Cour d’appel de Aix-en-Provence, le 10 septembre 2025, n°25/03379

Rendue par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence le 10 septembre 2025, la décision confirme un jugement du 21 mars 2016 ayant refusé d’annuler un testament olographe. Le litige naît d’une succession où un écrit du 11 [Date décès 18] 2008 est contesté au regard de l’article 970 du code civil, en raison d’une écriture qualifiée de « main guidée ». La juridiction d’appel tranche d’abord plusieurs incidents procéduraux, puis statue sur la validité de l’acte au regard des capacités du disposant et de la preuve rapportée.

Les faits utiles tiennent à la rédaction concomitante de testaments olographes, à un décès intervenu en 2011, et à une contestation initiée par un membre de la famille. Une expertise graphologique judiciaire a été ordonnée et déposée en 2014. Le tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence a débouté la demande d’annulation, retenant l’absence d’insanité d’esprit et validant l’acte, malgré l’assistance matérielle alléguée lors de l’écriture.

La procédure d’appel a vu se multiplier les demandes d’instruction et de communication, dont certaines ont été rejetées par ordonnance et sont devenues définitives, ainsi que des écritures tardives. La cour écarte des débats des conclusions déposées la veille de la clôture et juge irrecevables d’autres écritures tardives. La question de droit porte alors sur la validité d’un testament olographe en cas d’écriture « à main guidée », au regard des exigences formelles et de la liberté du consentement, ainsi que sur la gouvernance des débats en appel. La solution tient en la confirmation intégrale du jugement, la cour relevant notamment que « Confirme en toutes ses dispositions le jugement en date du 21 mars 2016 rendu par le tribunal de grande instance d’Aix-en-Provence, ».

I. Discipline des débats en appel et office de la juridiction

A. Contradictoire et maîtrise des écritures tardives

La cour rappelle avec netteté l’exigence du contradictoire. Elle énonce que « Il convient, dès lors, d’écarter d’office des débats les conclusions et les pièces notifiées le 13 mai 2024 à 9h43 afin de faire respecter le principe de la contradiction. » La formulation souligne la double vigilance du juge : préserver l’information réciproque et éviter tout effet de surprise procédurale à la veille de la clôture. L’équilibre du débat impose un délai utile de réponse, faute de quoi l’économie du procès s’en trouve altérée.

Cette orientation se double d’une mesure claire dans le dispositif, qui « Écarte des débats les conclusions notifiées le 13 mai 2024 à 9h43 ». L’énoncé, bref et ferme, matérialise une sanction ciblée des manquements au calendrier, sans excéder l’office du juge. La cour ménage ainsi l’égalité des armes et garantit la loyauté du débat, sans remettre en cause l’ensemble du dossier, ni reconfigurer le calendrier de manière artificielle.

B. Délimitation du litige par le dispositif et effet dévolutif

La cour cadre strictement l’étendue de sa saisine. Elle rappelle que « Il convient de rappeler qu’en application de l’article 954 du code de procédure civile, la cour ne doit statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif. » La portée normative est double : les prétentions gouvernent le périmètre de la décision, et les motifs ne se substituent pas à la partie exécutoire. Cette rigueur évite des dérives vers des constats dépourvus d’objet opératoire.

La décision précise en conséquence que « Les demandes de ‘donner acte’ sont dépourvues de tout enjeu juridique et ne constituent pas des prétentions au succès desquels les parties pourraient avoir un intérêt légitime à agir au sens de l’article 4 du code de procédure civile. » Cet attendu clarifie l’inutilité contentieuse des « donner acte », parfois utilisés pour figer un récit. La cour n’en obère pas moins la dynamique de l’appel, en rappelant que « Par ailleurs l’effet dévolutif de l’appel implique que la cour connaisse des faits survenus au cours de l’instance d’appel et depuis le jugement déféré et statue sur tous les éléments qui lui sont produits même s’ils ne se sont révélés à la connaissance des parties qu’en cours d’instance d’appel. » L’articulation entre rigueur formelle et effet dévolutif demeure ainsi équilibrée.

II. Testament olographe, « main guidée » et charge de la preuve

A. Portée de l’expertise et refus d’une mesure d’instruction supplétive

Au fond, l’instruction technique avait été engagée en première instance, avec un rapport détaillé sur l’écriture litigieuse. En appel, la cour estime que « Les conclusions de l’expert éclairent suffisamment la Cour afin que celle-ci prenne sa décision. » La formule marque la suffisance probatoire des éléments déjà versés, appréciés au regard des exigences de l’article 146 du code de procédure civile, sans qu’il soit besoin de suppléer les carences d’une partie.

La même logique conduit à refuser d’ordonner à nouveau une expertise, faute d’utilité démontrée. La cour tranche que « Une nouvelle expertise graphologique ne conduirait qu’à ralentir les opérations successorales litigieuses. » La considération d’économie du procès, jointe à l’absence d’indices nouveaux décisifs, justifie ce refus. La démarche maintient la proportionnalité de la mesure d’instruction et confirme la vocation subsidiaire de l’expertise complémentaire, surtout lorsqu’un premier rapport a été conduit sur l’original et selon des méthodes appropriées.

B. Validité de l’acte « à main guidée » et appréciation de la volonté

La question centrale tient à la compatibilité d’une assistance matérielle avec l’exigence d’un écrit « de la main » au sens de l’article 970 du code civil. La décision rappelle une ligne désormais classique : « Le testament rédigé avec la technique de la main guidée n’est valable que si l’aide apportée au rédacteur n’est que matérielle. » L’exigence se focalise ainsi sur la libre expression de la volonté, plus que sur la pure mécanique du geste, dès lors que la main guidée ne devient pas une main substituée.

L’appréciation des capacités cognitives au moment de la rédaction, éclairée par des éléments médicaux et contextuels, ne révèle pas une altération privant le disposant de son discernement. Faute de preuve contraire, l’acte demeure valable. La cour fait sienne l’analyse des premiers juges, en indiquant que « Il convient, par conséquent, d’adopter les motifs du jugement pour éviter de les paraphraser inutilement. » Cette adoption confère à la solution une portée stabilisée, immédiatement consolidée par la formule finale : « Le jugement entrepris sera, dès lors, confirmé. » La validité de l’acte est ainsi préservée, la preuve d’une insanité d’esprit ou d’une substitution de main n’ayant pas été rapportée.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture