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L’obligation de régulariser une situation sociale au regard des organismes de recouvrement implique que les actes de poursuites soient précédés de formalités substantielles. La contrainte émise par une union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale doit répondre à des exigences précises de motivation, destinées à permettre au débiteur de connaître la nature, la cause et l’étendue de son obligation.
La cour d’appel d’Aix-en-Provence, dans un arrêt rendu le 17 juin 2025, s’est prononcée sur la validité d’une contrainte contestée par un travailleur indépendant.
Un artisan, immatriculé au régime social des travailleurs indépendants depuis le 1er janvier 2014, exerçait une activité de travaux d’installation d’eau et de gaz. L’organisme de recouvrement lui a adressé deux mises en demeure : l’une datée du 11 octobre 2017, portant sur la somme de 1 691 euros au titre de la régularisation de 2016 et du troisième trimestre 2017 ; l’autre datée du 20 décembre 2017, réclamant 9 693 euros pour le quatrième trimestre 2017. Ces mises en demeure étant restées sans effet, une contrainte a été émise le 22 mai 2018 pour un montant total de 11 384 euros, signifiée le 30 mai suivant.
Le cotisant a formé opposition à cette contrainte devant le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille. Par jugement du 9 octobre 2023, le tribunal a déclaré l’opposition recevable mais a débouté le demandeur de l’ensemble de ses prétentions. La contrainte a été validée pour la somme de 9 585 euros, tenant compte d’une régularisation créditrice intervenue postérieurement. Le cotisant a été condamné au paiement de cette somme ainsi qu’aux frais de signification et aux dépens.
L’intéressé a interjeté appel du jugement. Devant la cour, il a soutenu que la contrainte était dépourvue de motivation, que les mises en demeure préalables ne comportaient pas la ventilation des sommes réclamées, que les numéros visés dans la contrainte constituaient en réalité des numéros de dossiers, et qu’il n’était pas justifié de l’envoi effectif des mises en demeure. L’organisme de recouvrement a produit les accusés de réception signés et a détaillé le calcul des cotisations réclamées.
La cour d’appel devait déterminer si la contrainte litigieuse satisfaisait aux exigences légales de motivation et si elle avait été régulièrement précédée des mises en demeure prévues par l’article L. 244-2 du code de la sécurité sociale.
La cour d’appel d’Aix-en-Provence a confirmé le jugement en toutes ses dispositions. Elle a retenu que les mises en demeure avaient bien été envoyées, comme l’attestaient les avis de réception signés par le débiteur. Elle a jugé que la contrainte était « suffisamment motivée dès lors qu’elle vise la nature, le montant des cotisations réclamées et les périodes auxquelles elles se rattachent », en renvoyant aux mises en demeure qui « elles-mêmes, précisent le montant pour chaque nature de cotisations différentes ». La cour a écarté les moyens tirés d’une différence d’un jour entre les dates mentionnées et de l’intitulé des numéros de référence.
L’examen de cette décision conduit à analyser d’une part les conditions de validité formelle de la contrainte sociale (I), d’autre part l’appréciation de la suffisance de la motivation au regard de l’obligation d’information du débiteur (II).
I. Les conditions de validité formelle de la contrainte sociale
La contrainte constitue un titre exécutoire dont l’émission obéit à des règles procédurales strictes. La cour d’appel a vérifié tant l’existence des mises en demeure préalables (A) que la régularité de leur référencement dans l’acte de poursuite (B).
A. L’exigence d’une mise en demeure préalable effectivement notifiée
L’article L. 244-2 du code de la sécurité sociale impose que toute action de recouvrement soit « obligatoirement précédée » d’une mise en demeure adressée au débiteur. Cette exigence vise à lui permettre de régulariser sa situation avant l’engagement de poursuites contraignantes.
Le cotisant contestait avoir reçu les mises en demeure dont la contrainte faisait état. La cour a relevé que l’organisme produisait les avis de réception correspondants. Pour la première mise en demeure, le pli avait été « avisé et non réclamé » le 12 octobre 2017. Pour la seconde, l’avis de réception avait été « signé le 27 décembre 2017 ».
Cette solution s’inscrit dans une jurisprudence constante de la Cour de cassation selon laquelle la mise en demeure est régulièrement notifiée dès lors que l’organisme justifie de son envoi par lettre recommandée, y compris lorsque le pli n’a pas été retiré par son destinataire. La négligence du débiteur ne saurait priver l’acte de ses effets. L’obligation légale porte sur l’envoi de la mise en demeure et non sur sa réception effective.
