Cour d’appel de Aix-en-Provence, le 13 juin 2025, n°22/11978

La présente décision, rendue par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence le 13 juin 2025, porte sur la régularité formelle d’un contrôle URSSAF et les conséquences de son irrégularité sur le redressement subséquent. Une société avait fait l’objet d’une vérification portant sur la période du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2018, laquelle avait donné lieu à trois mises en demeure pour un montant total de 165 920 euros.

Les faits à l’origine du litige sont les suivants. L’organisme de recouvrement a procédé à un contrôle des cotisations sociales d’une société de travail temporaire. Par courrier du 6 novembre 2019, une lettre d’observations a été adressée à la cotisante. Le 3 mars 2020, trois mises en demeure ont été émises, l’une de 8 433 euros pour le personnel permanent, les deux autres de 156 472 euros et 1 015 euros pour le personnel intérimaire.

La société a contesté ces mises en demeure devant la commission de recours amiable, laquelle a implicitement rejeté ses demandes. Le 2 septembre 2020, elle a saisi le pôle social du Tribunal judiciaire de Nice. Par jugement du 19 août 2022, cette juridiction a débouté la cotisante de l’ensemble de ses prétentions et l’a condamnée au paiement des sommes réclamées. La société a interjeté appel le 30 août 2022. L’appelante soutenait principalement que l’avis de contrôle ne lui avait jamais été notifié, ce qui rendait la procédure irrégulière. L’URSSAF faisait valoir qu’elle avait adressé cet avis au siège social le 26 avril 2019, conformément aux exigences réglementaires.

La question posée à la Cour était celle de savoir si l’organisme de recouvrement avait satisfait à son obligation d’envoi préalable de l’avis de contrôle et, dans la négative, quelles conséquences en tirer quant à la validité du redressement.

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence infirme le jugement entrepris et annule la procédure de contrôle ainsi que les mises en demeure. Elle retient que l’accusé de réception produit par l’URSSAF ne comporte aucune indication de réception effective, ni signature, ni date, ni cachet postal sur l’enveloppe. L’organisme échoue donc à rapporter la preuve de l’envoi effectif de l’avis de passage.

Cette décision invite à examiner successivement le caractère substantiel de l’avis de contrôle préalable (I), puis les exigences probatoires incombant à l’organisme de recouvrement (II).

I. Le caractère substantiel de l’avis de contrôle préalable

L’avis de contrôle constitue une garantie procédurale fondamentale dont le défaut emporte nullité du redressement (A), sans que la preuve d’un préjudice soit requise (B).

A. Une formalité protectrice des droits de la défense

L’article R.243-59 I du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret du 25 septembre 2017, impose l’envoi d’un avis de contrôle au moins quinze jours avant la première visite de l’agent vérificateur. Ce texte précise que cet avis doit être adressé au représentant légal de la personne morale, à l’adresse du siège social.

La Cour rappelle que cette exigence est « destinée à assurer le respect du principe du contradictoire du contrôle et des droits de la défense ». Cette qualification revêt une importance considérable. Elle rattache l’avis de contrôle aux garanties fondamentales de la procédure, et non à une simple formalité administrative. Le cotisant doit pouvoir préparer le contrôle, rassembler les documents nécessaires et, le cas échéant, solliciter l’assistance d’un conseil.

L’avis doit également mentionner l’existence de la Charte du cotisant contrôlé, document qui énonce les droits du cotisant pendant et après les opérations de vérification. Cette charte est opposable à l’organisme. Son défaut de communication prive le cotisant d’informations essentielles sur ses prérogatives.

B. Une nullité de plein droit

La Cour affirme sans ambiguïté que l’envoi préalable de l’avis « constitue une formalité substantielle requise à peine de nullité des opérations de contrôle et du redressement en résultant, sans que soit exigée la preuve d’un préjudice de la société ». Cette formulation appelle plusieurs observations.

Le choix du terme « substantielle » plutôt que « d’ordre public » ou « impérative » mérite attention. Une formalité substantielle est celle dont l’inobservation affecte la validité de l’acte, indépendamment de toute démonstration d’un grief. La Cour de cassation a consacré cette solution dans plusieurs arrêts, considérant que les garanties procédurales du contrôle URSSAF participent des droits de la défense.

Cette nullité automatique se distingue du régime des nullités pour vice de forme en procédure civile, lequel exige généralement la preuve d’un grief. Le droit du contrôle URSSAF déroge ainsi au droit commun, ce qui témoigne de l’importance accordée au contradictoire en cette matière. La société cotisante n’a pas à démontrer que le défaut d’avis l’a empêchée de préparer sa défense ou de contester utilement le redressement.

II. La charge de la preuve de l’envoi de l’avis de contrôle

L’organisme de recouvrement supporte la charge de prouver l’accomplissement de cette formalité (A), et la présente décision illustre les insuffisances probatoires susceptibles d’être sanctionnées (B).

A. Une preuve incombant à l’URSSAF

Le principe selon lequel la charge de la preuve pèse sur celui qui invoque l’accomplissement d’une formalité trouve ici pleine application. L’URSSAF, qui se prévaut de la régularité de la procédure, doit établir qu’elle a effectivement envoyé l’avis de contrôle dans les délais requis.

Cette exigence découle des règles générales de la preuve. L’article 1353 du code civil dispose que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver, et réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation. Transposé au contentieux du contrôle, ce principe signifie que l’organisme qui entend recouvrer des cotisations doit prouver la régularité de la procédure ayant conduit au redressement.

La lettre recommandée avec demande d’avis de réception constitue le mode de preuve habituel. Elle permet d’établir à la fois l’envoi du courrier et sa réception par le destinataire. Le cachet postal atteste de la date d’expédition, tandis que la signature du destinataire sur l’avis de réception prouve la remise effective.

B. Les carences probatoires sanctionnées

En l’espèce, l’URSSAF a produit l’avis de contrôle daté du 26 avril 2019 ainsi qu’un accusé de réception. La Cour constate cependant que ce document « ne porte aucune indication quant à la réception par la société de celui-ci, aucune signature ni date n’étant apposées dans la case présenté le / distribué le ». Elle ajoute qu’aucune « enveloppe portant un cachet postal ne pouvant attester de son envoi » n’est produite.

Cette motivation révèle une double exigence. L’organisme doit prouver non seulement la réception de l’avis, mais également son envoi effectif. La production d’un document non daté et non signé par le destinataire ne suffit pas. L’absence de cachet postal sur l’enveloppe aggrave l’insuffisance probatoire, puisqu’elle empêche même d’établir que le courrier a été confié aux services postaux.

La Cour conclut que « l’URSSAF échoue donc à rapporter la preuve de l’envoi effectif de l’avis de passage puis de sa réception par la société ultérieurement contrôlée ». Cette formulation distingue bien les deux éléments de preuve requis. Le défaut de l’un comme de l’autre justifie l’annulation.

Cette décision s’inscrit dans une jurisprudence protectrice des droits du cotisant. Elle rappelle aux organismes de recouvrement l’importance de conserver et de produire des preuves complètes de l’accomplissement des formalités préalables au contrôle. Un accusé de réception non renseigné, une enveloppe égarée ou un cachet postal illisible peuvent suffire à faire échec à un redressement de plusieurs dizaines de milliers d’euros.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture