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La Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 11 septembre 2025, statue sur un litige né d’une vente en l’état futur d’achèvement portant sur un appartement livré à l’été 2015. Le promoteur-vendeur n’a pas livré la cuisine et les parois de douche à la date convenue. Une convention de séquestre du 25 juin 2015 a aménagé la situation, avec installation différée et pénalités de retard. La prise de possession a eu lieu début juillet, avec de nombreuses réserves ensuite notifiées. Des constats d’huissier des 26 février et 26 septembre 2016 ont consigné des désordres persistants.
L’acquéreur a assigné le vendeur pour le coût des reprises et divers préjudices. Le vendeur a appelé en garantie plusieurs entreprises, notamment celles du carrelage, de la plomberie-sanitaire et de l’agencement de cuisine, ainsi que le maître d’œuvre d’exécution. Le tribunal judiciaire de Draguignan a condamné le vendeur sur divers postes et a statué partiellement sur les appels en garantie. En appel, les parties ont débattu du régime des vices apparents en VEFA, de la preuve des désordres, des pénalités, de l’indemnisation du préjudice de jouissance, et de l’articulation entre réception, réserves et responsabilité contractuelle des entreprises. La cour confirme la condamnation principale au titre des réserves non levées, refuse les pénalités, ajuste les préjudices, accueille partiellement certains recours récursoires, et écarte l’action contre le maître d’œuvre déclarée irrecevable par une ordonnance antérieure ayant autorité de chose jugée.
La question centrale porte d’abord sur l’étendue des obligations du vendeur en VEFA face aux vices apparents non levés et sur la sufficience des constats d’huissier pour établir les désordres. Elle porte ensuite sur la portée de la réception et des réserves pour fonder ou fermer les recours contractuels contre les entreprises intervenantes. La cour rappelle que « Aux termes de l’article R261-1 du code de la construction et de l’habitation l’immeuble est achevé lorsque sont exécutés les ouvrages et installés les éléments d’équipement qui sont indispensables à l’utilisation conformément à la destination de l’immeuble » et que « Aux termes de l’article 1642-1 du code civil, le vendeur d’un immeuble à construire ne peut être déchargé […] des vices de construction ou des défauts de conformité alors apparents ». Elle admet la preuve des désordres sans expertise, juge les pénalités inapplicables, et articule finement la responsabilité contractuelle des entreprises avec le jeu de la réception et des réserves.
I. Le régime des réserves et des vices apparents en VEFA
A. Achèvement, vices apparents et preuve sans expertise
La cour fixe le cadre légal de l’achèvement et des vices apparents, rappelant le texte précité de l’article R261-1. Elle juge que la preuve des désordres peut résulter de constats d’huissier, l’expertise n’étant pas un préalable nécessaire, en affirmant que « Elle ne présente aucun caractère obligatoire et spécialement concernant les désordres, défauts de conformités purement esthétiques ou occasionnant une simple gêne dans l’utilisation du bien ». Cette affirmation s’accorde avec la nature des griefs, pour l’essentiel esthétiques ou de confort, tels que l’orientation du calepinage, des défauts d’alignement ou de finitions.
La cour relève la notification des réserves dans le mois de la remise des clés et constate la persistance de plusieurs non-conformités lors des constats ultérieurs. Elle confirme en conséquence le principe d’indemnisation du coût des reprises pour les réserves retenues, reprochant au vendeur de n’avoir pas renversé la pertinence des devis produits. Elle écarte les postes liés à des réserves non retenues, mais maintient la somme principale. Ainsi, la solution retient une appréciation probatoire pragmatique et conforme au droit positif des vices apparents en VEFA.
B. Sanctions contractuelles et indemnités: pénalités et préjudices accessoires
La convention du 25 juin 2015 prévoyait une installation différée et des pénalités, la cour rappelant que « En cas de retard, le vendeur sera débiteur d’une somme de 500€ par jour de retard à compter du 1er août 2015 ». Elle refuse pourtant d’appliquer cette clause, retenant qu’« Il s’agit plutôt de malfaçons », donc des défauts d’exécution et de conformité, non un défaut d’installation au sens de la convention. La position opère une distinction nette entre retard de livraison des équipements promis et défauts d’exécution constatés après la pose.
Pour les préjudices accessoires, la cour écarte le forfait et retient que « Le principe indemnitaire s’oppose à toute évaluation forfaitaire, la victime du préjudice devant être indemnisée sans perte ni profit ». Elle limite le préjudice de jouissance à la seule période antérieure à la date butoir contractuelle, selon un tarif journalier proposé non contesté, faute de restriction d’usage démontrée ensuite. Les frais de déplacement sont recalés selon un barème objectif, avec admission des frais d’huissier utiles. Cette méthode illustre une indemnisation mesurée, fondée sur la justification et la proportionnalité des postes.
II. Les recours du vendeur contre les intervenants après réception
A. Réception, réserves et responsabilité contractuelle de l’entreprise
La cour rappelle le principe directeur: « Avant la levée des réserves, la responsabilité contractuelle de droit commun de l’entrepreneur subsiste concurremment avec la garantie de parfait achèvement […] (cassation 02 février 2017 N° 15-29.420) ». Le maintien de l’action contractuelle n’est cependant pas sans limite. S’agissant du calepinage, elle retient que « S’agissant d’un désordre apparent à la réception il n’est pas rapporté la preuve qu’il ait fait l’objet d’une réserve à la réception des travaux ». Elle en déduit que « l’absence de réserve d’un désordre apparent est exclusive de l’action en garantie de droit commun du maître d’ouvrage à l’égard de l’entrepreneur ». La garantie de l’entreprise de carrelage est donc exclue pour le sens de pose, apparent et non réservé, mais admise pour un carreau endommagé, expressément réservé.
L’articulation opérée sécurise le régime de la réception. Les désordres apparents qui n’ont pas été réservés ne peuvent fonder une action contractuelle ultérieure, alors que les réserves ouvrent cumulativement droit à la GPA et à l’action contractuelle jusqu’à leur levée. La cour applique ainsi un filtre rigoureux de recevabilité des prétentions récursoires, en stricte cohérence avec la finalité du procès-verbal de réception.
B. Imputation par lots, irrecevabilité à hauteur d’appel et garanties ciblées
La cour statue d’abord sur l’irrecevabilité de l’action contre le maître d’œuvre d’exécution, déjà tranchée par l’ordonnance de mise en état, en rappelant que « Cette décision a autorité de la chose jugée ». Aucun recours ne peut donc être dirigé utilement contre ce professionnel à ce stade. Elle examine ensuite l’imputation des réserves aux entreprises par lot. Elle retient la responsabilité de l’entreprise de plomberie-sanitaire pour un meuble vasque non conforme et l’accessoire miroir mal dimensionné, dans le cadre contractuel et « avant la levée des réserves, la responsabilité contractuelle de droit commun de l’entrepreneur subsiste ». Elle condamne l’entreprise d’agencement de cuisine pour la non-conformité de la cuisine livrée après réception mais réservée, admettant la garantie à hauteur du devis de reprise.
Cette sélection confirme une approche fonctionnelle de l’imputabilité, centrée sur les pièces contractuelles, la réception et la preuve des réserves persistant après les interventions. Les garanties sont accordées lorsque les désordres relèvent du lot concerné et s’inscrivent dans le cadre d’obligations de résultat non exécutées, mais refusées lorsqu’un désordre apparent n’a pas été réservé à la réception. L’économie générale de l’arrêt repose sur une rigueur processuelle et une application constante des régimes légaux et contractuels ainsi rappelés.