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Par un arrêt rendu le 10 septembre 2025, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence confirme l’ordonnance ayant déclaré irrecevable l’assignation en partage judiciaire délivrée par l’ex‑époux. Les intéressés, mariés sous séparation de biens et divorcés depuis 2020, n’avaient pas procédé à la liquidation de leurs intérêts pécuniaires. Saisi en 2023, le juge de la mise en état avait estimé que l’acte introductif ne satisfaisait pas aux exigences de l’article 1360 du code de procédure civile. L’appelant soutenait avoir préalablement proposé un règlement par un courrier du 18 décembre 2022, tandis que l’intimée arguait de l’absence de toute démarche amiable véritable. La juridiction d’appel, statuant à bref délai, confirme la fin de non‑recevoir au regard des diligences préalables et du contenu de l’assignation.
La question de droit tenait à la portée des exigences de l’article 1360 du code de procédure civile, quant au descriptif du patrimoine, aux intentions de répartition et aux diligences entreprises pour parvenir à un partage amiable. La Cour rappelle d’abord la discipline de la saisine et de l’appel, en ce que « la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif » et que « ne constituent pas des prétentions […] les demandes […] tendant à voir “constater” ou “donner acte” ». Elle souligne ensuite que « l’effet dévolutif de l’appel implique que la Cour connaisse des faits survenus au cours de l’instance d’appel ». Sur le fond, la solution est sans ambiguïté. La Cour cite le texte selon lequel « à peine d’irrecevabilité, l’assignation en partage contient un descriptif sommaire du patrimoine à partager et précise les intentions du demandeur […] ainsi que des diligences entreprises en vue de parvenir à un partage amiable ». Elle juge applicables des règles d’ordre public, précise que « l’omission […] constitue une fin de non‑recevoir, susceptible d’être régularisée », tout en ajoutant que « l’absence de diligences aux fins du partage n’est, elle, pas régularisable ». Appliquant ces principes, l’arrêt retient qu’un seul courrier au ton comminatoire ne suffit pas et que l’acte ne contenait pas de véritables intentions de répartition ni de descriptif pertinent du patrimoine. Il conclut que « les conditions exigées par l’article 1360 […] ne sont donc pas remplies ».
I. La consécration d’une fin de non‑recevoir d’ordre public
A. Les mentions obligatoires de l’assignation en partage
La Cour d’Aix-en-Provence adopte un rappel didactique du cadre légal et en fixe la rigueur. Elle reprend la lettre de l’article 1360, en ce qu’il impose un « descriptif sommaire du patrimoine à partager », l’énoncé des « intentions du demandeur » et les « diligences » amiables préalables. Ce rappel n’est pas ornemental, il conditionne l’accès au juge du partage à un acte suffisamment informé et orienté vers la solution amiable. La décision précise que « ces dispositions sont d’ordre public » et qu’en conséquence le juge « doit la relever d’office » si les mentions font défaut. L’arrêt ordonne ainsi la matière, en distinguant les éléments de forme exigés ab initio et leur fonction dans la conduite des opérations liquidatives.
La motivation insiste ensuite sur la portée contentieuse de cette carence. La Cour énonce que « l’omission […] constitue une fin de non-recevoir, susceptible d’être régularisée », puis ajoute que cette irrecevabilité « doit être écartée si sa cause a disparu au moment où le juge statue ». Elle confirme ainsi la nature procédurale de la sanction, orientée vers l’efficacité plutôt que l’exclusion définitive, lorsque les manquements portent sur le descriptif ou l’énoncé des intentions. La porte de la régularisation demeure donc ouverte pour ces deux volets de l’acte.
B. L’irréductible exigence de diligences amiables préalables
Le traitement des diligences préalables appelle une solution plus stricte. La Cour rappelle que « le code de procédure civile n’exige aucun acte judiciaire ou extrajudiciaire » pour les établir, ce qui élargit les modes de preuve. Toutefois, elle marque une limite nette en jugeant que « l’absence de diligences aux fins du partage n’est, elle, pas régularisable ». Ce choix renforce la finalité précontentieuse du dispositif en érigeant la tentative amiable en condition préalable à la saisine utile du juge.
L’espèce illustre cette rigueur par une appréciation concrète du document invoqué. L’arrêt retient « qu’un seul courrier ne peut caractériser à lui seul l’existence de diligences utiles, réelles et sérieuses », et surtout que « le ton de ce courrier ne saurait l’assimiler à une démarche amiable ». La Cour reproduit le passage déterminant, où l’auteur prévient que, « en l’absence de réponse […] je me verrais obliger de saisir le juge des liquidations », révélant une posture comminatoire éloignée de la négociation. Le critère n’est pas quantitatif seulement, il est qualitatif, et privilégie une démarche ouverte, dialogique et non imposée.
II. La mise en œuvre jurisprudentielle et ses incidences pratiques
A. L’appréciation qualitative des démarches amiables
La Cour d’Aix-en-Provence ne réduit pas les diligences à une formalité anodine, elle en exige le sens et la substance. L’initiative préalable doit manifester une volonté de dialogue, un espace de discussion sur la composition de l’actif, les modalités de répartition, les postes de créance éventuels et le calendrier. À cet égard, l’arrêt souligne que la pièce produite « ne constitue en rien les intentions du demandeur relativement au patrimoine à partager », l’auteur se bornant à exposer une « estimation du préjudice économique » et des « propositions de règlement » d’une somme unilatéralement chiffrée.
Cette analyse confère un contenu concret à l’exigence. La tentative amiable doit viser le partage, non la seule exigence de paiement. Elle gagne à s’accompagner d’un inventaire, même sommaire, du mobilier ou de l’actif en discussion, et à proposer des modalités de répartition plutôt qu’une alternative binaire. Une telle démarche, documentée et ouverte, emporte plus sûrement la qualification de diligences « utiles, réelles et sérieuses », conformément à la grille retenue.
B. Le calibrage de l’assignation et la sécurité procédurale
La décision éclaire enfin le contenu attendu de l’assignation. La Cour reproche à l’acte de circonscrire le patrimoine aux « meubles meublants et objets » du domicile sans « même en dresser une liste même sommaire ». Elle y voit l’absence d’un descriptif pertinent, intimement lié à la discussion amiable, puisque l’identification des biens conditionne tout projet de répartition. La sanction est alors inévitable, « les conditions exigées par l’article 1360 […] ne sont donc pas remplies », si bien que l’irrecevabilité est confirmée.
La portée pratique est nette. Les praticiens doivent articuler, en amont, une démarche probatoire des échanges amiables et, dans l’assignation, un exposé minimal mais structuré du patrimoine et des intentions distributives. La distinction opérée par la Cour entre manquements régularisables et absence de diligences préalables, non régularisable, incite à sécuriser l’étape précontentieuse par des écrits mesurés, dépourvus de menaces et orientés vers un schéma de partage. Le rappel des règles de saisine, selon lequel « la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif », parachève cette exigence de précision, au service d’un contentieux du partage mieux ordonné.