Cour d’appel de Aix-en-Provence, le 24 juin 2025, n°24/13567

Le désistement d’appel constitue un acte de volonté unilatéral par lequel une partie renonce à poursuivre l’instance qu’elle a engagée. Cette manifestation de volonté, encadrée par les articles 400 et suivants du code de procédure civile, emporte des conséquences processuelles considérables puisqu’elle conduit à l’extinction de l’instance et au dessaisissement de la juridiction saisie.

En l’espèce, un organisme de recouvrement social avait procédé à un contrôle d’une société pour la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, lequel s’était traduit par une lettre d’observations comportant six chefs de redressement. La commission de recours amiable avait rejeté la contestation de la société par décision du 25 octobre 2017. Par jugement contradictoire du 3 février 2020, le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille avait accueilli favorablement la contestation de la société portant sur l’ensemble des chefs de redressement, ordonnant le remboursement des sommes acquittées à titre conservatoire assorties des intérêts au taux légal. L’organisme de recouvrement avait interjeté appel par lettre recommandée expédiée le 5 mars 2020. L’affaire fut radiée du rôle le 21 octobre 2020. La société intimée avait alors sollicité, par conclusions d’incident du 10 juillet 2024, que soit constatée la péremption de l’instance. L’affaire fut remise au rôle le 7 novembre 2024, puis fixée à l’audience du 13 mai 2025. Par courrier du 7 mai 2025, l’organisme appelant se désista de son appel. À l’audience, la société intimée accepta ce désistement et renonça à l’ensemble de ses demandes.

La question posée à la cour d’appel d’Aix-en-Provence était celle des conditions de validité du désistement d’appel et de ses effets, alors même que l’intimée avait préalablement soulevé un incident de péremption d’instance.

Par arrêt du 24 juin 2025, la cour d’appel d’Aix-en-Provence constate que « le désistement d’appel est parfait », rappelle qu’il « emporte acquiescement au jugement et entraîne l’extinction de l’instance et le dessaisissement de la cour », et condamne l’appelant aux dépens d’appel.

Le désistement d’appel illustre la maîtrise que conservent les parties sur l’instance qu’elles ont introduite, tout en produisant des effets définitifs sur le litige lui-même (I). L’articulation entre cet acte de renonciation et l’incident de péremption préalablement soulevé révèle la hiérarchie des modes d’extinction de l’instance (II).

I. Le désistement d’appel, expression de la volonté des parties et instrument d’extinction de l’instance

Le désistement d’appel suppose la réunion de conditions précises tenant à la manifestation de volonté des parties (A). Une fois ces conditions remplies, il produit des effets processuels et substantiels considérables (B).

A. Les conditions du désistement parfait

Le désistement d’appel obéit aux règles posées par les articles 400 et suivants du code de procédure civile. L’article 401 dispose que le désistement de l’appel n’a besoin d’être accepté que s’il contient des réserves ou si la partie adverse a préalablement formé un appel incident ou une demande incidente. La cour relève en l’espèce que l’intimée « a accepté le désistement et renoncé à toutes ses demandes ».

Cette acceptation n’était pas juridiquement superflue. L’intimée avait en effet formé une demande incidente tendant à voir constater la péremption de l’instance. L’article 401 du code de procédure civile impose alors que le désistement soit accepté pour être parfait. La cour prend soin de constater successivement « le désistement de l’appel » puis « l’acceptation de ce désistement » avant de « déclare[r] le désistement parfait ». Cette méthodologie respecte scrupuleusement les prescriptions légales.

Le désistement procède d’une volonté non équivoque de renoncer au bénéfice de l’appel formé. Il peut résulter d’une déclaration expresse, comme en l’espèce où l’appelant s’est désisté par courrier du 7 mai 2025. La jurisprudence admet également le désistement tacite lorsqu’il résulte d’actes incompatibles avec la volonté de poursuivre l’instance. La cour d’appel d’Aix-en-Provence n’avait pas à s’interroger sur le caractère non équivoque de la renonciation, celle-ci étant formellement exprimée.

B. Les effets du désistement sur l’instance et sur le fond du litige

La cour rappelle que « le désistement emporte acquiescement au jugement et entraîne l’extinction de l’instance et le dessaisissement de la cour ». Cette formule synthétise les deux dimensions des effets du désistement d’appel.

