Cour d’appel de Aix-en-Provence, le 20 juin 2025, n°23/11632

Par un arrêt rendu le 20 juin 2025, la chambre 4-8b de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a constaté le désistement d’appel formé par une caisse primaire d’assurance maladie et prononcé les conséquences de droit attachées à cette renonciation procédurale.

Un salarié, chef d’équipe, a présenté le 11 février 2020 des douleurs cervicales et de l’épaule gauche lors de sa prise de poste. Un certificat médical initial établi le même jour aux urgences hospitalières a retenu une « douleur de l’épaule gauche évoquant une tendinopathie ». Le salarié est décédé le lendemain, le 12 février 2020. Son employeur avait établi une déclaration d’accident du travail le 13 février 2020. La caisse a refusé, le 19 mai 2020, la prise en charge au titre de la législation professionnelle, au motif de l’absence de fait accidentel. La commission de recours amiable a rejeté la contestation formée par les ayants droit.

Ces derniers, à savoir la veuve et les deux fils du défunt, ont saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Toulon le 12 novembre 2020. Par jugement du 4 août 2023, cette juridiction a reconnu le caractère professionnel de l’accident du 11 février 2020 et ordonné à la caisse de régulariser la situation des ayants droit. La caisse a relevé appel de cette décision. Par conclusions du 28 avril 2025, elle sollicitait l’infirmation du jugement et demandait de dire que le caractère professionnel de l’accident n’était pas établi. Les intimés ont, par conclusions du 6 mai 2025, soulevé l’irrecevabilité de l’appel et sollicité la confirmation du jugement ainsi qu’une condamnation au titre des frais irrépétibles. Lors de l’audience du 7 mai 2025, la caisse a déclaré se désister de son appel. Les intimés ont accepté ce désistement tout en maintenant leur demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile.

La question posée à la Cour d’appel d’Aix-en-Provence était de déterminer les conséquences juridiques du désistement d’appel formé par l’appelante et accepté par les intimés, notamment quant au sort des dépens et des frais irrépétibles.

La Cour, visant les articles 384, 385 et 395 à 405 du code de procédure civile, a constaté que « le désistement d’appel, intervenu après le dépôt de conclusions des intimés étant accepté par ceux-ci, il est parfait ». Elle a jugé qu’il « emporte en conséquence extinction de l’instance d’appel et dessaisissement de la cour ». Elle a condamné la caisse aux dépens et, au nom de l’équité, à verser 1 500 euros aux intimés sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Cette décision invite à examiner le régime procédural du désistement d’appel (I), avant d’en analyser les conséquences pécuniaires au regard des règles relatives aux dépens et aux frais irrépétibles (II).

I. Le régime procédural du désistement d’appel

Le désistement d’appel obéit à des conditions de validité précises (A) et produit des effets juridiques déterminés par la loi (B).

A. Les conditions de validité du désistement

L’article 395 du code de procédure civile dispose que le désistement de l’appel n’a besoin d’être accepté que s’il contient des réserves ou si le défendeur a préalablement formé une demande incidente. En l’espèce, les intimés avaient déposé des conclusions antérieurement au désistement, soulevant notamment une fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de l’appel et sollicitant une condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

La Cour relève expressément que le désistement est « intervenu après le dépôt de conclusions des intimés ». Cette circonstance impliquait la nécessité d’une acceptation pour que le désistement produise ses effets. Les intimés ayant manifesté leur accord lors de l’audience du 7 mai 2025, la Cour a pu constater que le désistement était « parfait ». Cette qualification reprend la terminologie traditionnelle du droit processuel, selon laquelle le désistement accepté forme un accord de volontés produisant immédiatement ses effets extinctifs.

La solution retenue s’inscrit dans une jurisprudence constante. La Cour de cassation veille au respect des conditions d’acceptation lorsque le défendeur a formulé des prétentions. L’exigence d’acceptation protège l’intimé qui a engagé des frais de défense et peut légitimement prétendre à une décision sur ses demandes accessoires.