La cour en a déduit que « la contrainte émise par l’URSSAF […] a bien été précédée des mises en demeure préalables exigées par la loi ». Ce constat factuel suffisait à écarter le moyen tiré de l’absence de notification.
B. La concordance entre les références de la contrainte et les mises en demeure
Le cotisant soulevait une difficulté tenant à l’identification des mises en demeure visées dans la contrainte. Il observait que les numéros mentionnés correspondaient à des numéros de dossiers et que les dates comportaient une différence d’un jour avec celles figurant sur les documents produits.
La cour a écarté ces arguments avec fermeté. Elle a jugé qu’« il importe peu que la date de la mise en demeure visée dans la contrainte soit différente d’un jour » dès lors que « l’identité des numéros de mise en demeure et des montants réclamés pour chacune des périodes concernées ne laisse aucun doute sur la connaissance, par le débiteur, de la nature, la cause et l’étendue de son obligation ».
La cour a également relevé que le numéro figurant sur la contrainte était « parfaitement identique » à celui porté sur chaque mise en demeure, « peu important qu’il soit intitulé ‘N° de dossier’ sur la mise en demeure concernée ».
Cette approche pragmatique privilégie l’effectivité de l’information du débiteur sur le formalisme strict. La finalité de l’exigence légale réside dans la possibilité pour le cotisant de connaître sa dette et non dans le respect d’une nomenclature administrative rigide. Une telle solution favorise l’efficacité du recouvrement tout en préservant les droits substantiels du débiteur.
II. L’appréciation de la suffisance de la motivation au regard de l’obligation d’information
La contrainte doit permettre au débiteur de comprendre l’étendue de son obligation. La cour a analysé le contenu de la contrainte litigieuse (A) avant de consacrer le mécanisme du renvoi aux mises en demeure comme satisfaisant aux exigences légales (B).
A. Le contenu intrinsèque de la contrainte
Les articles L. 244-2 et L. 244-9 du code de la sécurité sociale imposent que la contrainte précise, « à peine de nullité », la nature, le montant des cotisations réclamées et la période à laquelle elles se rapportent. La Cour de cassation juge de manière constante que cette exigence ne requiert pas la preuve d’un préjudice.
En l’espèce, la cour a relevé que la contrainte mentionnait explicitement les « cotisations et contributions sociales personnelles obligatoires », le montant global de 11 384 euros ventilé entre cotisations et majorations de retard, ainsi que les périodes concernées : « régularisation 2016 et le 3ème trimestre 2017 » d’une part, « 4ème trimestre 2017 » d’autre part.
La cour a estimé que ces indications rendaient la contrainte « suffisamment motivée ». Le débiteur était en mesure d’identifier les périodes pour lesquelles des cotisations lui étaient réclamées et de distinguer le principal des majorations de retard. L’absence de détail supplémentaire dans le corps même de la contrainte ne constituait pas une insuffisance de motivation.
B. Le mécanisme du renvoi aux mises en demeure
La cour a validé le procédé par lequel la contrainte renvoie aux mises en demeure antérieures pour le détail des sommes réclamées. Elle a relevé que la contrainte opérait ce renvoi « pour le détail aux mises en demeure n° 0063184626 du 10 octobre 2017 et n° 0063356356 du 19 décembre 2017 qui, elles-mêmes, précisent le montant pour chaque nature de cotisations différentes ».
La cour a détaillé les différentes catégories de cotisations ventilées dans ces mises en demeure : « maladie maternité provisionnelle, indemnités journalières provisionnelle, invalidité-décès provisionnelle, retraite de base provisonnelle, retraite complémentaire tranche 1 RCI provisionnelle, allocations familiales provisionnelle, CSG-CRDS, formation professionnelle, majorations de retard ».
Cette technique du renvoi est admise par la jurisprudence de la Cour de cassation. Elle permet de ne pas alourdir excessivement la contrainte tout en garantissant l’information complète du débiteur. La condition demeure que les mises en demeure aient effectivement été portées à sa connaissance, ce qui était établi en l’espèce.
La cour a souligné que le cotisant ne pouvait « sérieusement » soutenir ignorer la cause de son obligation dès lors qu’il avait reçu les mises en demeure détaillant chaque poste de cotisation. Le calcul des cotisations n’étant pas contesté sur le fond, la cour a confirmé la validation de la contrainte et la condamnation du débiteur au paiement de la somme de 9 585 euros.