Cour d’appel de Aix-en-Provence, le 11 septembre 2025, n°22/01745

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Rendue par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence le 11 septembre 2025, la décision commente un contentieux prud’homal né d’un licenciement économique intervenu dans le contexte de liquidations judiciaires croisées. Un salarié, engagé comme représentant, revendiquait des créances de rupture et d’exécution, et sollicitait la garantie légalement encadrée par le mécanisme d’avance des salaires, tandis que le conseil de prud’hommes de Cannes, par jugement du 14 décembre 2021, l’avait débouté. L’appel, relevé en janvier 2022, a vu prospérer des débats sur la recevabilité de la contestation de garantie et sur la régularité de la communication des pièces.

Devant la juridiction d’appel, l’instance s’est complexifiée par l’existence de deux procédures parallèles relatives à la même décision, et par un incident de communication, un bordereau complémentaire mentionnant trois pièces n’ayant pas été suivi du dépôt matériel au greffe dans les délais. La difficulté portait moins sur le fond du droit du travail que sur l’office du juge d’appel chargé d’assurer un débat loyal et ordonné. Fallait‑il joindre les instances au titre d’une bonne administration de la justice, puis rouvrir les débats pour rétablir la contradiction, plutôt que prononcer une sanction probatoire immédiate ou clore sans échange utile supplémentaire

La Cour retient la jonction, sur le fondement de l’article 367 du code de procédure civile, et ordonne la réouverture des débats au visa combiné des articles 912 et 16 du même code. Elle affirme que « En application des dispositions de l’article 367 du code de procédure civile, les deux instances dont est saisie la cour […] la bonne administration de la justice commande de joindre ces deux instances […] pour être suivies sous le seul RG n°22/00954 ». S’agissant de la communication défaillante, elle rappelle que « Il ressort de l’article 16 du code de procédure civile que “le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction.” » et relève, au regard de l’article 912, que « Il fixe la date de la clôture et celle des plaidoiries » et que « Dans tous les cas, les dossiers […] sont déposés à la cour quinze jours avant la date fixée pour l’audience de plaidoiries ». Constatant l’absence persistante de pièces annoncées, elle en déduit que « la réouverture des débats sera ordonnée afin que les parties s’expliquent contradictoirement sur l’absence au dossier des pièces pourtant ainsi référencées ». Le dispositif précise encore: « Ordonne la jonction de l’instance nº 22/01745 avec l’instance n°22/00954 et dit que le dossier ne sera plus appelé que sous ce dernier numéro », « Dit que les parties devront présenter leurs observations avant le 4 décembre 2025 », et « Renvoie la cause et les parties à l’audience du 15 janvier 2026 à 9h00 ».

I. Le cadre procédural mobilisé par la cour

A. La jonction des instances et la bonne administration de la justice

La Cour a d’abord privilégié l’économie procédurale en unifiant le litige sous un seul numéro, ce qui évite les décisions contradictoires et rationalise l’instruction. Elle s’y fonde explicitement: « la bonne administration de la justice commande de joindre ces deux instances […] pour être suivies sous le seul RG n°22/00954 ». L’exigence d’identité d’objet et de cause est satisfaite, l’appel visant la même décision et les mêmes prétentions, tandis que la jonction stabilise le cadre du débat avant toute mesure d’instruction.

Cette qualification confère au juge d’appel une maîtrise de la structure contentieuse conforme à l’article 367, sans préjuger des moyens au fond. La jonction est ici instrumentale, elle prépare la mesure suivante, en garantissant que la reprise du contradictoire s’exercera dans un périmètre procédural unique et parfaitement lisible.

B. La réouverture des débats au service du contradictoire

La Cour relève une dissociation entre l’annonce de pièces et leur dépôt effectif, en contravention avec l’article 912. Elle souligne la règle de calendrier, en retenant les passages essentiels: « Il fixe la date de la clôture et celle des plaidoiries » et « Dans tous les cas, les dossiers […] sont déposés à la cour quinze jours avant la date fixée ». Surtout, elle replace cette discipline formelle sous l’autorité du principe cardinal: « le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ».

Plutôt que d’écarter d’emblée les pièces ou de clore l’instruction, la Cour ordonne la reprise des échanges. Elle motive nettement: « la réouverture des débats sera ordonnée afin que les parties s’expliquent contradictoirement sur l’absence au dossier des pièces pourtant ainsi référencées ». La solution préserve la loyauté des débats, tout en rappelant la charge de diligence pesant sur les plaideurs, et la vigilance du juge d’appel sur la matérialité du dossier.

II. La portée pratique et normative de la solution

A. La sauvegarde du contradictoire comme boussole de l’instruction d’appel

La décision réaffirme une hiérarchie claire: la contrainte de calendrier ne se substitue pas à la garantie du débat loyal. En ordonnant la reprise des échanges, la Cour évite une sanction expéditive qui exposerait l’issue à une critique pour défaut de contradiction. La formule est sans ambiguïté et se suffit: « la réouverture des débats sera ordonnée afin que les parties s’expliquent contradictoirement ».

Ce choix est particulièrement adapté en matière prud’homale, où l’efficacité ne peut primer sur l’équité du procès. La Cour rappelle ainsi que le manquement formel n’autorise pas l’économie du débat, dès lors qu’une mesure réversible et proportionnée permet de restaurer la dialectique contradictoire dans des délais maîtrisés.

B. Les effets sur la conduite du procès et la loyauté des échanges

La Cour assortit la réouverture d’un encadrement temporel précis, garant de célérité et de discipline. Elle ordonne: « Dit que les parties devront présenter leurs observations avant le 4 décembre 2025 » et fixe l’audience: « Renvoie la cause et les parties à l’audience du 15 janvier 2026 à 9h00 ». Ce pilotage réduit l’aléa procédural, formalise la charge de réponse, et conditionne la prise en compte d’éventuelles pièces régularisées.

La solution emporte enfin une neutralisation provisoire des questions de fond, toutes « réservées », ce qui respecte l’économie du litige et prévient toute atteinte prématurée aux droits de la défense. En somme, la Cour module ses pouvoirs d’instruction pour conjuguer rigueur de la communication et effectivité du contradictoire, sans priver une partie de la possibilité d’un débat utile ni sacrifier la prévisibilité du calendrier.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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