B. Les effets du désistement sur l’instance et le jugement entrepris

La Cour d’Aix-en-Provence énonce que le désistement « emporte en conséquence extinction de l’instance d’appel et dessaisissement de la cour ». Le dispositif précise en outre qu’il « emporte acquiescement au jugement ». Cette formulation appelle une analyse attentive.

L’article 403 du code de procédure civile prévoit que le désistement de l’appel emporte acquiescement au jugement. L’appelante, en se désistant, renonce non seulement à la procédure d’appel mais également à toute contestation ultérieure du jugement de première instance. Le jugement du tribunal judiciaire de Toulon du 4 août 2023, qui avait reconnu le caractère professionnel de l’accident, acquiert ainsi force de chose jugée définitive.

Cette conséquence revêt une importance pratique considérable. La caisse, qui contestait la qualification d’accident du travail, se trouve désormais liée par la décision des premiers juges. Elle devra procéder à la régularisation de la situation des ayants droit comme le tribunal l’avait ordonné. Le désistement apparaît ainsi comme une reconnaissance implicite du bien-fondé de la décision entreprise, ou du moins comme l’abandon de toute volonté de la remettre en cause.

II. Les conséquences pécuniaires du désistement

Le désistement d’appel emporte des conséquences sur la charge des dépens (A) et sur l’allocation des frais irrépétibles (B).

A. L’imputation des dépens à la partie qui se désiste

L’article 399 du code de procédure civile dispose que les dépens de l’instance éteinte sont à la charge du demandeur qui se désiste, à moins que le juge n’en décide autrement. La Cour d’appel d’Aix-en-Provence a fait application de cette règle en condamnant la caisse aux dépens d’appel.

Cette solution s’explique par la logique qui sous-tend le désistement. Celui qui renonce à son action reconnaît implicitement le caractère infondé ou inopportun de sa démarche. Il serait inéquitable de faire supporter à la partie adverse les frais d’une procédure à laquelle elle a été contrainte de répondre et qui s’achève par l’abandon de son contradicteur.

La règle posée par l’article 399 n’est toutefois pas absolue. Le juge dispose d’un pouvoir d’appréciation lui permettant de décider autrement. En l’espèce, aucune circonstance particulière ne justifiait de déroger au principe. La caisse avait relevé appel d’un jugement lui faisant grief, contraint les intimés à constituer avocat et à conclure, puis renoncé à ses prétentions lors de l’audience. L’imputation des dépens à l’appelante s’imposait.

B. L’allocation des frais irrépétibles fondée sur l’équité

La question des frais irrépétibles présentait un intérêt particulier. Les intimés avaient maintenu leur demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile malgré l’acceptation du désistement. La caisse s’y était opposée.

La Cour a retenu que « l’équité justifie qu’il soit fait application au bénéfice des consorts [intimés] des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ». Elle a condamné la caisse à leur verser 1 500 euros à ce titre. Cette motivation, quoique succincte, révèle l’exercice du pouvoir souverain d’appréciation reconnu aux juges du fond en matière de frais irrépétibles.

L’article 700 du code de procédure civile permet au juge de condamner la partie tenue aux dépens à payer une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge prend en considération l’équité et la situation économique de la partie condamnée. En l’espèce, plusieurs éléments militaient en faveur de l’allocation sollicitée. Les intimés, ayants droit d’un salarié décédé, avaient dû défendre leurs intérêts face à un appel qui s’est finalement révélé vain. Ils avaient exposé des frais d’avocat pour répondre à une contestation abandonnée.

La portée de cet arrêt demeure limitée à l’espèce. Il illustre néanmoins l’application cohérente des règles processuelles gouvernant le désistement. L’appelante qui renonce à son recours en supporte les conséquences financières. L’acceptation du désistement par les intimés n’emporte pas renonciation à leurs demandes accessoires, notamment celles relatives aux frais irrépétibles. La décision confirme ainsi que le désistement, s’il met fin à l’instance principale, ne prive pas le juge du pouvoir de statuer sur les aspects financiers du litige.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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