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Par un arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence du 11 septembre 2025, la formation 1-6 tranche un litige d’indemnisation né d’un accident autoroutier. L’espèce concerne l’application de la loi du 5 juillet 1985 au conducteur blessé lors d’un choc arrière avec un poids lourd, sur l’autoroute A8.
Sur l’autoroute A8, un véhicule léger a été percuté à l’arrière par un poids lourd, provoquant un tête-à-queue et un contact avec le terre-plein central. La conductrice, blessée, a subi une entorse cervicale, des troubles oculomoteurs et une phobie de la conduite, constatés par expertise et consolidés au 22 décembre 2021.
Après une ordonnance de référé du 17 juin 2021 prescrivant une expertise, le tribunal judiciaire de Grasse, le 14 avril 2023, a reconnu un droit à réparation intégrale. L’appelante a soutenu l’existence d’une faute du conducteur victime, exclusive ou à tout le moins réduisant l’indemnité, tandis que l’intimée sollicitait confirmation et revalorisation des postes.
La question portait sur l’article 4 de la loi du 5 juillet 1985, lorsque les circonstances demeurent indéterminées et qu’aucune faute certaine n’est établie. La cour d’appel a écarté toute faute imputable au conducteur victime, retenant l’indétermination factuelle, et a réévalué certains postes indemnitaires sans bouleverser l’économie du jugement initial.
I. Le droit à indemnisation en cas de circonstances indéterminées
A. Indétermination factuelle et charge de la preuve
La motivation s’ouvre par le rappel du critère légal. La Cour cite que “Selon l’article 4 de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation, la faute commise par le conducteur du véhicule terrestre à moteur a pour effet de limiter ou d’exclure l’indemnisation des dommages qu’il a subis.” Le texte précise que l’appréciation de la gravité relève du pouvoir souverain, indépendamment du comportement des autres conducteurs, et suppose un lien direct avec le dommage.
L’instruction n’a pas permis d’éclairer l’étiologie du choc. La Cour constate que “les vidéos surveillances de l’autoroute ne permettent pas de visualiser l’accident, un grand panneau de signalisation se trouvant dans le champs de la caméra.” Elle relève encore l’absence de constatations sur le poids lourd: “Le véhicule poids lourd n’a pas pu être photographié et aucune constatation n’a pu être faite par le service d’enquête qui aurait permit de connaître le point d’impact.” Dans un tel contexte, l’allégation d’un changement de file fautif ne peut suffire, la preuve d’une faute étant exigée de celui qui entend limiter la réparation.
Cette démarche s’inscrit dans une jurisprudence constante de la loi de 1985. La faute du conducteur victime doit être caractérisée, certaine et causalement pertinente, faute de quoi l’indemnisation demeure entière. L’arrêt articule clairement le standard probatoire et refuse de suppléer les lacunes de l’enquête par des présomptions défavorables.
B. Neutralisation de la faute non établie au regard de l’article 4
La Cour vérifie ensuite la matérialité des indices invoqués par l’appelante. Les dommages arrière sur le véhicule léger plaident contre l’hypothèse d’une manœuvre imprudente, et la photographie ne renseigne pas sur un heurt latéral préalable. La Cour le dit sans ambiguïté: “En tout état de cause, la photographie du véhicule ne permet pas d’en conclure qu’il aurait été heurté sur sa partie gauche à l’occasion d’un changement de voie.”
La solution retient ainsi l’indétermination des circonstances et, partant, l’échec de la démonstration d’une faute au sens de l’article 4. L’absence de preuve emporte neutralisation de toute réduction, conformément à l’économie protectrice de la loi de 1985 et à l’exigence d’un lien direct entre faute et dommage. L’enjeu pratique de ce raisonnement commande de traiter ensuite la mesure de l’indemnisation, poste par poste, sous le contrôle des critères médico-légaux retenus.
II. L’évaluation des préjudices corporels retenue en appel
A. Frais divers et assistance par tierce personne: critères retenus
La Cour rappelle la finalité du poste. Elle énonce que les frais divers couvrent “les frais, autres que les frais médicaux restés à la charge de la victime, tels que, sans que la liste en soit exhaustive, le ticket modérateur, le surcoût d’une chambre individuelle, les frais de téléphone et de location de téléviseur, le forfait hospitalier, les honoraires du médecin-conseil de la victime, etc.” La note d’honoraires du médecin-conseil justifie l’indemnisation, l’arrêt confirmant ce chef.
S’agissant de l’aide humaine, la Cour précise la norme d’indemnisation. Elle retient que “L’indemnisation de la tierce personne est liée à l’assistance nécessaire de la victime par une aide humaine dans les actes de la vie quotidienne ou afin de préserver sa sécurité, contribuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d’autonomie. Ce besoin doit être caractérisé.” Le besoin, borné aux semaines postérieures au fait, est chiffré sur la base horaire de vingt-deux euros, ce qui accroît le montant des frais divers et reflète la pénibilité fonctionnelle temporaire constatée.
Cette approche concilie les conclusions expertales et un barème horaire réaliste, proportionné à la nature des actes compensés et aux tarifs pratiqués localement. Elle renforce la lisibilité du quantum en articulant le nombre d’heures retenu et la base unitaire choisie.
B. Déficit fonctionnel temporaire et permanent: méthode de calcul et barème
La Cour rappelle ensuite la nature des postes fonctionnels. Pour le temporaire, elle cite que “Le poste du déficit fonctionnel temporaire inclut la perte de la qualité de vie et des joies usuelles de l’existence, le préjudice d’agrément et le préjudice sexuel, pendant l’incapacité temporaire.” Elle applique un barème quotidien de trente et un euros, déclinant deux périodes conformément à l’expertise, ce qui aboutit à une revalorisation modérée et cohérente.
Pour le permanent, la motivation insiste sur l’atteinte globalement entendue. L’arrêt précise que “Ce poste tend à indemniser la réduction définitive (après consolidation) du potentiel physique, psychosensoriel, ou intellectuel résultant de l’atteinte à l’intégrité anatomo-physiologique, à laquelle s’ajoute les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d’existence (personnelles, familiales et sociales).” Le taux de quatre pour cent est maintenu, valorisé à mille neuf cent soixante euros le point, au regard de l’âge de la victime à la consolidation.
Le calibrage global préserve l’équilibre des postes subjectifs. Les souffrances endurées, évaluées à deux sur sept, demeurent indemnisées à trois mille cinq cents euros, tandis que le déficit fonctionnel permanent reçoit une valorisation conforme aux pratiques régionales pour un adulte jeune. La conséquence est un total porté à quatorze mille cinq cent trente-deux euros et quatre-vingt-quatre centimes, ajustement circonscrit aux postes dont les bases étaient discutées.
Par cette méthode, la Cour offre une grille de lecture prévisible, arrimée aux conclusions expertales, aux bases journalières et au point d’incapacité. L’articulation des critères factuels et barémiques conforte la sécurité juridique de l’indemnisation retenue et s’accorde avec l’esprit de la loi de 1985.