- Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre) LinkedIn
- Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Facebook
- Cliquez pour partager sur WhatsApp(ouvre dans une nouvelle fenêtre) WhatsApp
- Cliquez pour partager sur Telegram(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Telegram
- Cliquez pour partager sur Threads(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Threads
- Cliquer pour partager sur X(ouvre dans une nouvelle fenêtre) X
- Cliquer pour imprimer(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Imprimer
Par arrêt du 11 septembre 2025, la cour d’appel d’Aix-en-Provence s’est prononcée sur la validité d’une saisie-attribution et sur les conditions de la dévolution en appel à la suite de la réforme introduite par le décret du 29 décembre 2023.
Les faits de l’espèce sont les suivants. Une créancière, se prévalant d’une ordonnance du conseiller de la mise en état du 8 juin 2022 et d’un arrêt sur déféré du 11 avril 2023, a fait pratiquer le 5 juillet 2023 une saisie-attribution sur les comptes bancaires de son ex-époux pour recouvrer la somme de 4 810,78 euros. Le débiteur et une SCI dont il était associé ont saisi le juge de l’exécution du tribunal judiciaire de Nice aux fins de mainlevée et ont soulevé une exception de compensation. Par jugement du 16 septembre 2024, le juge de l’exécution a débouté les demandeurs, cantonné la saisie à 3 794,28 euros et les a condamnés aux dépens.
L’appel a été interjeté le 20 septembre 2024. L’intimée a soulevé la nullité de la déclaration d’appel au motif qu’elle ne mentionnait pas l’objet de l’appel, c’est-à-dire si celui-ci tendait à l’infirmation ou à l’annulation du jugement, en méconnaissance de l’article 901, 6° du code de procédure civile dans sa rédaction issue du décret du 29 décembre 2023. Elle a également soutenu l’absence d’effet dévolutif faute pour les premières conclusions de mentionner les chefs du dispositif attaqués.
La question posée à la cour était double. Il s’agissait d’abord de déterminer si l’omission de l’objet de l’appel dans la déclaration constitue une cause de nullité de cet acte en l’absence de grief démontré. Il convenait ensuite de préciser les conditions d’opération de la dévolution sous l’empire du nouveau texte.
La cour d’appel d’Aix-en-Provence a rejeté la demande de nullité au motif que cette omission constitue une simple nullité de forme qui suppose la démonstration d’un grief. Elle a jugé que la dévolution s’opère désormais par la combinaison de l’acte d’appel et des premières conclusions de l’appelant. Elle a confirmé le jugement sauf sur le quantum de la créance, cantonnant la saisie à 3 315,15 euros.
Cet arrêt mérite attention en ce qu’il précise le régime des nullités de la déclaration d’appel après la réforme de 2023 (I) et clarifie le mécanisme de la dévolution tel qu’il résulte désormais de l’article 915-2 du code de procédure civile (II).
I. Le régime assoupli des nullités de la déclaration d’appel
La cour qualifie l’omission de l’objet de l’appel de vice de forme (A), ce qui impose à l’intimé d’établir un grief pour obtenir l’annulation de l’acte (B).
A. La qualification de nullité de forme de l’omission de l’objet de l’appel
L’article 901, 6° du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret du 29 décembre 2023, exige que la déclaration d’appel mentionne « l’objet de l’appel en ce qu’il tend à l’infirmation ou à l’annulation du jugement ». Cette mention est prescrite « à peine de nullité ». En l’espèce, l’acte d’appel du 20 septembre 2024 indiquait les chefs du dispositif critiqués mais omettait de préciser s’il tendait à l’infirmation ou à l’annulation.
La cour retient que « l’omission de la mention de l’objet de l’appel constitue uniquement une nullité de forme ». Cette qualification s’inscrit dans la distinction classique entre nullités de forme et nullités de fond. Les premières concernent les irrégularités relatives aux conditions formelles de l’acte. Les secondes touchent à la capacité ou au pouvoir des parties. La sanction diffère radicalement : les nullités de fond peuvent être prononcées sans démonstration d’un grief.
