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Un travailleur indépendant, immatriculé au régime social des indépendants depuis le 1er janvier 2014 pour une activité d’installation d’eau et de gaz, s’est vu notifier cinq mises en demeure entre août et décembre 2016 pour des cotisations impayées. L’organisme de recouvrement a émis une contrainte le 19 septembre 2017 pour un montant de 5 870 euros. Le cotisant a formé opposition le 6 octobre 2017.
Le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille, par jugement du 9 octobre 2023, a déclaré l’opposition recevable mais l’a rejetée au fond, validant la contrainte. Le tribunal a toutefois commis une erreur matérielle en fixant le montant à 5 446 euros au lieu de 5 870 euros. Le cotisant a interjeté appel.
Devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence, l’appelant soutenait que la contrainte et les mises en demeure préalables étaient insuffisamment motivées, qu’aucune ventilation des sommes n’était fournie et que les numéros de mise en demeure visés dans la contrainte étaient en réalité des numéros de dossiers. L’organisme de recouvrement demandait la rectification de l’erreur matérielle et la confirmation du jugement.
La question posée à la cour était double : d’une part, les mises en demeure avaient-elles valablement précédé la contrainte conformément à l’article L. 244-2 du code de la sécurité sociale ; d’autre part, la contrainte satisfaisait-elle aux exigences de motivation permettant au débiteur de connaître la nature, la cause et l’étendue de son obligation.
Par arrêt du 17 juin 2025, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a ordonné la rectification de l’erreur matérielle, confirmé le jugement en toutes ses dispositions et condamné l’appelant aux dépens ainsi qu’au paiement de 600 euros au titre des frais irrépétibles. La cour a jugé que « la contrainte émise par l’URSSAF à l’encontre [du cotisant] et visant les lettres de mises en demeure […] a bien été précédée des mises en demeure préalables exigées par la loi » et que la contrainte était « suffisamment motivée dès lors qu’elle vise la nature, le montant des cotisations réclamées et les périodes auxquelles elles se rattachent ».
Cette décision illustre l’application des règles de motivation des actes de recouvrement en matière de cotisations sociales. Elle mérite examen tant au regard des conditions de validité formelle de la contrainte (I) que de l’appréciation concrète portée par la cour sur la suffisance de l’information du débiteur (II).
I. Les conditions de validité formelle de la contrainte en matière de cotisations sociales
La cour d’appel d’Aix-en-Provence rappelle les exigences légales entourant l’émission d’une contrainte (A) avant de vérifier leur respect en l’espèce (B).
A. L’exigence d’une mise en demeure préalable
L’article L. 244-2 du code de la sécurité sociale impose que toute action en recouvrement soit précédée d’une mise en demeure adressée par lettre recommandée ou par tout moyen donnant date certaine à sa réception. Cette formalité substantielle vise à permettre au débiteur de régulariser sa situation avant l’engagement de poursuites. La mise en demeure constitue ainsi une « invitation impérative adressée au débiteur d’avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti ».
En l’espèce, l’organisme de recouvrement produisait les avis de réception signés par le cotisant pour chacune des cinq mises en demeure. La cour relève que ces lettres ont été respectivement reçues « le 16 août 2016, le 17 septembre 2016, le 24 octobre 2016, au mois de novembre 2016 sans que la date du jour soit lisible et le 23 décembre 2016 ». Cette constatation factuelle suffit à établir la réception effective des mises en demeure. Le cotisant ne pouvait sérieusement contester avoir été préalablement averti de l’existence de sa dette.
La cour conclut sans ambiguïté qu’« aucune nullité n’est donc encourue par la contrainte de ce chef ». Cette solution s’inscrit dans une jurisprudence constante exigeant la preuve de l’envoi et de la réception de la mise en demeure, mais n’imposant pas de formalisme excessif quant aux modalités de cette preuve.
B. La conformité des mentions de la contrainte aux mises en demeure préalables
L’appelant soulevait une discordance entre les numéros et dates figurant dans la contrainte et ceux des mises en demeure effectivement reçues. Il soutenait également que les numéros visés étaient des numéros de dossiers et non de mises en demeure.
