Cour d’appel de Aix-en-Provence, le 19 juin 2025, n°21/00724

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La Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 19 juin 2025, statue sur un litige né d’une fourniture d’un iso-conteneur d’oxygène liquide destinée à un chantier industriel. Saisie de l’appel dirigé contre le jugement du tribunal de commerce de Marseille, 7 décembre 2020, elle confirme la condamnation de l’acheteur professionnel au paiement du prix, rejette la nullité pour dol ou erreur, et alloue des dommages-intérêts pour l’opposition fautive à des chèques. Le différend concentre l’analyse sur l’obligation d’information d’un fournisseur spécialisé et sur l’excusabilité d’une erreur tenant au régime ICPE.

Les faits utiles tiennent à une offre du 9 juillet 2018, suivie de commandes du 11 juillet et d’une expédition fin juillet. À l’arrivée sur site, le maître d’ouvrage refuse l’accès à l’installation. L’acheteur fait opposition aux moyens de paiement émis. Le fournisseur agit alors en recouvrement. En première instance, le juge commercial condamne l’acheteur au paiement du solde, aux intérêts capitalisés, à des dommages-intérêts et à l’indemnité de procédure. En appel, l’acheteur invoque un dol, ou à tout le moins une erreur déterminante viciant son consentement, en raison d’informations inexactes sur la soumission ICPE d’une installation mobile. Le fournisseur sollicite la confirmation intégrale et soutient avoir alerté l’acheteur dès l’offre sur la réglementation applicable.

La question posée est double. D’une part, déterminer si un fournisseur ayant averti son cocontractant de la soumission ICPE a manqué à son devoir d’information en laissant conclure à l’absence de formalités pour une installation mobile. D’autre part, apprécier les conséquences du refus d’exécuter la contrepartie pécuniaire, au regard des oppositions bancaires opérées. La Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 19 juin 2025, rejette la nullité, retient l’absence de manœuvres ou d’erreur excusable, et confirme la condamnation au paiement et aux accessoires.

I – Les conditions du vice du consentement invoqué devant la Cour

A – Le dol allégué et la preuve d’une information déterminante
Le cadre normatif est rappelé avec sobriété. La cour vise d’abord l’article 1137 du code civil selon lequel « le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges ». Elle ajoute que « constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie ». L’examen des pièces montre ensuite que l’offre commerciale mentionnait expressément le risque réglementaire. Le courriel initial précisait en effet « Merci de valider avec votre client la possibilité de stocker un isocontainer d’oxygène liquide sur le site. Le stockage de l’oxygène est soumis à l’ICPE (…) ». Cette alerte écrite, antérieure aux commandes, pèse fortement dans l’analyse de la charge probatoire.

La preuve de manœuvres ou de mensonges suppose des éléments concordants et extérieurs aux seules affirmations de l’acheteur. L’arrêt relève l’absence de réponse écrite du fournisseur aux interrogations techniques émises la veille des commandes. Il note aussi qu’une attestation interne, isolée, ne suffit pas à établir des assurances contraires catégoriques. En outre, les interrogations réglementaires naissent chez l’acheteur lui-même, en lien avec son interlocuteur sur site. L’architecture probatoire déconstruit donc l’allégation de dol en l’absence d’un démenti écrit de l’alerte antérieure, claire et circonstanciée.

B – L’erreur excusable et l’appréciation in concreto du consentement
La cour vise l’article 1132, qui dispose que « L’erreur de droit ou de fait, à moins qu’elle ne soit inexcusable, est une cause de nullité du contrat lorsqu’elle porte sur les qualités essentielles de la prestation due ou sur celles du cocontractant. » Elle rappelle également, au visa de l’article 1130, que « Leur caractère déterminant s’apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné ». L’acheteur, professionnel du secteur, disposait d’un accès aux exigences contractuelles du site et à un appui HSE dédié. Cette qualité professionnelle pèse sur l’excusabilité de l’erreur alléguée.

L’éventuelle ambiguïté créée par un message postérieur, distinguant installation fixe et livraison, n’a pu conditionner un consentement déjà donné. L’arrêt le souligne en retenant le caractère postérieur de l’échange et son périmètre limité à la livraison. L’acheteur était le seul à maîtriser le mode opératoire et à connaître le cahier des charges du site. L’erreur, si elle a existé, n’apparaît ni déterminante ni excusable, au regard de l’alerte initiale, de la compétence du destinataire et du partage d’informations effectif avant commande.

II – La portée de la solution sur les obligations contractuelles et leurs suites

A – Le devoir de conseil du fournisseur spécialisé, champ et limites
La solution confirme un équilibre constant. Le professionnel spécialisé doit informer loyalement et alerter sur les contraintes normatives prévisibles, ce que matérialise l’avertissement écrit reproduit. Ce devoir ne s’étend pas à la vérification des contraintes issues d’un contrat tiers non communiqué, ni à l’obtention de validations administratives étrangères à sa sphère de contrôle. Le message « Merci de valider avec votre client la possibilité de stocker un isocontainer d’oxygène liquide sur le site » confie, avec clarté, la vérification au titulaire de la relation avec le site. La décision valorise cette distribution rationnelle des diligences entre un fournisseur d’équipements et un opérateur connaissant le cadre opérationnel local.

L’arrêt intéresse la gestion des installations temporaires soumises au régime ICPE. Il rappelle que l’enjeu n’est pas de qualifier abstraitement la mobilité, mais d’assurer une validation contextuelle auprès du site. La mise en garde, antérieure et précise, suffit à écarter une violation du devoir de conseil. La solution s’inscrit dans une jurisprudence attentive à la qualité des parties et à la traçabilité des échanges. Elle confirme qu’une information claire et écrite constitue un pivot probatoire efficace pour le fournisseur.

B – Le règlement de la facture et la faute d’opposition aux chèques
Au titre de la demande en paiement, la cour rappelle un principe procédural clair. « En application de l’article 954 du code de procédure civile, la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs. » Elle constate l’existence d’une facture partiellement impayée, l’opposition aux instruments de paiement, et confirme la condamnation au solde et aux intérêts capitalisés. Cette rigueur s’explique par la stabilité de la créance après rejet de la nullité.

La cour retient en outre la faute constituée par l’opposition aux chèques, génératrice de frais et d’incidents pour le créancier. L’allocation de dommages-intérêts, modérée et motivée, illustre la protection d’un paiement contractuel non sérieusement contesté au fond. En confirmant la décision de première instance, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 19 juin 2025, assure la cohérence de la sanction pécuniaire avec l’économie du contrat exécuté pour partie et l’absence de vice du consentement. L’ensemble consacre une articulation ferme entre devoir d’information, qualité professionnelle et effectivité des obligations de paiement.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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