Cour d’appel de Aix-en-Provence, le 26 juin 2025, n°23/14710

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La Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 26 juin 2025, tranche un litige prud’homal portant à la fois sur le point de départ de la relation de travail et sur la qualification de la rupture intervenue en cours d’essai. Le salarié, embauché comme chef de cuisine par contrat daté du 1er septembre 2020, soutenait une prise d’effet antérieure au 1er septembre, revendiquait des salaires pour le mois d’août et une indemnité pour travail dissimulé. La rupture, consécutive à la remise des documents de fin de contrat le 22 septembre 2020, avait été initialement analysée comme une fin de période d’essai. La juridiction d’appel confirme le rejet des demandes relatives au mois d’août et au travail dissimulé, mais requalifie la rupture en licenciement irrégulier au regard de la convention collective HCR et de l’exigence d’un écrit. Elle refuse toutefois toute indemnisation faute de préjudice caractérisé et rejette les autres prétentions non étayées. Elle rappelle enfin que « la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ».

I – Le sens de la décision: preuve du début du contrat et régime de la rupture en période d’essai

A – La date d’entrée en fonction et l’insuffisance des éléments de preuve avancés

Le contrat écrit prévoyait une entrée au 1er septembre 2020, signature non déniée par le salarié, qui en invoquait d’ailleurs les stipulations pour contester la durée de l’essai. La juridiction souligne le caractère consensuel du contrat de travail, possible verbalement, mais exige des éléments probants, précis et concordants. Les messages téléphoniques produits ne satisfont pas à cette exigence probatoire, leur origine restant incertaine et leur contenu demeurant inapte à établir subordination et rémunération.

Le raisonnement opère une sélection rigoureuse des faits pertinents. Les échanges décrits, quel qu’en soit l’auteur, ne démontrent ni ordre hiérarchique caractérisé ni exécution rémunérée d’un travail. La cour juge que de tels éléments « ne permettent pas de démontrer l’existence d’un contrat de travail » antérieur au 1er septembre 2020. Cette appréciation d’espèce repose sur un principe constant : la charge de la preuve de l’antériorité incombe à celui qui l’allègue, particulièrement en présence d’un écrit clair et signé.

La conséquence procédurale est nette. Les demandes au titre des salaires antérieurs au 1er septembre 2020 et l’allégation de travail dissimulé sont rejetées, faute de preuve d’un travail exécuté sous lien de subordination et sans rémunération versée. Le rejet confirme l’approche classique qui refuse d’inférer un contrat de travail d’indices équivoques, surtout lorsque coexiste un écrit mentionnant une date certaine et opposable.

B – L’exigence d’un écrit et la nullité de la clause d’essai excessive au regard de la convention HCR

La période d’essai prévue au contrat était de soixante jours ouvrables, avec rupture possible sans forme. Deux axes encadrent la qualification de la rupture : le droit commun de l’essai et la convention collective HCR applicable à la catégorie d’emploi. D’une part, la jurisprudence retient que « la rupture doit être explicite » pendant l’essai et résulte de la manifestation de volonté de son auteur, ce que rappelle l’arrêt. D’autre part, le contrat stipulait que toute rupture de l’essai serait notifiée par écrit, remis en main propre contre récépissé ou par lettre recommandée.

La cour en déduit que « le seul envoi des documents de fin de contrat […] ne manifeste pas de manière suffisamment explicite la volonté » de rompre l’essai au sens du contrat. L’exigence d’un écrit univoque, librement acceptée par les parties, s’impose à l’employeur. À cela s’ajoute la hiérarchie des normes conventionnelles. L’article 13 de la convention HCR dispose que pour les « autres salariés : 1 mois pouvant être renouvelée une fois ». La période d’essai de soixante jours, appliquée à un salarié de la catégorie employé, excédait la durée conventionnelle et « est nulle ».

