Cour d’appel de Aix-en-Provence, le 11 septembre 2025, n°21/12040

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 11 septembre 2025, tranche un litige né d’une opération tripartite d’équipement téléphonique assortie d’un financement locatif. L’appelante avait accepté un bon de commande comprenant la prise en charge des « frais de résiliation » de son contrat antérieur et la mention manuscrite d’un « renouvellement » à vingt-quatre mois. Le loueur financier a toutefois conclu une location de soixante-trois loyers, tandis que le prestataire antérieur a facturé des sommes au titre de la résiliation. L’appelante a sollicité la prise en charge des montants acquittés et des dommages-intérêts liés à la durée de la location.

Par un jugement du tribunal de commerce de Salon-de-Provence, 1er juillet 2021, l’ensemble des demandes a été rejeté. En cause d’appel, l’appelante a soutenu que les « frais de résiliation » couvrent pénalités et indemnités de résiliation anticipée, qu’elle avait été induite en erreur sur la durée effective, et qu’un porte-fort avait été violé. L’intimée a soutenu l’inverse, limitant la prise en charge aux seuls coûts techniques, niant tout dol et toute obligation de porte-fort, et invoquant la clarté du contrat de location. La cour infirme partiellement, condamne l’intimée à rembourser les frais de résiliation, mais confirme le rejet des dommages-intérêts afférents à la durée de la location.

I. L’interprétation extensive de l’engagement de prise en charge des frais de résiliation

A. L’ambiguïté de la clause et la recherche de l’intention commune des parties
La cour situe d’abord son contrôle dans le cadre obligataire en rappelant: « Vu les articles 1103, 1104 et 1353 du code civil, ». Elle souligne ensuite l’imprécision de la stipulation litigieuse: « La mention litigieuse du bon de commande, relative à l’engagement contractuel de l’intimée est rédigée en termes vagues et flous, sans définition précise de ce qu’il faut entendre par ‘frais de résiliation’. » L’analyse s’adosse à la commune intention, sans se laisser enfermer par une lecture restrictive. Elle tranche expressément que l’absence d’exclusion ciblée inclut ce qui s’attache causalement à la résiliation, et pas seulement des coûts administratifs.

Cette motivation culmine dans une formule décisive: « Compte tenu de cette rédaction relativement floue et non détaillée de l’engagement contractuel de la société intimée, lequel ne comporte aucune stipulation contractuelle excluant certaines sommes afférentes à la résiliation anticipée, la commune intention des parties était bien d’inclure l’ensemble des frais de résiliation afférents au contrat concurrent en cours (en particulier les indemnités de résiliation et les pénalités pour résiliation anticipée). » La solution réconcilie bonne foi, charge de la preuve et interprétation en cas de doute, en retenant une portée pleine des « frais de résiliation ».

B. Le périmètre retenu et la suffisance probatoire des factures de résiliation
La cour distingue nettement les loyers échus impayés, étrangers au périmètre, des sommes rattachées à la résiliation anticipée. Les libellés « résiliation fixe » et « services ponctuels divers » suffisent, selon elle, à qualifier des frais de résiliation, malgré des imperfections formelles. La démarche privilégie la réalité économique et la cause des sommes sur une lecture formaliste des factures, et neutralise l’argument limitatif de l’intimée. En conséquence, le remboursement est alloué, intérêts courant à compter de l’arrêt, ce qui achève le règlement du chef contractuel principal.

II. L’absence de responsabilité délictuelle et l’échec du porte-fort relatifs à la durée de la location

A. Pas de dol ni de manquement aux obligations précontractuelles d’information
La cour constate la coexistence d’une mention manuscrite rassurante et d’un contrat de location explicitement long. Elle relève d’abord: « En l’espèce, le bon de commande du matériel, du 13 décembre 2016, comporte, en première page, la mention contractuelle manuscrite suivante : ‘renouvellement du présent contrat à compter de 24 mois’. » Toutefois, la durée clairement stipulée en nombre de loyers a été acceptée par l’appelante, de sorte que la croyance initiale ne résiste pas à la signature informée du contrat de location. Aucune manœuvre déterminante n’est établie; la preuve d’un dol ou d’un manquement autonome au devoir d’information n’est pas rapportée.

Cette position maintient un équilibre classique entre protection du consentement et force obligatoire des engagements clairs. La cour refuse d’ériger la note manuscrite en garantie de durée, y voyant, au mieux, une perspective de renégociation à vingt-quatre mois. Le standard probatoire demeure élevé pour caractériser le dol, spécialement lorsque l’écrit principal expose de façon apparente la durée de l’engagement.

B. L’inopérance de la promesse de porte-fort et les enseignements pratiques de l’arrêt
La cour écarte enfin le fondement subsidiaire de porte-fort. L’acceptation par l’appelante d’une durée supérieure libère en pratique le tiers, en neutralisant la prétendue garantie relative à une durée ramenée à deux ans. L’absence d’engagement ferme contre-signé par le tiers et la contradiction née de la signature du bail long rendent la demande infondée.

L’arrêt offre deux enseignements opérationnels. D’une part, une clause vague de prise en charge des « frais de résiliation » s’entend largement, sauf exclusions expresses, au bénéfice du cocontractant non professionnel de la rédaction. D’autre part, sur la durée, seule la stipulation claire du contrat de location commande; une note de « renouvellement » ne substitue pas un terme, ni ne suffit à caractériser un dol en présence d’un écrit principal lisible et accepté.

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