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Par un arrêt rendu le 25 août 2025, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence statue sur la validité d’un licenciement disciplinaire prononcé à la suite d’un accident matériel lors d’une manœuvre de marche arrière. Le salarié, conducteur routier récemment embauché, a été congédié pour faute grave après l’endommagement important d’un véhicule de l’entreprise. Il soutenait n’être pas l’auteur de l’accident, invoquait l’annulation d’une formation durant une prétendue mise à pied et réclamait divers rappels et indemnités. Le conseil de prud’hommes d’Aix-en-Provence, par jugement du 28 septembre 2021, l’a débouté. L’appel porte sur la caractérisation de la faute grave, l’imputation des faits, l’existence d’une mise à pied conservatoire et l’exécution loyale du contrat.
La juridiction d’appel rappelle, d’une part, que « Aux termes de l’article L.1232-1 du code du travail, tout licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse » et, d’autre part, que « Si un doute subsiste, il profite au salarié. » Elle précise surtout que « La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié […] d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise. » Au vu des pièces, l’accident est retenu comme matériellement imputable au salarié et qualifié de faute grave, la Cour estimant qu’« un tel accident […] manifeste un défaut de vigilance qui constitue effectivement une faute grave » au regard des obligations professionnelles du conducteur. Elle juge, enfin, que « La mise à pied n’étant soumise à aucune formalisme, il appartient dans ces conditions au salarié d’en rapporter la preuve », ce qui n’était pas fait, et confirme l’issue de première instance, avec aménagement sur l’article 700 du code de procédure civile.
I. Le sens de la solution
A. Le cadre légal et la charge de la preuve
La décision articule d’abord le contrôle juridictionnel autour de la cause, réelle et sérieuse, et du principe probatoire propre au contentieux du licenciement. La Cour vise l’article L.1235-1 du code du travail, selon lequel le juge « forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties » et, en cas de doute, « Si un doute subsiste, il profite au salarié. » Le rappel du standard de la faute grave éclaire la qualification retenue. L’arrêt cite que « La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié […] telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise », posant la nécessité d’un manquement d’une gravité objective appréciée in concreto.
Ce cadre entraîne une double exigence. D’une part, l’imputabilité matérielle des faits doit être établie par l’employeur. D’autre part, la gravité doit être appréciée au regard des fonctions exercées et des conséquences sur la relation de travail. La Cour s’inscrit dans cette partition en séparant nettement le débat sur l’auteur de l’accident et celui sur la qualification disciplinaire, tout en intégrant les éléments contradictoires produits.
B. L’imputabilité matérielle de l’accident et l’administration de la preuve
Le cœur du litige résidait dans l’identification du conducteur lors du sinistre. L’employeur a versé le relevé de la carte conducteur attribuant le véhicule au salarié le jour des faits, des photographies des dégâts, une déclaration d’accident à l’assureur et des factures de remorquage et de remise en état. La Cour en déduit que « Ainsi c’est à juste titre que le conseil de prud’hommes a retenu que l’accident était matériellement imputable à l’appelant. » La pièce adverse, un message illustré non rattaché de manière certaine à l’auteur allégué, est écartée en raison d’insuffisances d’identification, quand le relevé d’un autre conducteur ne révélait aucune conduite durant la période considérée.
Cette appréciation du faisceau d’indices illustre la mise en œuvre concrète de la règle probatoire. Le juge confronte la force probante d’enregistrements officiels à un message isolé et non authentifié. L’absence de doute raisonnable, après confrontation des pièces, écarte l’application du bénéfice du doute au salarié. Le raisonnement demeure centré sur la matérialité avant de passer à la qualification de la faute.
II. Valeur et portée
A. La qualification de faute grave pour un accident isolé d’un conducteur professionnel
La Cour rattache la gravité à la fonction exercée et au caractère élémentaire de la manœuvre. Elle retient que « La cour considère qu’un tel accident survenu sans justification de circonstances extérieures de nature à perturber la conduite du salarié manifeste un défaut de vigilance qui constitue effectivement une faute grave ». Le manquement réside dans l’insuffisante maîtrise d’une marche arrière en ligne droite, opération basique pour un professionnel de la route, conjuguée à l’ampleur des conséquences financières et à la perte de confiance.
La solution s’inscrit dans une ligne jurisprudentielle qui admet qu’un accident, s’il révèle un défaut de vigilance caractérisé, peut suffire à rompre le lien de confiance et justifier l’éviction immédiate. On aurait pu soutenir, à l’inverse, qu’un fait isolé, non répété et sans circonstances aggravantes particulières, relève plutôt d’une cause réelle et sérieuse non privative d’indemnités. La Cour tranche en faveur d’un seuil élevé de diligence attendu des conducteurs, ce qui confère à la faute une gravité intrinsèque dans ce contexte professionnel précis.
B. Les enseignements procéduraux sur la mise à pied et l’exécution loyale
La Cour apporte un rappel utile sur la mise à pied conservatoire. Elle pose que « La mise à pied n’étant soumise à aucune formalisme, il appartient dans ces conditions au salarié d’en rapporter la preuve ». Constatant l’absence de mention dans les convocations, la lettre de licenciement et les bulletins de paie, ainsi qu’un planning révélant des absences injustifiées, elle écarte l’argument d’une éviction préalable. La portée probatoire des documents de paie et de planification est ici déterminante.
L’annulation d’une formation durant la période invoquée ne caractérise pas une exécution déloyale, faute de mise à pied établie et au regard de l’absence injustifiée. La solution incite les salariés à conserver des preuves positives en cas de mise à pied verbale, et les employeurs à documenter précisément la situation avant licenciement. Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile, la confirmation partielle souligne, sans en faire un enjeu principal, la cohérence de l’issue globale du litige.