La nullité de la clause prive l’employeur de la faculté de rompre unilatéralement au-delà du mois, et impose le respect des formes du licenciement. L’arrêt retient, conformément à cette articulation normative, que la remise des documents de fin de contrat au 22 septembre 2020 « s’analyse en un licenciement irrégulier ». L’irrégularité résulte d’une double source : la non-conformité conventionnelle de la durée d’essai et l’absence d’écrit de rupture conforme à la stipulation contractuelle. La solution qualifie ainsi la rupture selon le droit commun du licenciement, nonobstant la temporalité initialement située pendant l’essai.

II – Valeur et portée: articulation des sources conventionnelles et régimes indemnitaires de l’irrégularité procédurale

A – La primauté de la convention collective sur la clause contractuelle d’essai et ses effets de qualification

L’arrêt rappelle avec netteté l’autorité de la convention collective pour fixer la durée maximale de l’essai selon la catégorie. Une stipulation contractuelle plus défavorable encourt la nullité, sans qu’il soit besoin d’une démonstration d’intention de contourner la norme. Le contrôle s’opère in concreto par référence à la catégorie d’emploi effectivement occupée, ici celle des employés. La conséquence est déterminante : au-delà d’un mois, la relation est réputée conclue ferme, la rupture relevant du régime du licenciement.

La solution renforce la sécurité juridique des salariés en fin d’essai et encadre le pouvoir discrétionnaire de l’employeur. Elle incite à une vigilance accrue dans la rédaction des clauses d’essai et dans la mise en œuvre de la rupture. Elle consacre également la force obligatoire des clauses plus protectrices, lorsqu’elles instaurent une forme écrite de rupture, laquelle devient une condition d’efficacité. La portée pratique est claire : en l’absence d’écrit conforme, la remise des documents de fin de contrat ne suffit pas à « manifester […] de manière suffisamment explicite » la rupture de l’essai.

B – L’exigence d’un préjudice pour l’indemnité d’irrégularité et la rigueur probatoire en appel

La cour se prononce ensuite sur l’indemnité pour irrégularité de procédure. Elle cite l’article L. 1235-2 du code du travail, aux termes duquel « le juge accorde […] une indemnité qui ne peut être supérieure à un mois de salaire » lorsque le licenciement est prononcé sans respect de la procédure, mais pour une cause réelle et sérieuse. Elle rappelle une jurisprudence constante subordonnant l’octroi de cette indemnité à la preuve d’un préjudice, appréciée souverainement par les juges du fond.

En l’espèce, la décision constate qu’« il n’est pas contesté que l’employeur a commis une irrégularité de procédure », mais ajoute qu’« il n’est caractérisé ni même allégué aucun préjudice » par le salarié. L’absence de démonstration concrète conduit au rejet de la demande indemnitaire. Le raisonnement s’inscrit dans la continuité des solutions qui, après l’ordonnance du 22 septembre 2017, n’exigent pas de plancher indemnitaire pour ce chef et maintiennent l’exigence d’un dommage personnel et certain.

La même rigueur probatoire gouverne la demande d’indemnité de préavis, écartée faute d’explicitation du fondement et des calculs. La cour refuse aussi de tirer conséquence d’allégations non soutenues dans la discussion, rappelant que « la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ». Cette discipline procédurale confirme l’importance d’écritures précises en appel, spécialement lorsqu’il s’agit d’obtenir des condamnations pécuniaires ou des injonctions de remise de documents rectifiés.

L’arrêt confirme enfin la garantie de l’organisme de garantie des salaires dans la limite de ses conditions légales et rejette la demande de rectification des documents contractuels en lien avec le mois d’août, conséquence logique du rejet des prétentions relatives à une entrée en fonction antérieure. La cohérence d’ensemble tient à une ligne claire : preuve stricte des faits générateurs, primauté de la norme collective plus favorable, et réparation subordonnée à la démonstration d’un préjudice effectif.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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