Cour d’appel de Aix-en-Provence, le 11 septembre 2025, n°22/00951

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La Cour d’appel d’Aix-en-Provence, le 11 septembre 2025, a statué par un arrêt de renvoi intervenant dans un litige prud’homal relatif à la prise en charge de créances salariales après liquidation. Un salarié employé depuis 2003, devenu VRP exclusif en 2014, exerçait parallèlement une activité à temps partiel au sein d’une autre société. Les deux structures ont été placées en liquidation en 2018, puis l’intéressé a été licencié. Contestant le refus de garantie opposé par l’organisme de garantie des salaires, il a saisi la juridiction prud’homale qui l’a débouté le 14 décembre 2021. Il a interjeté appel le 21 janvier 2022. En cause d’appel, un bordereau de pièces a été communiqué par l’intimé, sans dépôt effectif des pièces au greffe ni à l’audience.

La procédure en appel a connu une jonction de deux dossiers, au motif de la bonne administration de la justice. Surtout, la formation a relevé une méconnaissance des exigences de communication des pièces avant l’audience de plaidoiries. L’arrêt relève que, malgré la production d’un bordereau listant sept pièces, « le dossier comportant les pièces ainsi mentionnées n’a pas été déposé au greffe dans les délais prévus à l’article 912 du code de procédure civile, ni à l’audience […] ni depuis lors ». La cour a alors ordonné la réouverture des débats, afin de permettre un débat contradictoire sur ces documents manquants.

La question de droit portait sur l’office du juge d’appel face à l’absence de dépôt effectif de pièces mentionnées dans un bordereau et sur la nécessité de garantir le contradictoire par une réouverture des débats. La Cour répond qu’« en application de l’article 16 du code de procédure civile, la réouverture des débats sera ordonnée afin que les parties s’expliquent contradictoirement » sur l’absence au dossier des pièces annoncées. La solution s’articule aussi autour de la gestion procédurale de l’instance par la jonction, retenue « en application des dispositions de l’article 367 du code de procédure civile », la « bonne administration de la justice [commandant] de joindre ces deux instances ».

I. La garantie du contradictoire et la discipline de la preuve en appel

A. La portée impérative des articles 16 et 912 du code de procédure civile

L’arrêt recadre, avec sobriété, l’obligation de respecter le contradictoire et le calendrier de dépôt des pièces. Il rappelle, en citant la norme textuelle, que « le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ». La référence à l’article 912 vient préciser le cadre temporel de la mise en état, notamment lorsque « les dossiers […] sont déposés à la cour quinze jours avant la date fixée pour l’audience de plaidoiries ». Le visa cumulé souligne que la régularité de la communication n’épuise pas l’exigence de dépôt effectif et exploitable des pièces.

La cour constate l’écart concret entre un bordereau et la présence matérielle des documents au dossier. Elle relève que l’intimé a remis « un bordereau de communication de pièces faisant état de sept pièces », mais sans le dépôt correspondant, y compris après rappel du greffe. L’argumentation évite toute sanction définitive à ce stade, mais rétablit l’ordre procédural par une mesure de régularisation loyale et directive.

B. La réouverture des débats comme instrument de sauvegarde

Au lieu d’écarter d’emblée les pièces non déposées, la cour recourt à une mesure de police de l’instance, proportionnée au manquement. Elle décide que, « en application de l’article 16 du code de procédure civile, la réouverture des débats sera ordonnée », afin d’assurer un échange contradictoire sur les pièces mentionnées et absentes. Cette solution réaffirme le rôle actif du juge d’appel dans la conduite du procès équitable.

Cette démarche présente une double vertu. Elle évite un jugement sur pièces incomplètes, tout en ménageant le droit de défense des parties. La décision fixe un calendrier précis et annonce la reprise de l’audience, prolongeant ainsi le contradictoire sans surprise procédurale. Le dispositif est clair et direct, puisqu’il « ordonne la réouverture des débats » et « dit que les parties devront présenter leurs observations avant le 4 décembre 2025 ».

II. La bonne administration de la justice et la maîtrise de l’instance

A. La jonction fondée sur l’unité des causes et des parties

La cour s’appuie sur l’article 367 pour rationaliser l’instruction des affaires. Elle énonce que, les deux instances concernant « les mêmes parties et les mêmes causes », « la bonne administration de la justice commande de joindre ces deux instances […] pour être suivies sous le seul » numéro. La jonction évite les contradictions potentielles, mutualise les débats utiles et renforce la cohérence des solutions procédurales et de fond.

