrêt en lien avec un accident du travail, fait utilement naître une présomption, laquelle entraîne un double examen. La cour vérifie d’abord l’existence d’indices concordants, puis recherche si l’employeur justifie d’éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Les pièces retenues permettent d’imputer la rupture non à l’état de santé, mais aux menaces et au chantage. L’argument tiré du classement sans suite pénale est relativisé, puisqu’il « ne signifie nullement que les propos n’ont pas été tenus ». L’allégation de discrimination est donc écartée, ses conséquences indemnitaires le sont également, et le licenciement sans cause réelle et sérieuse est rejeté. L’équilibre est complété par le refus d’allouer des dommages pour procédure abusive, tout en condamnant le salarié aux dépens et à une somme au titre de l’article 700.

Cette décision illustre une mise en balance concrète et mesurée, où l’exigence d’indispensabilité confère une place contrôlée aux preuves déloyales. Elle montre également que l’admission probatoire, lorsqu’elle est strictement proportionnée, peut déterminer le sens du contrôle de la faute grave et neutraliser une présomption de discrimination sans altérer l’équité de la procédure.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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