Cour d’appel de Aix-en-Provence, le 20 juin 2025, n°22/01715

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence, chambre 4-1, le 20 juin 2025, tranche l’appel d’une affaire prud’homale relative à un licenciement disciplinaire. Un agent de sécurité, employé depuis 2016 à temps partiel, a été licencié pour faute grave après deux mois d’absence non justifiée. La contestation portait également sur des rappels de salaire, fondés sur des plannings mensuels non intégralement rémunérés selon les bulletins produits.

Le Conseil de prud’hommes de Marseille, le 19 janvier 2022, avait requalifié la rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse, allouant diverses indemnités. L’employeur a relevé appel, tandis que le salarié sollicitait confirmation et compléments au titre d’arriérés d’octobre et novembre 2018. La cour devait déterminer si une absence prolongée, malgré mise en demeure reçue, caractérise une faute grave excluant indemnités, et si les rappels réclamés étaient probants. La juridiction d’appel retient la faute grave et infirme les indemnités de rupture, tout en confirmant et complétant les rappels de salaire reconnus en première instance.

I. La qualification de la faute grave issue d’une absence injustifiée prolongée

A. Les critères de la rupture pour motif personnel rappelés par la cour

Au soutien de sa décision, la cour expose le cadre normatif en termes clairs, rappelant les conditions cumulatives de la cause et de la gravité exigées. « L’article L 1232-1 du code du travail dispose que tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, c’est à dire pour un motif existant, exact, objectif et revêtant une certaine gravité rendant impossible, sans dommages pour l’entreprise, la continuation du contrat de travail et nécessaire le licenciement. »

La définition opératoire de la faute grave est ensuite reproduite sans détour, ancrant la solution dans la jurisprudence sociale. « La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant d’un contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise pendant le temps du préavis. »

Enfin, la charge probatoire est posée en des termes explicites. « L’employeur doit rapporter la preuve de l’existence d’une telle faute et le doute profite au salarié. » Par voie de conséquence, la cour rappelle la sanction attachée à cette qualification. « En application des dispositions des articles L 1234-1, L.1234-5 et L.1234-9 alinéa 1 du code du travail, la reconnaissance de la faute grave entraîne la perte du droit aux indemnités de préavis et de licenciement. »

B. L’application aux faits : mises en demeure, silence persistant et inopérance du transfert

Les lettres recommandées des 26 février et 19 mars 2020, suivies d’une convocation à entretien préalable, établissent une exigence claire de justification restée sans réponse. La réception d’un premier courrier le 27 février 2020 est acquise, de sorte que le maintien de l’absence, deux mois durant, ne souffre aucune ambiguïté factuelle.

La cour écarte l’argument d’un accord amiable et d’un transfert pressenti, faute d’éléments probants et en l’absence d’information certaine à la date considérée. La présence d’une absence injustifiée antérieure, mentionnée au bulletin de 2018, renforce l’appréciation défavorable du comportement retenu. Dans ce contexte, l’abstention prolongée de reprendre le travail « constitue un comportement gravement fautif rendant impossible la poursuite du contrat de travail durant le préavis ». La qualification opérée justifie l’éviction des indemnités de rupture déjà allouées, conformément au régime légal rappelé par la décision.

Restait en débat la question distincte des créances salariales revendiquées au titre d’heures non rémunérées.

II. Le règlement des rappels de salaire et ses enseignements probatoires

A. La valeur probante des plannings face aux bulletins de paie

La cour confronte les plannings produits aux mentions des bulletins et constate une discordance nette sur les mois d’octobre et novembre 2018. Les documents mentionnent respectivement 86 heures et 91,5 heures, quand les bulletins retiennent 66 heures et 59h25 seulement, sans explication justificative. Faute d’éléments contraires versés par l’employeur, les calculs du salarié sont admis et donnent lieu aux montants de 200,08 euros et 323,79 euros. Le raisonnement s’adosse à la formule selon laquelle « L’employeur ne versant aux débats aucune pièce contredisant les éléments présentés par le salarié ». Le rappel de septembre 2019, admis en première instance, est confirmé sans débat, l’accord intervenu demeurant inchangé en appel.

B. Portée de la solution et exigences de traçabilité

En confirmant partiellement et en complétant les rappels, la cour distingue clairement la dette salariale de l’appréciation disciplinaire de la rupture. La solution invite à une conservation rigoureuse des plannings et des affectations, et à une réponse documentée lorsque des écarts de rémunération sont allégués. Elle confirme aussi que la production par le salarié d’éléments précis suffit à inverser la charge de l’explication, en l’absence de pièces infirmant la discordance. Le contentieux social s’en trouve éclairé par une méthode de preuve pragmatique, propre à sécuriser les situations à horaires variables et sites multiples.

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