La cour écarte ces moyens par une motivation pragmatique. Elle relève qu’« il importe peu que la date de la mise en demeure visée dans la contrainte soit différente de trois jours maximum, de la date de la mise en demeure adressée au débiteur, dès lors que l’identité des numéros de mise en demeure et des montants réclamés pour chacune des périodes concernées ne laisse aucun doute sur la connaissance, par le débiteur, de la nature, la cause et l’étendue de son obligation ».
Cette approche téléologique privilégie la finalité de l’exigence formelle sur son respect littéral. L’essentiel réside dans la capacité du débiteur à identifier précisément ce qui lui est réclamé. Quant à la qualification de « numéro de dossier » plutôt que de « numéro de mise en demeure », la cour observe qu’« un numéro parfaitement identique est retrouvé sur chacune des mises en demeure auxquelles il est fait référence, peu important qu’il soit intitulé « N° de dossier » sur la mise en demeure concernée ». Le formalisme cède devant l’évidence de la correspondance.
II. L’appréciation de la suffisance de l’information du débiteur
La motivation de la contrainte répond à une exigence jurisprudentielle précise (A) dont la cour vérifie le respect par une analyse concrète des documents litigieux (B).
A. Le standard jurisprudentiel de motivation de la contrainte
La cour rappelle que « la mise en demeure et la contrainte délivrée à la suite de cette mise en demeure restée sans effet, doivent permettre à l’intéressé d’avoir connaissance de la nature, de la cause et de l’étendue de son obligation ». Cette formulation reprend la jurisprudence établie de la Cour de cassation en matière de recouvrement des cotisations sociales.
L’exigence se décline en trois éléments cumulatifs : la nature des cotisations réclamées, leur montant et la période à laquelle elles se rapportent. La cour précise que ces mentions sont exigées « à peine de nullité, sans que soit exigée la preuve d’un préjudice ». Il s’agit donc d’une nullité de forme, automatique dès lors que l’une des mentions fait défaut, indépendamment de toute démonstration d’un grief par le débiteur.
Ce standard vise à garantir l’effectivité du droit de contestation du débiteur. Celui-ci ne peut utilement contester une créance dont il ignore les composantes. La motivation de la contrainte participe ainsi du respect du principe du contradictoire dans la phase précontentieuse du recouvrement.
B. La validation d’une motivation par renvoi aux mises en demeure
La cour procède à une analyse détaillée du contenu de la contrainte litigieuse. Celle-ci mentionnait la nature des sommes réclamées (« cotisations et contributions sociales personnelles obligatoires »), le montant global (5 870 euros) et sa décomposition par période mensuelle avec distinction entre cotisations et majorations de retard.
L’appelant reprochait l’absence de ventilation des sommes. La cour rejette ce moyen en relevant que « la contrainte ventile les sommes réclamées en fonction des périodes concernées et en distinguant les cotisations des majorations de retard, et que les mises en demeure auxquelles il est renvoyé, ventilent les sommes réclamées en précisant le montant pour chaque type de cotisations ou contributions sociales concernées ».
Cette solution admet la technique du renvoi. La contrainte n’a pas à reproduire l’intégralité du détail figurant dans les mises en demeure dès lors qu’elle y renvoie expressément et que ces dernières sont suffisamment précises. En l’espèce, les mises en demeure détaillaient les montants par nature de cotisation (maladie-maternité, indemnités journalières, invalidité-décès, retraite de base, retraite complémentaire, allocations familiales, majorations de retard).
Cette approche présente l’avantage de la souplesse pour les organismes de recouvrement tout en préservant l’information du débiteur. Elle suppose cependant que ce dernier ait effectivement conservé les mises en demeure reçues, ce qui peut constituer une fragilité pratique du dispositif.
La portée de cet arrêt réside dans la confirmation d’une conception finaliste des exigences de motivation. La cour d’appel d’Aix-en-Provence privilégie l’effectivité de l’information du débiteur sur le respect scrupuleux d’un formalisme rigide. Cette orientation s’inscrit dans un mouvement jurisprudentiel favorable aux organismes de recouvrement, dès lors que le débiteur ne peut démontrer une véritable ignorance de l’objet et de l’étendue de sa dette.