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L’arrêt rendu par la cour d’appel d’Aix-en-Provence le 24 juin 2025 illustre une application classique du mécanisme de radiation prévu par le code de procédure civile. Cette décision s’inscrit dans un contentieux relatif à l’exonération du versement transport, opposant une union départementale des associations familiales à un organisme de recouvrement et à une métropole.
Les faits à l’origine du litige remontent au 1er août 2019. Une association a sollicité auprès d’une métropole l’exonération de la taxe afférente au versement transport à compter du 1er janvier 2016. Le 5 novembre 2019, la métropole a rejeté cette demande au motif que la condition tenant au caractère social de l’activité n’était pas satisfaite. L’association a formé un recours gracieux le 20 décembre 2019, puis saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille le 30 avril 2020. Une saisine de la commission de recours amiable de l’organisme de recouvrement est intervenue le 9 février 2021, suivie d’une nouvelle saisine du tribunal le 1er février 2022.
Par jugement du 10 novembre 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille a ordonné la jonction des procédures, rejeté l’exception d’irrecevabilité tirée de l’absence de saisine préalable de la commission de recours amiable, fait droit à la fin de non-recevoir pour prescription triennale et débouté l’association de sa demande. L’association a relevé appel le 9 décembre 2022.
À l’audience du 6 mai 2025 devant la cour d’appel d’Aix-en-Provence, l’association appelante et l’organisme de recouvrement ont conjointement sollicité la radiation de la procédure, reconnaissant qu’une seconde déclaration d’appel avait été formée contre le même jugement et que les parties n’étaient pas en état de plaider. La métropole, bien que régulièrement convoquée, n’a pas comparu.
La question posée à la cour était celle de savoir si les conditions de la radiation pour défaut de diligence étaient réunies en présence d’une seconde déclaration d’appel et d’un défaut d’état de l’affaire.
La cour d’appel d’Aix-en-Provence a ordonné la radiation de l’affaire et son retrait du rang des affaires en cours, précisant que le rétablissement ne pourrait intervenir que sur dépôt des conclusions de la partie la plus diligente avant l’expiration du délai de péremption.
Cette décision appelle une analyse tant des conditions de mise en œuvre de la radiation pour défaut de diligence (I) que des effets attachés à cette mesure d’administration judiciaire (II).
I. Les conditions de la radiation pour défaut de diligence
La cour d’appel d’Aix-en-Provence caractérise le défaut de diligence justifiant la radiation (A) tout en révélant les difficultés procédurales liées à la multiplicité des déclarations d’appel (B).
A. La caractérisation du défaut de diligence des parties
La cour fonde sa décision sur l’article 381 du code de procédure civile, selon lequel « la radiation sanctionne dans les conditions de la loi le défaut de diligence des parties ». Cette disposition confère au juge un pouvoir d’appréciation pour sanctionner l’inertie procédurale.
En l’espèce, les parties comparantes ont elles-mêmes sollicité la radiation, reconnaissant qu’elles n’étaient pas en état de plaider. La cour relève que « les parties comparantes ont convenu qu’elles n’étaient pas en état et que la présente procédure était consécutive à une seconde déclaration d’appel ». Cette reconnaissance conjointe du défaut de diligence facilite l’office du juge, qui n’a pas à rechercher les causes de l’impréparation des parties.
La radiation se distingue ainsi d’une sanction imposée par le juge contre la volonté des parties. Elle apparaît davantage comme un instrument de gestion du rôle, permettant de désengorger les audiences d’affaires qui ne sont pas en état d’être jugées. La jurisprudence admet de longue date que la radiation peut intervenir à la demande des parties elles-mêmes lorsqu’elles reconnaissent ne pas être prêtes à plaider utilement.
B. La problématique de la seconde déclaration d’appel
L’arrêt révèle une situation procédurale particulière tenant à l’existence d’une seconde déclaration d’appel dirigée contre le même jugement. Cette circonstance explique la demande conjointe de radiation formulée par les parties comparantes.
La multiplicité des déclarations d’appel contre une même décision peut résulter de diverses causes, notamment d’erreurs procédurales ou de la volonté de régulariser un premier appel affecté d’un vice. Le code de procédure civile ne prohibe pas le dépôt de plusieurs déclarations d’appel successives, dès lors que les délais sont respectés.
La cour ne tranche pas la question de l’articulation entre ces deux procédures d’appel. Elle se borne à constater le défaut d’état de l’affaire dans la présente instance, sans préjuger du sort de l’autre procédure. Cette prudence s’explique par le caractère provisoire de la radiation, qui ne met pas fin à l’instance mais la suspend dans l’attente d’une reprise par les parties.
II. Les effets de la radiation sur le cours de l’instance
La radiation ordonnée par la cour produit des effets limités quant à la suspension de l’instance (A) tout en organisant les modalités de son éventuel rétablissement (B).
A. Une mesure d’administration judiciaire suspendant l’instance
La cour ordonne « la radiation de l’affaire et son retrait du rang des affaires en cours ». Cette formulation reprend les termes traditionnels employés par les juridictions pour caractériser l’effet immédiat de la radiation.
La radiation constitue une mesure d’administration judiciaire insusceptible de recours, conformément à l’article 383 du code de procédure civile. Elle n’éteint pas l’instance mais la suspend, en retirant l’affaire du rôle de la juridiction. L’instance demeure pendante et les actes antérieurement accomplis conservent leur effet.
Cette nature particulière de la radiation explique que la cour ne statue pas sur les demandes au fond ni sur les dépens. L’arrêt se limite à ordonner le retrait de l’affaire, sans trancher aucune question substantielle. Les parties conservent la faculté de faire rétablir l’affaire pour obtenir une décision sur le fond du litige.
B. Les conditions du rétablissement de l’affaire
La cour précise que le rétablissement « ne pouvant intervenir que sur demande de rétablissement au rôle avec dépôt au greffe des conclusions de la partie la plus diligente ». Cette exigence vise à garantir que l’affaire ne sera rétablie que si les parties sont effectivement en mesure de plaider.
Le dispositif de l’arrêt ajoute une condition temporelle décisive : le rétablissement devra intervenir « avant l’expiration du délai de péremption de l’instance ». La radiation n’interrompt ni ne suspend le délai de péremption de deux ans prévu par l’article 386 du code de procédure civile. Les parties doivent donc accomplir des diligences dans ce délai sous peine de voir l’instance s’éteindre définitivement.
Cette articulation entre radiation et péremption constitue un mécanisme incitatif efficace. Les parties qui ont obtenu ou accepté la radiation de l’affaire ne peuvent laisser indéfiniment l’instance en suspens. Elles doivent soit demander le rétablissement en justifiant de leur état de préparation, soit assumer les conséquences de leur inertie par l’extinction de l’instance. La cour rappelle ainsi que la radiation ne saurait servir d’échappatoire durable aux obligations procédurales des plaideurs.