Le choix de la qualification de nullité de forme traduit une lecture favorable à l’accès au juge d’appel. L’indication de l’objet de l’appel ne relève pas des conditions substantielles de validité de l’acte. Elle participe de l’information de l’intimé sur la nature du recours exercé.
B. L’exigence d’un grief non satisfaite
La qualification de nullité de forme emporte application de l’article 114 du code de procédure civile. Ce texte dispose qu’une telle nullité « ne peut être prononcée qu’à charge pour l’adversaire qui l’invoque de prouver le grief que lui cause l’irrégularité ». La cour relève que dans ses premières conclusions, l’appelant « a précisé la finalité de l’appel tendant à l’infirmation du jugement en toutes ses dispositions ».
L’intimée invoquait une atteinte à l’exercice des droits de la défense. La cour juge cette argumentation insuffisante : « la seule invocation du non respect de l’exercice des droits de la défense étant à cet égard insuffisante, alors qu’aucune entrave ou gêne à l’organisation de cette défense n’est démontrée ». L’intimée avait conclu en défense, ce qui attestait de sa parfaite connaissance de la portée de l’appel.
Cette solution s’inscrit dans une jurisprudence constante qui refuse de prononcer des nullités purement formelles lorsque la finalité de la règle méconnue a été atteinte. Le grief doit être concret et non hypothétique. En l’espèce, l’intimée ne pouvait se méprendre sur l’intention de l’appelant d’obtenir l’infirmation du jugement.
II. La dévolution par l’effet combiné de l’acte d’appel et des premières conclusions
La réforme de 2023 modifie substantiellement le mécanisme de la dévolution (A), ce que la cour applique pour rejeter le moyen tiré de l’absence d’effet dévolutif (B).
A. L’innovation de l’article 915-2 du code de procédure civile
Avant le décret du 29 décembre 2023, la dévolution s’opérait par la seule déclaration d’appel en application de l’article 562 alinéa 1er du code de procédure civile. L’appelant devait, dès cet acte, identifier avec précision les chefs du dispositif critiqués. Cette rigueur avait engendré un contentieux abondant.
L’article 915-2, entré en vigueur le 1er septembre 2024, modifie ce mécanisme. La cour cite ce texte : « l’appelant principal peut compléter, retrancher ou rectifier, dans le dispositif de ses premières conclusions remises dans les délais prévus au premier alinéa de l’article 906-2 et à l’article 908, les chefs du dispositif du jugement critiqués mentionnés dans la déclaration d’appel. La cour est saisie des chefs du dispositif du jugement ainsi déterminés et de ceux qui en dépendent ».
Cette disposition opère un assouplissement notable. La dévolution ne résulte plus du seul acte d’appel mais de la combinaison de cet acte et des premières conclusions. L’appelant dispose ainsi d’un délai supplémentaire pour préciser ou rectifier l’étendue de la saisine de la cour.
B. L’application au cas d’espèce
L’intimée soutenait que les premières conclusions sollicitaient l’infirmation « en toutes ses dispositions critiquées » sans mentionner les chefs attaqués. Elle en déduisait une absence de dévolution. La cour écarte ce moyen. Elle relève que la déclaration d’appel énumérait « l’ensemble des chefs du dispositif du jugement critiqués distinctement énoncés ». Les conclusions précisaient quant à elles « la finalité de l’appel ».
La cour conclut qu’elle est « saisie de l’infirmation de l’intégralité des chefs du jugement entrepris ». Elle vise un arrêt de la deuxième chambre civile du 14 septembre 2023 qui avait déjà retenu cette interprétation souple de la dévolution. La combinaison de l’acte d’appel et des conclusions permet ainsi de pallier les insuffisances de l’un ou l’autre de ces actes.
Cette solution présente une portée pratique considérable. Elle sécurise la procédure d’appel en réduisant les risques d’irrecevabilité pour défaut de dévolution. Elle favorise l’examen au fond des litiges. La réforme de 2023 marque ainsi un infléchissement de la rigueur procédurale qui avait caractérisé la décennie précédente en matière d’appel civil.