Cour d’appel de Aix-en-Provence, le 13 juin 2025, n°23/09779

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Rendue par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence le 13 juin 2025, la décision tranche un litige né d’un contrôle social portant sur deux chefs de redressement relatifs à des indemnités transactionnelles. Elle confronte l’assiette des cotisations de sécurité sociale aux sommes allouées lors de la rupture, au regard de l’article L.242-1 du code de la sécurité sociale et de la jurisprudence récente.

Les faits utiles tiennent à deux transactions distinctes. La première suit un licenciement pour faute grave, avec versement d’une indemnité forfaitaire et désistement d’instance. La seconde intervient après un départ initialement déclaré à la retraite puis contesté au regard d’une inaptitude, avec, là encore, indemnité transactionnelle et désistement. À la suite d’un contrôle, l’organisme de recouvrement a réintégré ces sommes dans l’assiette, notamment en reconstituant un préavis et les congés payés afférents pour la première, et en qualifiant la seconde d’indemnité de départ à la retraite assujettie dès le premier euro.

La procédure a conduit le tribunal judiciaire de Toulon, pôle social, le 26 juin 2023, à annuler les redressements, avant appel. L’appel porte sur la validation des chefs de redressement et la condamnation corrélative, la société cotisante sollicitant la confirmation et une indemnité procédurale. Les thèses s’opposent sur la nature des sommes: rémunération accessoire assujettie ou réparation d’un préjudice exclue de l’assiette.

La question de droit tient à l’assujettissement des indemnités transactionnelles versées à l’occasion de la rupture, et au critère distinctif entre salaire et indemnisation. Elle implique, d’une part, la charge de la preuve du caractère indemnitaire et, d’autre part, l’incidence d’une faute grave maintenue ou d’un départ à la retraite contesté. La cour confirme l’annulation des redressements, en retenant le caractère indemnitaire des indemnités, exclues de l’assiette, et en écartant toute reconstitution de préavis ainsi que la qualification salariale liée au départ volontaire à la retraite.

I. Les fondements et le contrôle de la qualification

A. Le rappel du cadre légal et jurisprudentiel

La Cour de cassation affirme depuis 2018 que, hors les exclusions légales, les sommes versées à l’occasion de la rupture sont assujetties, « à moins que l’employeur rapporte la preuve qu’elles concourent, pour tout ou partie de leur montant, à l’indemnisation d’un préjudice » (2e Civ., 15 mars 2018; 21 juin 2018). Le raisonnement s’inscrit désormais dans la combinaison des assiettes cotisantes et contributives, à droit constant.

La décision commentée mobilise également la règle de qualification judiciaire: « il appartient au juge, en application de l’article 12 du code de procédure civile, de restituer à [l’indemnité transactionnelle] sa véritable qualification et de rechercher si elle ne constitue pas un supplément de rémunération soumis à cotisations ». Ce rappel permet de dépasser la dénomination conventionnelle et de privilégier la finalité de la somme versée.

Surtout, l’arrêt publié du 30 janvier 2025 précise le périmètre des exclusions: « toutefois, n’entrent pas dans le champ d’application de l’article L.242-1, II, 7°, précité, les sommes qui, bien qu’allouées à l’occasion de la rupture du contrat de travail, ont pour objet d’indemniser un préjudice, même si ces sommes ne sont pas au nombre de celles limitativement énumérées à l’article 80 duodecies du code général des impôts ». Cette formulation unifie le critère par la finalité réparatrice.

B. L’appréciation concrète des deux transactions litigieuses

S’agissant du licenciement pour faute grave, la cour relève le maintien explicite de la faute grave et l’engagement réciproque mettant fin au litige prud’homal. L’indemnité est stipulée comme « ayant le caractère de dommages et intérêts, destinée à réparer les préjudices résultant de la rupture du contrat de travail et de la perte d’emploi ». La reconstitution d’un préavis est écartée, car incompatible avec la faute grave conservée et non démontrée dans l’économie de la transaction.

Pour la rupture liée au départ initialement déclaré à la retraite, la cour constate la saisine prud’homale aux fins de requalification, puis la transaction stipulant la réparation du préjudice né de la rupture. L’argument tiré d’un départ à l’initiative du salarié est rejeté, l’article L.242-1 II 7° ne distinguant pas selon l’auteur de la rupture. La qualification d’indemnité de départ à la retraite est ainsi inopérante, faute de lien fonctionnel avec la finalité réparatrice retenue.

II. La valeur de la solution et sa portée

A. Une solution cohérente et pédagogiquement construite

La décision s’articule avec les principes de 2018 sur la charge de la preuve et avec l’arrêt publié du 30 janvier 2025, centré sur la finalité réparatrice. Elle reprend utilement le considérant de principe selon lequel « les cotisations et contributions […] sont assises sur toutes les sommes […] dues en contrepartie ou à l’occasion d’un travail », avant d’en extraire la conséquence combinée sur l’exclusion des sommes véritablement indemnitaires.

La méthode est mesurée: la motivation ne se contente pas d’une clause de style, elle confronte le libellé des protocoles au contexte procédural et à la conservation des qualifications de rupture. Le refus de toute présomption de préavis en présence d’une faute grave maintenue est conforme à la ligne jurisprudentielle antérieure, claire et stable.

B. Des implications pratiques en contrôle et en rédaction

La portée immédiate tient à la sécurité des transactions en matière sociale: lorsque la finalité réparatrice est établie par les pièces et la procédure, l’exclusion d’assiette s’impose, indépendamment des catégories fiscales de l’article 80 duodecies. La citation de 2025 conforte cette lecture téléologique, centrée sur le préjudice réparé.

Pour les praticiens, la décision confirme l’utilité de stipulations précises, adossées au litige réel, sans exiger une ventilation chiffrée dès lors que la nature indemnitaire ressort suffisamment. Elle invite toutefois à éviter les ambiguïtés de vocabulaire et à relier la somme aux prétentions abandonnées, afin de satisfaire la charge probatoire sans alourdir excessivement l’acte.

Ainsi, en validant une analyse finaliste et en récusant des reconstructions abstraites d’assiette, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence renforce une ligne jurisprudentielle lisible. Elle fournit un guide opératoire aux entreprises et aux organismes de recouvrement, propre à réduire les contentieux et à stabiliser les pratiques transactionnelles.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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