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L’arrêt rendu par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence le 20 juin 2025 statue sur les voies de recours ouvertes contre les ordonnances du juge de la mise en état en matière de provision pour procès et d’expertise judiciaire. Cette décision illustre avec précision le régime procédural des ordonnances du juge de la mise en état tel qu’issu des articles 789 et 795 du code de procédure civile.
En l’espèce, une société promotrice avait fait construire un ensemble immobilier dont les tirants d’ancrage empiétaient sur le fonds d’une propriétaire voisine. Après qu’une expertise eut conclu à un empiétement de 80 m², la cour d’appel avait condamné le syndicat des copropriétaires à supprimer ces tirants. La propriétaire avait ensuite assigné les constructeurs et leurs assureurs en indemnisation. Le syndicat des copropriétaires avait alors saisi le juge de la mise en état aux fins d’expertise et de provision pour frais de procès. Par ordonnance du 24 juin 2024, ce magistrat avait ordonné l’expertise et condamné plusieurs parties au paiement d’une provision de 15 000 euros à valoir sur les frais d’expertise.
L’agence d’architecture et son assureur ont relevé appel de cette ordonnance. Plusieurs intimés ont formé des appels incidents contestant également la provision pour procès. Une société a en outre contesté par voie d’appel incident la mesure d’expertise ordonnée.
La question posée à la cour était de savoir si l’appel immédiat est ouvert contre l’ordonnance du juge de la mise en état accordant une provision pour procès et si l’appel incident contre une décision ordonnant une expertise est recevable sans autorisation préalable du premier président.
La cour d’appel déclare irrecevable l’appel principal formé contre le chef de l’ordonnance relatif à la provision pour procès. Elle juge que seules les provisions accordées lorsque l’obligation n’est pas sérieusement contestable peuvent faire l’objet d’un appel immédiat. L’irrecevabilité de l’appel principal emporte celle des appels incidents. Elle déclare également irrecevable l’appel incident contre la mesure d’expertise faute de saisine préalable du premier président.
La cour distingue fermement la provision pour procès de la provision sur obligation non contestable quant au régime de l’appel immédiat (I). Elle rappelle par ailleurs l’exigence procédurale de l’autorisation du premier président pour contester une mesure d’expertise (II).
I. La distinction entre provision pour procès et provision sur obligation non contestable quant à l’appel immédiat
La cour opère une interprétation stricte des textes régissant l’appel des ordonnances du juge de la mise en état (A), ce qui emporte des conséquences directes sur la recevabilité des appels incidents (B).
A. L’interprétation stricte du domaine de l’appel immédiat
La cour relève que « l’article 789 du code de procédure civile distingue les provisions pour procès (dites aussi « ad litem ») des provisions qui peuvent être accordées au créancier lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable ». Elle précise qu’« il résulte des dispositions combinées de l’article 789 et de l’article 795 du code de procédure civile que seules les dispositions du juge de la mise en état accordant une provision au créancier, lorsque l’obligation n’est pas sérieusement contestable, peuvent faire l’objet d’un appel immédiat ».
Cette distinction repose sur la différence de nature entre ces deux types de provisions. La provision ad litem vise à permettre à une partie de faire face aux frais du procès en cours. La provision sur obligation non contestable anticipe sur le jugement au fond en reconnaissant l’existence d’une créance certaine. Seule cette dernière, parce qu’elle préjuge du fond, justifie un contrôle immédiat par la voie de l’appel.
La cour en tire la conséquence que « la provision pour le procès, visée à l’article 789 2°, n’entre pas dans le domaine de l’appel immédiat ouvert par l’article 795-4 4° qui se réfère exclusivement aux provisions visées par l’article 789-3° ». Cette lecture littérale des textes conduit à déclarer irrecevable l’appel principal.
B. L’extension de l’irrecevabilité aux appels incidents
La cour applique ensuite le mécanisme de l’article 550 du code de procédure civile selon lequel « l’appel incident ne sera pas reçu si l’appel principal n’est pas lui-même recevable ». Elle juge que « l’irrecevabilité de l’appel principal de la SARL Agence d’Architecte Spagnolo et de la MAF emporte donc et par voie de conséquence, celle des appels incidents ».
Cette solution procède de la logique même de l’appel incident qui suppose l’existence d’un appel principal valable. L’appel incident constitue une voie de recours subordonnée qui ne peut exister de manière autonome. Son sort est nécessairement lié à celui de l’appel principal.
La portée pratique de cette solution est considérable. Elle interdit à toute partie de remettre en cause par la voie de l’appel une provision pour procès allouée par le juge de la mise en état avant le jugement au fond. Cette impossibilité de contester immédiatement une telle décision peut s’avérer problématique lorsque le montant de la provision est élevé.
II. L’exigence procédurale de l’autorisation préalable pour contester une mesure d’expertise
La cour rappelle le régime spécifique de l’appel contre les décisions ordonnant une expertise (A) et en tire les conséquences sur l’irrecevabilité de l’appel incident irrégulièrement formé (B).
A. Le rappel du régime dérogatoire de l’article 272 du code de procédure civile
La cour vise l’article 272 du code de procédure civile selon lequel « la décision ordonnant l’expertise peut être frappée d’appel indépendamment du jugement sur le fond sur autorisation du premier président de la cour d’appel s’il est justifié d’un motif grave et légitime ». Elle précise que « la partie qui veut faire appel saisit donc le premier président qui statue selon la procédure accélérée au fond » et que « l’assignation doit être délivrée dans le mois de la décision ».
Ce régime dérogatoire se justifie par le caractère préparatoire de la mesure d’expertise. Permettre un appel immédiat sans condition contre toute décision ordonnant une expertise paralyserait le cours des procédures. L’exigence d’un motif grave et légitime et l’intervention du premier président constituent un filtre nécessaire.
La jurisprudence exige en effet que la partie démontre l’existence d’un préjudice irréversible ou d’une irrégularité flagrante pour obtenir l’autorisation de faire appel. Le simple désaccord sur l’opportunité de la mesure ne suffit pas.
B. La sanction de l’omission de la procédure d’autorisation
La cour constate que la société appelante incidente « a omis de solliciter l’autorisation du premier président » et en conclut que « la demande directement formée devant la cour […] est irrecevable ».
Cette sanction est conforme à la lettre et à l’esprit du texte. La saisine du premier président constitue un préalable obligatoire et non une simple formalité. La partie ne peut contourner cette exigence en formant un appel incident à l’occasion d’un appel principal recevable portant sur d’autres chefs de la décision.
La cour confirme par ailleurs l’ordonnance en ce qu’elle a débouté la propriétaire de sa demande de provision sur ses préjudices. Elle retient que « l’interprétation des clauses d’exclusion de la police relevant de la compétence exclusive du juge du fond, les contestations sérieuses invoquées […] s’opposent à la demande de provision présentée ». Cette solution rappelle que l’existence de contestations sérieuses constitue un obstacle dirimant à l’octroi d’une provision au sens de l’article 789-3° du code de procédure civile.