Cour d’appel de Aix-en-Provence, le 10 septembre 2025, n°22/01003

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence a rendu, le 10 septembre 2025, un arrêt de désistement dans un litige successoral opposant plusieurs membres d’une même famille. Cette décision illustre les mécanismes procéduraux permettant aux parties de mettre fin à une instance d’appel par la voie d’un règlement amiable, après avoir été orientées vers un processus de médiation.

Les faits à l’origine du litige concernent un différend successoral. Le tribunal judiciaire de Toulon avait rendu un jugement le 16 décembre 2021. Les parties appelantes ont interjeté appel de cette décision le 24 janvier 2022. Au cours de la procédure d’appel, le conseiller de la mise en état a rendu une ordonnance d’injonction de rencontrer un médiateur le 6 septembre 2023. Le Centre de Médiation du Conseil Régional de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a informé la juridiction, par courriel du 2 décembre 2024, que les parties étaient parvenues à un accord. Une ordonnance de fin de mission du médiateur a été rendue le 4 décembre 2024. Les appelantes ont déposé des conclusions de désistement le 24 avril 2025, sollicitant que soit jugé parfait leur désistement d’instance et d’action. Les intimés ont notifié leurs propres conclusions de désistement le 28 avril 2025, demandant également que soit déclaré parfait leur désistement. Les deux parties ont convenu que chacune conserverait la charge de ses dépens et frais irrépétibles.

Le problème juridique soumis à la Cour d’appel d’Aix-en-Provence était de déterminer si le désistement croisé des parties, intervenu après la conclusion d’un accord transactionnel matérialisé par un acte authentique de partage, devait être déclaré parfait et emporter extinction de l’instance et de l’action.

La Cour a constaté le désistement d’instance et d’action des appelantes ainsi que l’acceptation de celui-ci par les intimés. Elle a déclaré ce désistement parfait, constaté son dessaisissement et l’extinction de l’instance ainsi que de l’action. Chaque partie conserve la charge de ses dépens et frais irrépétibles.

L’intérêt de cet arrêt réside dans l’articulation qu’il opère entre médiation judiciaire et désistement d’appel. Il convient d’examiner les conditions du désistement d’appel après médiation (I) avant d’analyser les effets de ce désistement sur l’instance et l’action (II).

I. Les conditions du désistement d’appel après médiation

Le désistement intervenu en l’espèce présente la particularité d’avoir été précédé d’une injonction de rencontrer un médiateur (A) et de s’inscrire dans le cadre d’un règlement transactionnel global (B).

A. L’injonction de médiation comme préalable au désistement

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence rappelle que le conseiller de la mise en état avait rendu, le 6 septembre 2023, une ordonnance d’injonction de rencontrer un médiateur. Cette mesure s’inscrit dans le mouvement de promotion des modes alternatifs de règlement des différends que le législateur a consacré depuis plusieurs années. L’article 127-1 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret du 11 décembre 2019, permet au juge d’enjoindre aux parties de rencontrer un médiateur. Cette faculté a été étendue à la procédure d’appel.

En l’espèce, l’injonction a produit ses effets. Le Centre de Médiation a informé la Cour, le 2 décembre 2024, que « les parties ont déclaré être parvenues à un accord ». La médiation a ainsi rempli sa fonction de rapprochement des parties. L’ordonnance de fin de mission du médiateur, rendue le 4 décembre 2024, a clôturé formellement ce processus. Le délai accordé aux parties pour formaliser leur désistement témoigne de la souplesse de la procédure. Le conseiller de la mise en état a accepté de reporter l’échéance au 30 avril 2025, compte tenu de la nécessité pour le notaire de finaliser l’état liquidatif.

B. Le règlement transactionnel comme fondement du désistement

Le désistement ne procède pas d’un simple abandon de l’instance par les appelantes. Il trouve son fondement dans un accord global matérialisé par un acte authentique. La Cour relève que « les parties se sont rapprochées et ont régularisé, le 10 avril 2025, un acte authentique de partage de la succession ». Cette précision est essentielle. Elle établit que le désistement n’est pas un acte unilatéral d’abandon mais la conséquence procédurale d’un règlement au fond du litige.

L’article 401 du code de procédure civile dispose que « le désistement de l’appel n’a besoin d’être accepté que s’il contient des réserves ou si la partie à l’égard de laquelle il est fait a préalablement formé un appel incident ou une demande incidente ». En l’espèce, les intimés n’ont pas formé d’appel incident. Le désistement des appelantes n’aurait donc pas nécessité d’acceptation. Les intimés ont toutefois choisi de formuler leur propre désistement d’instance et d’action. Cette démarche symétrique traduit la réciprocité de l’accord intervenu entre les parties.

II. Les effets du désistement sur l’instance et l’action

Le désistement déclaré parfait emporte des conséquences tant sur le plan procédural (A) que sur le plan contentieux (B).

A. L’extinction de l’instance et le dessaisissement de la Cour

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence vise l’article 385 du code de procédure civile qui énonce que « l’instance s’éteint à titre principal par l’effet de la péremption, du désistement d’instance ou de la caducité de la citation ». Elle constate que « le désistement d’appel est dès lors parfait, la cour dessaisie et l’instance ainsi que l’action éteintes ». Le dispositif de l’arrêt reprend cette analyse en constatant « le dessaisissement de la cour et l’extinction de l’instance ».

L’article 400 du code de procédure civile précise que « le désistement de l’appel est admis en toutes matières, sauf dispositions contraires ». En matière de partage successoral, aucune disposition contraire n’interdit ce désistement. La Cour a donc logiquement donné effet à la volonté concordante des parties. Les dépens demeurent à la charge de chaque partie, conformément à leur accord. Cette répartition s’écarte de la règle de l’article 399 du code de procédure civile qui met les dépens à la charge de celui qui se désiste. Les parties ont préféré une solution équilibrée, cohérente avec le caractère transactionnel de leur accord.

B. L’extinction de l’action et l’autorité du partage

La particularité de l’arrêt réside dans le constat de l’extinction non seulement de l’instance mais également de l’action. L’article 385 du code de procédure civile distingue le désistement d’instance, qui laisse subsister l’action, du désistement d’action, qui éteint le droit d’agir. Les appelantes ont expressément déclaré « se désister de l’instance et de l’action initiées ». Les intimés ont formulé une demande identique. Ce double désistement croisé garantit l’irrévocabilité de la solution.

L’acte authentique de partage du 10 avril 2025 constitue le support substantiel de cette extinction. Le partage successoral, une fois régularisé, met fin à l’indivision et attribue à chaque héritier la propriété exclusive des biens compris dans son lot. L’article 2052 du code civil confère aux transactions l’autorité de la chose jugée en dernier ressort. Le désistement d’action vient parachever ce dispositif en fermant définitivement la voie judiciaire. Cette solution assure la sécurité juridique des parties. Elle évite toute remise en cause ultérieure du partage par la voie contentieuse.

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Hassan KOHEN
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