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Par un arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence du 3 juillet 2025, la juridiction était invitée à se prononcer sur des griefs de harcèlement moral allégués par un salarié déclaré inapte, puis licencié, et sur les effets de cette situation sur la validité de la rupture. Le salarié, engagé de longue date et muté au sein d’une filiale, avait connu des arrêts de travail en 2013, une inaptitude prononcée dès la visite de reprise en mai 2014, puis un licenciement en juillet 2014. Il invoquait des reproches infondés, des méthodes de gestion agressives et un message électronique tardif, soutenant que l’ensemble avait dégradé ses conditions de travail et provoqué son inaptitude.
La procédure avait connu un premier jugement de départage rendu le 25 février 2021, qui avait débouté le salarié de l’intégralité de ses demandes. L’appel, interjeté le 1er avril 2021, intervenait alors que l’employeur avait été placé successivement en redressement puis en liquidation judiciaires en 2022. Devant la cour, l’appelant sollicitait la nullité du licenciement en raison d’un harcèlement moral, subsidiairement l’absence de cause réelle et sérieuse au titre d’un manquement préalable imputable à l’employeur. L’intimé concluait à la confirmation, contestant la matérialité des faits et leur qualification juridique, et invoquant le pouvoir de direction.
La difficulté juridique tenait d’abord au régime probatoire du harcèlement moral, puis aux conditions d’incidence d’éventuels manquements sur une rupture motivée par l’inaptitude. La cour rappelle le texte définissant le harcèlement moral, selon lequel « ‘aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel’ ». Elle énonce ensuite la règle de répartition de la preuve, selon laquelle « le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement » puis « il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement ». La solution adoptée confirme le jugement. La cour admet que certains éléments « laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral », mais retient que l’employeur les justifie par des motifs objectifs relevant du pouvoir de direction, sans abus, et que l’envoi isolé d’un courriel tardif « ne peut fonder à lui seul un harcèlement moral ». Elle rejette en conséquence la nullité comme l’absence de cause réelle et sérieuse, faute de manquement préalable démontré, et statue sur les dépens et frais irrépétibles.
I – Le contrôle probatoire du harcèlement moral
A – La charge de l’allégation et le rôle du juge
La cour énonce le cadre légal et jurisprudentiel avec clarté, rappelant d’abord la norme de fond. Elle cite que « ‘aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral’ », soulignant le caractère répété des agissements et l’exigence d’une dégradation des conditions de travail affectant droits, dignité ou santé. Ce rappel circonscrit la qualification et ferme la voie aux confusions avec de simples difficultés relationnelles.
Le raisonnement s’inscrit ensuite dans la logique probatoire instaurée par le code du travail. Le salarié n’a pas à prouver immédiatement le harcèlement, mais seulement à « présenter des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement ». La cour ajoute la suite du mécanisme, selon laquelle « il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement », le juge pouvant « former sa conviction » au besoin après mesures d’instruction. La décision respecte ainsi la méthode en deux temps, dégagée par le texte et consolidée par la jurisprudence sociale.
Au stade de la première étape, la cour adopte une approche concrète et globalisante. Elle retient que les reproches disciplinaires, les convocations, et un message électronique tardif, « ainsi appréhendés dans leur ensemble, (…) laissent supposer l’existence d’un harcèlement moral ». La formule, exacte et nuancée, manifeste une prise en compte cumulative des éléments, sans exiger une preuve achevée, conformément au standard probatoire applicable.
B – L’appréciation des faits au regard du pouvoir de direction
La seconde étape opère un tri décisif entre ce qui relève de l’autorité de l’employeur et ce qui caractérise un harcèlement. La cour relève qu’un rappel à l’ordre non contesté et des critiques liées à des réclamations clients s’inscrivent dans l’exercice normal de la direction, indiquant qu’« aucun abus dans l’exercice de ce pouvoir n’est ici caractérisé ». Le motif précise que « ces faits sont donc totalement étrangers à tout harcèlement moral ». Cette motivation articule utilement la frontière entre contrôle légitime de la prestation et atteinte prohibée à la dignité.