Cette orientation favorise l’économie des moyens sans porter atteinte aux droits de chacun. Le regroupement facilite aussi la mise en état, surtout lorsque la difficulté porte sur la communication de pièces prétendument communes. La jonction conditionne donc une instruction sereine, préalable nécessaire à tout examen au fond du licenciement économique et de la garantie salariale.

B. Les incidences sur le fond social et la portée de l’arrêt

La cour réserve explicitement les prétentions. Le dispositif précise qu’elle « réserve les demandes des parties ainsi que les dépens ». Le litige principal reste ouvert quant aux créances de rupture, aux salaires impayés et aux questions de garantie légale. Les thèses adverses, relatives à une éventuelle fraude à l’engagement d’exclusivité et à une prétendue forclusion de contestation de garantie, ne sont pas tranchées.

La portée de l’arrêt est essentiellement procédurale. Elle consolide le standard de dépôt effectif des pièces en appel, au-delà de la seule formalité du bordereau, et rappelle l’office correcteur du juge d’appel. Elle sécurise enfin le cadre d’examen des moyens de droit du litige social, en alignant le calendrier, la jonction et la contradiction. La fixation d’une audience de renvoi et l’indication d’une date butoir d’observations encadrent utilement la suite de l’instance, sans préjuger de l’issue au fond.

I. Réaffirmation du contradictoire en appel

A. Le bordereau ne supplée pas le dépôt

La cour met en exergue la différence entre l’énumération des pièces et leur disponibilité au dossier. Elle constate l’insuffisance d’un bordereau dépourvu de documents effectivement consultables, y compris à l’audience. Elle rattache cette exigence à l’article 912, rappelant que « les dossiers […] sont déposés à la cour quinze jours avant la date fixée pour l’audience de plaidoiries ». Cette lecture confère une fonction substantielle au dépôt, condition d’un débat loyal.

Ce cadrage rejoint une conception stricte du contradictoire, nourrie par l’article 16. En posant que « le juge doit, en toutes circonstances, faire observer » ce principe, la cour justifie une réaction régulatrice, préférée à une sanction immédiate d’irrecevabilité. Le choix d’une mesure d’instruction garantit la loyauté des échanges sans grief décisif.

B. La réouverture des débats, mesure nécessaire et proportionnée

Plutôt que d’écarter les écritures, la formation « ordonne la réouverture des débats ». La décision consacre une logique de restauration du contradictoire, encadrée par des délais et une audience de renvoi. Elle oriente les parties vers une clarification probatoire, limitant les aléas contentieux liés aux communications tardives ou incomplètes.

Cette voie médiane prévient le risque de déni de justice et préserve l’autorité de la formation d’appel pour statuer ultérieurement sur le fond. Elle est cohérente avec l’économie de l’appel prud’homal, où l’équilibre entre célérité et qualité du débat demeure délicat. La mesure est ainsi correctement cantonnée aux besoins du procès.

II. Administration de l’instance et économie procédurale

A. La jonction, outil de cohérence et de lisibilité

La jonction s’appuie sur « la bonne administration de la justice », appréciée à la lumière de l’article 367. La cour l’ordonne en raison de l’identité de parties, de causes et de la décision contestée. Elle concentre les moyens et unit les débats, tout en simplifiant le suivi sous un seul numéro.

Ce choix permet de traiter efficacement les incidents, notamment ceux relatifs à la communication des pièces. Il réduit les risques de solutions divergentes et harmonise la suite de la mise en état. La jonction demeure réversible en droit, mais elle s’impose ici comme une mesure opportune, sobre et justifiée.

B. La portée pratique du renvoi et la neutralité sur le fond

Le dispositif « renvoie la cause et les parties à l’audience du 15 janvier 2026 » et fixe un terme pour la présentation d’observations. La décision « vaut convocation » et encadre le contradictoire avant reprise. Elle se garde d’anticiper la solution au fond, notamment sur la validité du lien salarial, l’exclusivité et la garantie due par l’organisme concerné.

Cette neutralité de jugement, assumée, protège la régularité de l’instance et prépare un examen éclairé des prétentions. La réserve des demandes, des dépens et l’absence de condamnation immédiate préservent l’équité procédurale. L’arrêt, purement ordonnateur, renforce le standard d’exigence probatoire et conforte la lisibilité de la suite du procès.

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Hassan KOHEN
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