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La Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 11 septembre 2025, statue sur l’opposition à contrainte formée par un travailleur indépendant affilié au régime social des indépendants, gérant d’une société placée ultérieurement en liquidation. Plusieurs mises en demeure, puis une contrainte du 16 octobre 2017, ont été signifiées pour des cotisations et majorations afférentes aux années 2014 à 2016. Le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille, 21 avril 2023, a validé la contrainte, après désistement sur une période limitée, et condamné le cotisant au paiement. L’appelant invoque la nullité de l’acte de signification en raison d’un numéro de référence erroné, ainsi que l’irrecevabilité du recouvrement faute de signification au mandataire judiciaire de la société et de déclaration de créance. L’organisme de recouvrement soutient l’absence de grief, l’identification suffisante du titre, et le caractère personnel de la dette d’assurance sociale du gérant. La question porte, d’une part, sur l’étendue des exigences formelles de l’article R.133-3 du code de la sécurité sociale et la portée d’une erreur matérielle, d’autre part, sur la nature personnelle des cotisations du dirigeant affilié et ses conséquences en cas de procédure collective de la société. La cour confirme la décision, qualifie l’erreur de référence de matérielle sans incidence et retient l’autonomie de la dette personnelle du gérant au regard de la liquidation de sa société.
I. Régularité de la signification de la contrainte
A. L’erreur matérielle sur la référence et l’absence de nullité
Le débat porte sur l’irrégularité alléguée d’un numéro de contrainte amputé d’un chiffre dans l’acte de signification. La norme applicable exige une mention substantielle, non une perfection typographique. Le texte vise la finalité d’information et de saisine éclairée, non la sanction de la moindre coquille. La cour se fonde sur l’article R.133-3 du code de la sécurité sociale, dont il est rappelé que: « A peine de nullité, l’acte d’huissier ou la notification mentionne la référence de la contrainte et son montant, le délai dans lequel l’opposition doit être formée, l’adresse du tribunal compétent et les formes requises pour sa saisine. » La référence figurait, bien qu’affectée d’un zéro manquant, et l’acte rappelait la date du titre, les périodes, les montants et les mises en demeure corrélées. L’identification objective du titre ne souffrait pas d’ambiguïté. La solution s’inscrit dans une jurisprudence d’office maîtrisé du juge de l’opposition, à qui « il appartient aux juges du fond d’examiner la pertinence des motifs de l’opposition » (Cass. soc., 9 déc. 1993, n° 91-11.402). L’erreur ne voile pas le titre, elle ne désoriente pas le débiteur, qui a effectivement exercé son recours en temps utile.
Le rappel des principes probatoires renforce cette approche pragmatique. « En matière d’opposition à contrainte, il appartient à l’opposant de rapporter la preuve des éléments qu’il présente au soutien de son opposition » (Cass. 2e civ., 16 déc. 2003, n° 02-30.882). Aucune confusion concrète n’est démontrée, aucun grief n’est caractérisé. La cour constate, de manière décisive, que la discordance tient à une simple inadvertance numérique, et juge que « La contrainte et sa signification ne seront donc pas annulées de ce chef. » La motivation concilie l’exigence de sécurité formelle et l’objectif d’effectivité du recouvrement, privilégiant l’intelligibilité globale de l’acte sur le formalisme sanctionnateur.
B. Les mentions substantielles et l’office du juge dans le contrôle des nullités
Le contrôle opéré s’articule autour de la distinction entre absence de mention et mention imparfaite. L’article R.133-3 érige la mention de la référence au rang d’exigence substantielle, mais ne soumet pas l’acte à un fétichisme du chiffre exact lorsque l’ensemble des données corrélatives permet une identification certaine. L’office du juge consiste à apprécier la suffisance informative des mentions au regard du droit d’opposition, non à invalidater les actes dès le moindre défaut matériel. La cour rappelle que l’acte de signification reproduisait les éléments indispensables à l’exercice du recours, consolidant la qualification de simple erreur matérielle.
Cette méthode préserve l’équilibre entre la protection procédurale du cotisant et l’efficacité de la contrainte, qui demeure un titre simplifié mais encadré. Elle évite une nullité automatique déconnectée de la finalité informative. La démarche, conforme à l’office traditionnel en matière de nullités de forme, confirme que l’instrument de recouvrement conserve sa force dès lors que la référence existe de façon lisible et corrélée au faisceau des indications figurant au titre.
II. Caractère personnel de la dette sociale du gérant
A. L’obligation d’affiliation et la dette propre du dirigeant affilié
La seconde branche du litige interroge la portée de la procédure collective de la société dirigée par le cotisant. La cour s’appuie sur le texte d’affiliation applicable aux gérants non assimilés salariés, rappelant que leur dette de cotisations procède d’une obligation personnelle liée à l’ouverture de droits propres. La motivation souligne ainsi que l’affiliation naît de la qualité de travailleur indépendant, non de la personnalité morale, de sorte que l’obligation de versement est attachée à la personne du dirigeant.
En conséquence, la procédure collective de la société n’affecte pas l’exigibilité des cotisations personnelles du gérant au titre des périodes litigieuses. La cour rejette la thèse d’une créance sociale de la société au profit de l’organisme, et confirme le lien direct entre le recouvrement et la personne affiliée. Le raisonnement, centré sur la nature de la dette, évite toute confusion entre passif social et dette d’assurance du dirigeant.
B. Conséquences procédurales en présence d’une liquidation sociale
La qualification de dette personnelle commande les modalités de poursuite. La signification de la contrainte devait viser le cotisant, non le mandataire judiciaire de la société, la créance n’entrant pas dans le passif social. De même, aucune déclaration de créance au passif de la société n’était requise. La cour énonce, dans une formule nette, qu’« Aucune irrégularité de fond n’est donc à retenir du chef d’un défaut de signification de la contrainte à la société. » La solution consolide l’étanchéité des patrimoines en matière de dettes sociales personnelles du dirigeant affilié.
La portée pratique est claire. La liquidation de la société ne suspend ni n’éteint le recouvrement des cotisations personnelles du gérant pour les périodes antérieures, lesquelles relèvent d’une relation d’assurance propre. Le principe demeure sous le régime unifié du recouvrement instauré depuis 2018, sans altérer la nature de la créance. La décision, en confirmant la validation de la contrainte et en corrigeant un lapsus calami sur la date du dispositif, stabilise la ligne jurisprudentielle et renforce la lisibilité des poursuites en présence d’une procédure collective sociale distincte.