Cour d’appel de Aix-en-Provence, le 26 juin 2025, n°21/02920

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Rendue par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence le 26 juin 2025, la décision commente l’articulation de la réception tacite d’un ouvrage et de la garantie de parfait achèvement. Elle tranche une contestation née après des travaux de reprise d’enduit et de chape, payés le 4 juin 2018, puis suivis d’une tentative de conciliation au printemps 2019 et d’un procès-verbal de réception unilatéral du 26 avril 2019. Saisie d’une action fondée sur l’article 1792-6 du code civil, la juridiction d’appel confirme le jugement de première instance ayant retenu la forclusion et l’absence de responsabilité contractuelle pour des désordres appréciés comme apparents lors de la réception.

La procédure a connu un premier jugement du 25 janvier 2021 qui a déclaré l’action en garantie irrecevable car prescrite et rejeté la responsabilité contractuelle. En appel, le maître d’ouvrage soutenait une réception contradictoire au 26 avril 2019, à tout le moins une réception tacite assortie de réserves. L’entrepreneur invoquait une réception tacite dès le 4 juin 2018, caractérisée par le paiement intégral et la prise de possession, et opposait la forclusion d’un an. La question portait sur la date et les effets de la réception, sur l’étendue de la garantie de parfait achèvement, et sur l’exclusion concomitante d’une responsabilité contractuelle en présence de désordres apparents. La cour confirme la réception tacite au 4 juin 2018, retient la forclusion et écarte toute responsabilité, tout en rejetant la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.

I. Le sens de la décision

A. La réception tacite retenue au 4 juin 2018

Le cadre légal est rappelé par l’article 1792-6 du code civil, selon lequel « La réception est l’acte par lequel le maître de l’ouvrage déclare accepter l’ouvrage avec ou sans réserves ». La cour s’attache aux indices objectifs d’une volonté non équivoque. Elle relève que « La facture stipule expressément : « Date de livraison : 01/06/2018 » », qu’elle a été « signée […] avec le numéro du chèque […] le 04 juin 2018 », et qu’aucune réserve contemporaine n’a été émise.

L’analyse écarte le procès-verbal unilatéral postérieur. La cour juge que « Ces éléments sont donc insuffisants à contredire la volonté des parties d’accepter l’ouvrage sans réserve, qui s’est manifestée dès le 04 juin 2018 ». Dans le même mouvement, elle affirme que « La date du 04 juin 2018 doit donc être retenue comme étant la date de la réception tacite ». Le paiement intégral, la prise de possession, le silence sur des défauts visibles et la chronologie procédurale convergent ainsi vers une réception sans réserve.

B. La forclusion d’un an et l’exclusion liée aux vices apparents

La juridiction rappelle la règle prétorienne exigeant diligence. Elle énonce qu’« il ne suffit pas que des réserves aient été portées […] il faut encore que l’action en garantie de parfait achèvement soit introduite avant l’expiration du délai d’un an à compter de la réception » en référence à 3e civ., 15 janv. 1997, 6 mai 1998, 1er déc. 2009. L’assignation du 14 janvier 2020, intervenue plus d’un an après le 4 juin 2018, est donc forclose.

La cour statue également sur la nature des désordres. Elle considère qu’étaient « manifestement apparents » les griefs d’« enduit mal fait », de « raccord mal fait » et d’ouvrage « pas droit », de sorte que « ni la garantie de parfait achèvement ni la responsabilité contractuelle […] ne peuvent être engagées ». Le principe selon lequel « les vices apparents sont couverts par une réception sans réserve » reçoit ainsi application stricte.

II. La valeur et la portée de la solution

A. Une solution cohérente avec les critères de réception et la sécurité juridique

La solution se situe dans la ligne d’un contrôle rigoureux de la volonté de recevoir et des actes contemporains. La prise en compte du paiement intégral, de la mention « Date de livraison : 01/06/2018 » et de l’absence de réserves immédiates satisfait l’exigence d’une volonté claire et concordante. En écartant le procès-verbal unilatéral tardif, la cour neutralise les recompositions a posteriori qui altèrent la sécurité des relations contractuelles.

La cohérence s’étend à la discipline des délais. La réaffirmation que l’action doit être « introduite avant l’expiration du délai d’un an à compter de la réception » protège la finalité de la garantie de parfait achèvement, conçue comme un mécanisme bref de remise en conformité. La distinction nette entre vices apparents, couverts par une réception sans réserve, et désordres non apparents, relève d’une orthodoxie constante.

B. Des enseignements pratiques pour la réception des ouvrages courants

L’arrêt souligne la nécessité d’une réception organisée, contradictoire et documentée, notamment pour des travaux de second œuvre aux désordres immédiatement perceptibles. L’économie de la décision incite le maître d’ouvrage à consigner, le jour même, toute réserve utile et à saisir rapidement le juge en cas d’échec des remèdes. À défaut, la forclusion transforme la réception en verrou définitif.

La portée est également préventive. En rappelant que « La garantie […] porte sur les désordres apparents qui ont fait l’objet de réserves à la réception », la cour conforte la pratique de procès-verbaux précis, signés contradictoirement, et de mises en demeure calibrées dans l’année. L’exclusion concomitante de la responsabilité contractuelle pour des vices apparents évite un contournement de la réception et stabilise la phase post-livraison.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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