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La Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 11 septembre 2025, statue sur la responsabilité d’intermédiaires ayant diffusé des conventions d’acquisition d’œuvres manuscrites présentées comme faiblement risquées et génératrices d’un rendement déterminé. La liquidation de l’émetteur, l’ouverture d’une information judiciaire et des alertes publiques antérieures interrogent la diligence attendue du conseil.
L’investisseuse avait souscrit en 2011 et 2012 deux contrats portant sur des collections confiées pour cinq ans, avec une faculté de rachat annoncée et une plus-value prédéterminée. La procédure collective ouverte en 2015, puis les investigations pénales, ont révélé une forte surévaluation des actifs et l’absence de garantie effective de rachat. Après un jugement de 2021 retenant la responsabilité contractuelle des intermédiaires, l’appel porte sur la prescription, l’existence et l’étendue des manquements, ainsi que sur la réparation.
Les prétentions opposent, d’un côté, la thèse d’une prescription acquise dès la signature des contrats et, de l’autre, celle d’un point de départ différé au jour de révélation du dommage. La question de droit tient, d’abord, au moment où l’investisseur « a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant » d’agir. Elle tient, ensuite, à l’étendue du devoir d’information et de conseil quant à un placement atypique vantant un rendement élevé. La cour écarte la prescription, confirme les manquements et réévalue la perte de chance sur une base chiffrée.
I. Prescription et révélation du dommage
A. Le point de départ au jour de la connaissance utile
La cour adopte l’approche dégagée par la jurisprudence récente en matière de prescription quinquennale. Elle cite que « les obligations entre commerçants et non-commerçants se prescrivant par cinq ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer » (Com., 20 novembre 2024, n° 23-12.137). Elle rattache la connaissance opérante à la révélation d’une surévaluation systémique et d’un risque radicalement distinct du discours initial.
La réalisation du dommage n’était pas acquise à la seule lecture contractuelle, ni à la date de souscription. La survalorisation alléguée et la perspective de pertes à la revente n’ont été objectivées qu’à la suite de l’information judiciaire, dont la notification aux victimes a conféré un caractère actuel et mesurable au risque. Cette articulation retarde le point de départ sans dissoudre l’exigence de vigilance, conciliant sécurité juridique et effectivité du droit d’agir.
B. La sécurité juridique des intermédiaires et la prévisibilité du contentieux
L’argument tenant à la seule lecture des clauses, notamment l’absence de garantie de rachat, ne saurait épuiser la réalité du dommage lorsque la valorisation de l’actif support s’avère structurellement biaisée. La cour fait prévaloir l’exigence d’un dommage révélé et non hypothétique, ce qui réduit les dénis de recevabilité fondés sur une approche formaliste des dates.
La solution demeure prévisible pour les professionnels, tenus d’anticiper le risque contentieux propre aux placements atypiques. Elle s’insère dans un mouvement jurisprudentiel considérant que le dommage réside dans la perte de valeur et la défaillance du modèle économique, non dans la simple volatilité. Ce cadre incite à documenter plus strictement l’adéquation temporelle de l’information donnée.
II. Devoirs du conseil et réparation de la perte de chance
A. L’exigence d’information loyale face aux placements atypiques
La cour confirme qu’un intermédiaire présentant un produit comme faiblement risqué doit corréler le rendement annoncé avec les risques concrets. Elle se réfère à la mise en garde de principe selon laquelle « aucun discours commercial ne doit faire oublier qu’il n’existe pas de rendement élevé sans risque élevé » (Com., 2 mai 2024, n° 22-15.787). L’alerte publique relative aux placements atypiques, réitérée, imposait d’en intégrer la substance au conseil délivré.
Le devoir d’information et de conseil oblige à exposer les caractéristiques défavorables, l’absence de garantie de rachat et l’inexistence d’un marché secondaire profond. Il commande d’apprécier l’expérience, l’aversion au risque et l’objectif patrimonial du client, pour recommander un support réellement adapté (Com., 2 novembre 2017, n° 16-15.756). La qualification de risque « faible » s’avère ici incompatible avec les paramètres objectifs du produit et les avertissements connus.
B. La réparation par la perte de chance et sa mesure concrète
La cour retient classiquement que le préjudice résulte de la perte d’une chance d’éviter le risque qui s’est réalisé, par renoncement ou renégociation, et non d’un manque à gagner certain. Elle s’inscrit dans la lignée selon laquelle seule la « perte certaine, réelle et sérieuse d’une chance » ouvre droit à réparation, distincte de l’avantage espéré (Com., 6 mars 2019, n° 17-22.668). Le raisonnement circonscrit utilement le quantum au champ de la chance perdue.
La méthode combinée repose sur deux étages. Elle constate d’abord un taux de perte objective sur l’actif sous-jacent, ici fixé à 88 % au regard des reventes et de la surévaluation. Elle applique ensuite un coefficient de chance de 80 %, traduisant la probabilité d’une décision différente si l’information avait été adéquate. Le résultat (32 384 euros) reflète une réparation proportionnée, sans confondre la chance et son bénéfice intégral. Le préjudice moral est également caractérisé et indemnisé distinctement, en considération des circonstances personnelles établies.
L’arrêt d’Aix-en-Provence du 11 septembre 2025 conjugue ainsi une appréciation réaliste du point de départ de la prescription avec une exigence élevée de loyauté informative. Il confirme une grille de réparation mesurée et rigoureuse, adaptée aux contentieux des placements atypiques et au standard attendu des professionnels du conseil.