Cour d’appel de Aix-en-Provence, le 11 septembre 2025, n°21/13845

Par un arrêt de caducité du 11 septembre 2025, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence statue sur l’extinction d’une instance d’appel ouverte contre un jugement du 6 septembre 2021 du tribunal de commerce de Marseille, issu d’une procédure d’injonction de payer. Le litige trouve son origine dans une facture demeurée impayée, ayant donné lieu à opposition puis à condamnation, assortie de l’exécution provisoire de droit.

L’appel a été formé par deux déclarations des 24 et 30 septembre 2021, ultérieurement jointes. L’intimée, domiciliée à l’étranger, n’a pas constitué avocat. Le greffe a invité l’appelante à procéder à la signification de la déclaration d’appel dans le délai légal d’un mois, en application de l’article 902 du code de procédure civile. L’appelante a tenté une notification internationale selon les articles 684 et suivants, restée infructueuse.

Dans ses écritures, l’appelante sollicitait la réformation, l’irrecevabilité de l’action adverse faute de preuve d’existence juridique, la nullité des actes et une indemnité au titre de l’article 700. La cour, après clôture et débats, a invité une note en délibéré sur la caducité, puis a tranché par défaut, conformément à l’article 473 du code de procédure civile.

La question posée tenait, d’une part, à l’articulation des exigences de l’article 902 avec la notification internationale en cas de domicile inconnu à l’étranger, et, d’autre part, au pouvoir de la juridiction d’appel de relever d’office une caducité après dessaisissement du conseiller de la mise en état. La Cour d’appel d’Aix-en-Provence juge que les diligences requises par l’article 687-1 n’ont pas été accomplies et que le délai d’un mois de l’article 902 a expiré, ce qui justifie la caducité, relevée d’office au regard de la jurisprudence de la deuxième chambre civile. Elle énonce en particulier: « Le délai d’un mois prévu par l’article 902 du code de procédure civile étant expiré, la cour est fondée à relever d’office la caducité de la déclaration d’appel du 24 septembre 2021 et de la déclaration d’appel rectificative du 30 septembre 2021. »

I. Caducité de l’appel et notification internationale de la déclaration d’appel

A. Le délai d’un mois de l’article 902 du code de procédure civile

L’économie de l’article 902 impose, en l’absence de constitution de l’intimé, la signification de la déclaration d’appel dans le mois de l’invitation du greffe, à peine de caducité. La mention calendaire relevée dans la décision révèle une erreur matérielle dépourvue d’incidence, la séquence procédurale montrant une invitation en 2021 et non en 2001. L’appelante ne justifie pas d’une signification accomplie dans ce délai, ni d’une cause d’empêchement légalement opérante.

La cour rappelle utilement la rigueur du mécanisme, qui sanctionne la seule expiration du délai lorsque les diligences requises n’ont pas été réalisées. La phrase précitée (« Le délai d’un mois prévu par l’article 902… étant expiré… ») marque la bascule automatique vers l’extinction de l’instance d’appel, faute de notification régulière, alors même que des démarches ont été initiées hors du cadre procédural adéquat.

B. La mise en œuvre de l’article 687-1 et le relais de l’article 659 en cas de domicile inconnu

La décision constate que « Il ne résulte pas des pièces produites que les prescriptions de l’article 687-1 du code de procédure civile aient alors été mises en œuvre ». Elle cite le texte, qui commande la bascule vers la signification selon l’article 659 lorsque le destinataire n’habite pas à l’adresse indiquée et n’a plus ni domicile ni résidence connus: « s’il ressort des éléments transmis par l’autorité requise ou les services postaux que le destinataire n’habite pas à l’adresse indiquée et que celui-ci n’a plus ni domicile ni résidence connus, le commissaire de justice relate dans l’acte les indications ainsi fournies et procède à la signification comme il est dit aux alinéas 2 à 4 de l’article 659 du code de procédure civile ».

L’appelante soutenait que les diligences étrangères s’apparentaient à la procédure de l’article 659. La cour écarte cette assimilation, faute d’un acte relatant les investigations et opérant formellement la signification subsidiaire. L’exigence tient au caractère formaliste de la notification internationale: sans procès-verbal conforme à 687-1 et relais 659, la signification n’existe pas et ne suspend pas le couperet du mois de l’article 902.

II. Pouvoirs de la juridiction d’appel et portée de la solution

A. La compatibilité avec l’article 914 du code de procédure civile et la jurisprudence de la deuxième chambre civile

L’exclusivité du conseiller de la mise en état pour certaines caducités ne fait pas obstacle au relevé d’office par la juridiction d’appel dans l’hypothèse présente. La cour se fonde sur la jurisprudence selon laquelle « si aux termes de l’article 914 du code de procédure civile, le conseiller de la mise en état a une compétence exclusive pour prononcer la caducité de la déclaration d’appel encourue en application des articles 908 et 911 du même code, et si les parties ne sont plus recevables à l’invoquer après le dessaisissement de ce magistrat, à moins que sa cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement, cette restriction ne fait pas obstacle à ce que la cour d’appel relève relève d’office la caducité » (Civ. 2, 11 mai 2017, n° 16-14.868).

Le rappel de ce principe éclaire l’office de la formation de jugement en fin d’instance. L’invitation d’une note en délibéré sur la caducité assure, par ailleurs, le respect du contradictoire, tandis que la nature d’ordre public de la sanction justifie son élévation au stade du délibéré.

B. Appréciation critique et enseignements pratiques

La solution concilie célérité et effectivité de la notification internationale en imposant le relais procédural de l’article 687-1, puis de l’article 659. Elle évite la paralysie des voies de recours par des diligences étrangères incertaines, tout en ménageant une voie de signification subsidiaire garantissant la sécurité juridique minimale.

Son exigence formelle peut paraître sévère pour l’appelant diligent lorsque la localisation de l’intimé s’avère impossible à l’étranger. Elle incite cependant à encadrer strictement les recherches, à dresser un acte circonstancié, et, au besoin, à solliciter en temps utile les mesures propres à prévenir la caducité. La portée pratique est nette: en matière de notification internationale de la déclaration d’appel, l’articulation 902/687-1/659 constitue un triptyque indissociable, dont la méconnaissance entraîne l’extinction irrémédiable de l’instance.

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