- Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre) LinkedIn
- Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Facebook
- Cliquez pour partager sur WhatsApp(ouvre dans une nouvelle fenêtre) WhatsApp
- Cliquez pour partager sur Telegram(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Telegram
- Cliquez pour partager sur Threads(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Threads
- Cliquer pour partager sur X(ouvre dans une nouvelle fenêtre) X
- Cliquer pour imprimer(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Imprimer
Rendue par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence le 11 septembre 2025, la décision oppose des propriétaires d’un immeuble en copropriété à des voisines dont la toiture a été endommagée par la chute d’un pin lors d’une opération d’élagage. L’accident est survenu au cours de travaux commandés par un occupant bénéficiant de la jouissance d’un logement dans l’immeuble, qui avait missionné un professionnel pour intervenir sur l’arbre implanté sur le fonds des propriétaires.
Le tribunal judiciaire de Draguignan, le 26 juillet 2022, a retenu la responsabilité délictuelle des propriétaires comme gardiens de la chose, a mis hors de cause l’occupant et l’élagueur, et a alloué une indemnisation pour le préjudice matériel. Les propriétaires ont interjeté appel, recherchant la garantie de l’occupant, en soutenant que celui-ci détenait, au jour du sinistre, les pouvoirs d’usage, de direction et de contrôle caractérisant la garde de l’arbre, au moins concurremment avec le professionnel.
La cour d’appel commence par circonscrire sa saisine, en rappelant que « Selon l’article 542 du code de procédure civile, l’appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction du premier degré, à sa réformation ou à son annulation par la cour d’appel ». Elle précise encore que « Aux termes de l’article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ». Il en résulte que seuls les chefs régulièrement déférés et dirigés, en dispositif, contre les parties régulièrement appelées en la cause peuvent être tranchés en appel.
La question de droit tient alors à la caractérisation d’une garde concurrente de l’arbre entre les propriétaires, présumés gardiens, et l’occupant qui a ordonné les travaux, avec la conséquence d’un appel en garantie interne. La solution repose sur l’article 1242 du code civil, rappelé en ces termes: « Aux termes de l’article 1242 du code civil, on est responsable […] des choses que l’on a sous sa garde ». La cour constate que l’occupant, détenteur d’un droit de jouissance et commanditaire de l’élagage, exerçait des pouvoirs de surveillance et de contrôle sur l’arbre, tout en notant que cette jouissance n’était pas totale. Elle en déduit une garde partagée et condamne l’occupant à garantir les propriétaires à hauteur d’un tiers des condamnations, en ces termes: « Sa responsabilité sera retenue pour un tiers, appliqué à l’ensemble des condamnations prononcées par le jugement ».
I — La caractérisation d’une garde concurrente de l’arbre
A — Les critères classiques de la garde au sens de l’article 1242
L’arrêt s’inscrit dans le cadre bien établi de la responsabilité du fait des choses, que l’on rattache à la notion d’« usage, direction et contrôle ». La cour le dit expressément: « Il est constant que la responsabilité du dommage causé par la chose est liée à l’usage qui est fait de la chose, ainsi qu’aux pouvoirs de surveillance et de contrôle exercés sur elle, qui caractérisent la garde ». La présomption qui frappe le propriétaire peut céder devant la preuve d’un transfert de ces pouvoirs, total ou partiel, au profit d’un tiers.
En présence d’un ouvrage naturel tel qu’un arbre, la garde s’apprécie au regard des pouvoirs concrets exercés sur l’entretien, la décision d’élaguer et la maîtrise des opérations. La solution admet que la garde n’est pas monolithique, et peut, selon les faits, se partager entre plusieurs sujets ayant des pouvoirs en concurrence sur la chose.
B — L’application in concreto et le partage de responsabilité
La cour relève que l’occupant bénéficiait d’une jouissance effective dans l’immeuble et a directement missionné le professionnel pour élaguer le pin à l’origine du sinistre. Cette initiative révèle un pouvoir décisionnel et une surveillance immédiate sur l’arbore, suffisants pour caractériser une garde au moins partielle, sans effacer la présomption pesant sur les propriétaires.
La conséquence retenue est un partage interne de responsabilité, traduit par l’obligation de garantie à hauteur d’un tiers des condamnations, la cour affirmant que « Sa responsabilité sera retenue pour un tiers, appliqué à l’ensemble des condamnations prononcées par le jugement ». Ce fractionnement exprime l’idée d’une garde conjointe, appréciée en fonction de l’étendue réelle des pouvoirs exercés au moment des faits.
II — Les limites procédurales et la portée pratique de la solution
A — Une saisine d’appel strictement délimitée par le dispositif
La cour développe une pédagogie procédurale ferme, rappelant que « la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ». À défaut de conclusions régulièrement signifiées ou d’un appel incident relatif à certains chefs, ceux-ci échappent à la censure, et doivent être confirmés. Cette rigueur explique le maintien du rejet du préjudice moral et l’absence de décision au fond à l’égard du professionnel non constitué.
Le principe de concentration du litige en cause d’appel se trouve ainsi renforcé. La solution illustre la nécessité, pour les plaideurs, de formuler des prétentions claires et complètes en dispositif, et d’assurer la contradiction envers chaque défendeur visé, faute de quoi la cour se déclare incompétente à statuer sur ces demandes.
B — Portée et appréciation critique de la garde partagée retenue
Sur le fond, l’arrêt valide une grille de lecture pragmatique de la garde, adaptée aux situations d’occupation partielle et d’initiatives ponctuelles sur la chose à risque. En consacrant une garde concurrente, il favorise une répartition interne des charges conforme à l’effectivité des pouvoirs exercés et à la logique assurantielle.
La solution appelle toutefois deux réserves. D’une part, la fraction d’un tiers n’est pas adossée à des critères explicités, ce qui peut fragiliser la prévisibilité des recours internes. D’autre part, la question d’un transfert de garde au profit du professionnel n’est pas tranchée sur le fond, pour des raisons procédurales, alors que l’opération d’élagage en cours pouvait l’autoriser. Cette indétermination limite la portée normative de l’arrêt, tout en rappelant que la discipline procédurale conditionne l’office du juge d’appel.
En définitive, l’arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence du 11 septembre 2025 combine une application classique de l’article 1242 et une exigence procédurale élevée. En rappelant que « Il est constant que la responsabilité du dommage causé par la chose est liée à l’usage […] et aux pouvoirs de surveillance et de contrôle », la cour consacre une garde partagée et organise, par la garantie d’un tiers, un équilibre interne cohérent, sans préjudice de recours complémentaires correctement introduits.