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Le désistement d’instance constitue l’un des modes d’extinction de l’instance les plus fréquents en matière civile. Il traduit la volonté d’une partie de mettre fin à la procédure qu’elle a engagée. La Cour d’appel d’Aix-en-Provence, dans un arrêt rendu le 18 juin 2025, a eu à connaître d’une telle situation dans le cadre d’un litige relatif à la licitation d’un bien immobilier indivis.
Les faits de l’espèce concernaient un homme reconnu débiteur en qualité de caution d’une société par un jugement du tribunal de commerce de Marseille du 23 juillet 2018. La société créancière a assigné ce dernier et son épouse devant le juge aux affaires familiales aux fins d’obtenir la vente aux enchères en vue du partage d’un bien immobilier qu’ils possédaient en indivision. Par jugement du 5 décembre 2023, le juge aux affaires familiales du tribunal judiciaire de Marseille a ordonné l’ouverture des opérations de compte, liquidation et partage, désigné un notaire et ordonné la licitation du bien indivis.
Les époux ont interjeté appel le 13 février 2024. La société créancière a constitué avocat et conclu au fond en sollicitant la confirmation de la décision, formant ainsi un appel incident. Par la suite, une société de droit suédois est intervenue volontairement aux lieu et place de la créancière initiale, venant à ses droits par l’effet d’une cession de créance. Par conclusions du 27 mars 2025, les appelants se sont désistés de leur appel, invoquant un accord conclu en cours de procédure. L’intimée a accepté ce désistement sans condition.
La question posée à la Cour d’appel d’Aix-en-Provence était de déterminer si le désistement d’appel pouvait être déclaré parfait et produire ses effets, alors que l’intimée avait préalablement formé un appel incident.
La Cour a constaté le désistement d’instance des appelants, son acceptation sans réserve par l’intimée, et a déclaré le désistement parfait, constatant ainsi son dessaisissement et l’extinction de l’instance.
Cette décision appelle un commentaire articulé autour de deux axes. Le régime du désistement d’appel en présence d’un appel incident mérite d’abord examen (I), avant d’envisager les effets du désistement sur l’instance et la répartition des dépens (II).
I. Le régime du désistement d’appel en présence d’un appel incident
Le désistement d’appel obéit à des conditions de validité précises (A), parmi lesquelles l’exigence d’acceptation revêt une importance particulière en cas d’appel incident (B).
A. Les conditions générales du désistement d’appel
L’article 400 du code de procédure civile pose le principe selon lequel « le désistement de l’appel est admis en toutes matières, sauf dispositions contraires ». Cette règle traduit le caractère libéral du désistement en matière civile. L’appelant demeure maître de son recours et peut y renoncer à tout moment de la procédure.
Le désistement constitue un acte unilatéral de volonté par lequel une partie renonce à poursuivre l’instance qu’elle a introduite. Il se distingue du désistement d’action, qui emporte renonciation au droit substantiel lui-même. En l’espèce, les appelants ont entendu se désister de leur instance d’appel, sans renoncer à leurs droits au fond, lesquels demeurent régis par le jugement de première instance devenu définitif.
La Cour relève que « les appelants se sont désistés de leur appel » et que ce désistement intervient dans un contexte où « les parties se sont rapprochées en cours d’instance et ont convenu d’y mettre fin ». Cette formulation traduit l’existence d’un accord amiable sous-jacent, le désistement n’étant que la traduction procédurale de la résolution conventionnelle du litige.
B. L’exigence d’acceptation en cas d’appel incident
L’article 401 du code de procédure civile dispose que « le désistement de l’appel n’a besoin d’être accepté que s’il contient des réserves ou si la partie à l’égard de laquelle il est fait a préalablement formé un appel incident ou une demande incidente ». Cette disposition protège les droits de l’intimé qui a lui-même formé un recours.
En l’espèce, la société intimée avait effectivement formé un appel incident tendant à la réformation du jugement en ce qu’il avait rejeté sa demande au titre des frais irrépétibles. La Cour constate que « l’intimée qui avait formé un appel incident, accepte le désistement d’appel sans réserve ». Cette acceptation sans réserve était indispensable pour que le désistement produise ses effets.
L’exigence d’acceptation se justifie par la nécessité de préserver les droits de l’intimé appelant incident. Ce dernier a manifesté, par son appel incident, sa volonté d’obtenir une modification de la décision de première instance. L’autoriser à s’opposer au désistement de l’appelant principal lui permet de poursuivre son propre recours. En acceptant le désistement, l’intimé renonce corrélativement à son appel incident.
II. Les effets du désistement sur l’instance et les dépens
Le désistement parfait emporte des conséquences procédurales immédiates (A), tandis que la répartition des dépens fait l’objet d’un aménagement conventionnel (B).
A. L’extinction de l’instance et le dessaisissement de la juridiction
L’article 385 du code de procédure civile énumère les causes d’extinction de l’instance à titre principal, parmi lesquelles figure le désistement d’instance. La Cour rappelle que « la constatation de l’extinction de l’instance et du dessaisissement de la juridiction ne met pas obstacle à l’introduction d’une nouvelle instance, si l’action n’est pas éteinte par ailleurs ».
En déclarant que « le désistement d’appel est dès lors parfait, la cour dessaisie et l’instance éteinte », la juridiction tire les conséquences du désistement régulièrement formé et accepté. Le dessaisissement produit un effet immédiat et irrévocable. La Cour ne peut plus statuer sur le fond du litige.
Cette extinction de l’instance d’appel a pour conséquence de rendre définitif le jugement de première instance. La décision du juge aux affaires familiales ordonnant la licitation du bien indivis acquiert ainsi force de chose jugée. L’accord intervenu entre les parties ne remet pas en cause cette décision, mais dispense simplement de poursuivre le débat devant la juridiction d’appel.
B. L’aménagement conventionnel de la charge des dépens
L’article 399 du code de procédure civile pose le principe selon lequel les dépens sont à la charge de celui qui se désiste. Cette règle se justifie par l’idée que l’auteur du désistement reconnaît implicitement le mal-fondé de son recours et doit supporter les frais qu’il a occasionnés à son adversaire.
La Cour relève que « tant les appelants que l’intimée demandent à la cour de dire que chacun conservera la charge de ses dépens et frais d’appel ». Elle fait droit à cette demande en précisant qu’elle déroge « à la règle posée par l’article 399 du code de procédure civile ». Cette faculté de dérogation résulte de l’accord des parties et du pouvoir souverain de la juridiction en matière de dépens.
Cette répartition égalitaire des dépens traduit l’économie de l’accord amiable intervenu entre les parties. Elle témoigne d’une volonté commune de mettre fin au litige sans que l’une d’elles soit considérée comme ayant succombé. La pratique du partage des dépens accompagne fréquemment les désistements intervenus à la suite d’une transaction, chaque partie assumant les frais qu’elle a exposés pour parvenir à la résolution du différend.