Sur le plan processuel, le désistement éteint l’instance d’appel et dessaisit la juridiction. L’article 403 du code de procédure civile prévoit que le désistement dessaisit le juge de la contestation sur laquelle il porte. La cour ne peut plus statuer sur le fond du litige. Elle conserve néanmoins compétence pour constater le désistement et statuer sur les dépens, comme elle le fait en condamnant l’appelant aux dépens d’appel.

Sur le plan substantiel, le désistement d’appel emporte acquiescement au jugement de première instance. L’article 403 dispose que le désistement emporte, sauf convention contraire, soumission aux chefs du jugement. Le jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Marseille du 3 février 2020, qui avait accueilli la contestation de la société et ordonné le remboursement des sommes acquittées, devient donc définitif. L’organisme de recouvrement renonce à contester les six chefs de redressement annulés par les premiers juges. Cette conséquence distingue le désistement d’appel du simple désistement d’instance qui, selon l’article 399, laisse subsister la possibilité de réintroduire une nouvelle instance si l’action n’est pas prescrite.

II. L’articulation du désistement avec l’incident de péremption, révélatrice de la logique processuelle

L’incident de péremption soulevé par l’intimée était devenu sans objet du fait du désistement intervenu (A). La condamnation aux dépens traduit la responsabilité processuelle de l’appelant défaillant (B).

A. La primauté du désistement sur la péremption

L’intimée avait sollicité, par conclusions d’incident du 10 juillet 2024, que soit constatée la péremption de l’instance. L’article 386 du code de procédure civile dispose que l’instance est périmée lorsque aucune des parties n’accomplit de diligences pendant deux ans. L’affaire avait été radiée le 21 octobre 2020 et les conclusions de péremption furent déposées près de quatre ans plus tard.

La question de savoir si l’instance était effectivement périmée n’a pas été tranchée par la cour. Le désistement intervenu le 7 mai 2025 a rendu cet incident sans objet. La cour relève que l’intimée « a, préalablement au désistement, sollicité de la cour qu’elle constate la péremption de l’instance » mais qu’elle « a accepté le désistement et renoncé à toutes ses demandes ». L’acceptation du désistement par l’intimée emporte renonciation à l’incident de péremption.

Cette solution est logique. Le désistement et la péremption constituent deux modes distincts d’extinction de l’instance. Le désistement procède de la volonté des parties tandis que la péremption sanctionne leur inertie. Lorsque le désistement intervient avant qu’il ne soit statué sur l’incident de péremption, il absorbe celui-ci. Les deux mécanismes produisent certes un effet commun, l’extinction de l’instance, mais leurs conséquences sur le fond diffèrent. La péremption n’emporte pas acquiescement au jugement attaqué et laisse subsister la possibilité de former un nouvel appel si les délais ne sont pas expirés. Le désistement d’appel, en revanche, rend le jugement définitif.

B. La charge des dépens, conséquence de la responsabilité processuelle

La cour « condamne l’URSSAF aux dépens ». Cette solution découle de l’article 399 alinéa 2 du code de procédure civile qui dispose que le désistement emporte obligation de payer les frais de l’instance éteinte. L’appelant qui renonce à son appel supporte la charge des dépens de l’instance d’appel.

Cette règle traduit une logique de responsabilité processuelle. L’appelant a pris l’initiative de saisir la cour puis a renoncé à son recours. Il doit en assumer les conséquences pécuniaires. L’intimée, qui a dû se défendre et engager des frais, ne saurait supporter le coût d’une instance abandonnée par son adversaire.

La cour ne statue pas sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. Cette absence peut s’expliquer par le fait qu’aucune demande n’avait été formée à ce titre, l’intimée ayant « renoncé à toutes ses demandes » lors de l’acceptation du désistement. La renonciation de l’intimée à solliciter une indemnité au titre des frais irrépétibles témoigne d’une volonté de clore définitivement le litige sans prolonger les débats sur les conséquences accessoires de l’instance.

Cet arrêt illustre le fonctionnement ordinaire du désistement d’appel. La décision présente un intérêt didactique en rappelant méthodiquement les conditions et effets de ce mécanisme processuel. Elle confirme que le désistement constitue un mode efficace d’extinction de l’instance lorsque l’appelant prend conscience du caractère vain de son recours ou préfère accepter la décision de première instance plutôt que de s’exposer aux aléas d’une décision au fond.

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Hassan KOHEN
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