S’agissant du message reçu tardivement, la cour refuse d’en faire un pivot de la qualification, jugeant qu’il « ne peut fonder à lui seul un harcèlement moral, en ce qu’il s’agit d’un agissement unique ». La solution s’aligne sur l’exigence textuelle d’agissements répétés, tout en rappelant que l’isolement d’un fait, même critiquable, ne suffit pas à caractériser le harcèlement.
L’articulation de ces constats aboutit à l’écartement de la qualification. La cour énonce que « la société (…) justifiait par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement », complétant ainsi la seconde étape du mécanisme probatoire. La méthode est cohérente avec le droit positif, qui impose une vérification de proportionnalité et d’objectivation des reproches, afin d’éviter de judiciariser les simples tensions professionnelles.
II – Les effets sur la rupture pour inaptitude
A – La nullité en cas de harcèlement avéré
La cour rappelle le principe gouvernant l’incidence de l’inaptitude imputable au harcèlement. Elle cite que « lorsque la rupture du contrat de travail résulte d’une situation d’inaptitude à tout poste dans l’entreprise, laquelle est la conséquence des conditions de travail du salarié et de la situation de harcèlement moral qu’il a subie, le licenciement est nul ». La règle est classique : l’inaptitude causée par un harcèlement entraîne l’anéantissement de la rupture, au regard de l’atteinte à une liberté ou un droit fondamental.
Toutefois, l’absence de qualification préalable de harcèlement ferme logiquement la voie à la nullité. La cour l’énonce sans détour, relevant que « la cour n’ayant pas retenu l’existence de faits de harcèlement moral, la demande (…) doit être rejetée ». La cohérence interne du syllogisme est nette : faute de fait générateur illicite, la sanction attachée ne peut prospérer, même si l’état de santé a objectivement évolué.
Cette solution s’inscrit dans une jurisprudence constante : la nullité suppose la démonstration d’un lien causal entre des agissements prohibés et l’inaptitude, ce qui exige une qualification préalable incontestable. La décision illustre, en pratique, l’importance d’un dossier médical et factuel solidement articulé à des faits précis, circonstanciés et répétés.
B – L’absence de cause réelle et sérieuse et le manquement préalable
La cour examine subsidiairement l’hypothèse d’un licenciement injustifié par l’effet d’un manquement antérieur de l’employeur. Elle rappelle que « le licenciement pour inaptitude physique est dépourvu de cause réelle et sérieuse lorsqu’il est démontré que l’inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l’employeur qui l’a provoquée ». Cette formule, désormais bien établie, prolonge l’idée que l’employeur ne saurait tirer avantage d’une inaptitude qu’il a fautivement causée.
Or, le dossier ne révèle aucun manquement distinct de ceux déjà écartés au titre du harcèlement. La cour constate qu’« aucun autre manquement n’étant développé » et que « les agissements allégués n’ayant pas été retenus », la demande doit être rejetée. La rigueur probatoire est ici redoublée : le salarié devait identifier et démontrer un manquement préalable immédiat, autre que ceux neutralisés par le contrôle opéré au titre du harcèlement.
La portée pratique est claire. Pour ébranler une rupture pour inaptitude, l’argumentation doit relier finement des carences identifiables de l’employeur à la survenance de l’inaptitude, en dépassant le registre des attestations générales. A défaut, la cause réelle et sérieuse demeure, surtout lorsque l’employeur a documenté une procédure de reclassement et l’impossibilité corrélative.
La décision, en confirmant la solution initiale, réaffirme une grille d’analyse exigeante mais lisible. Elle conjugue la protection contre les agissements répétés et la préservation du pouvoir de direction, en appelant à une preuve circonstanciée. Elle trace enfin une ligne claire sur l’impact de l’inaptitude : sans faute préalable établie, la rupture conserve sa justification et échappe tant à la nullité qu’à la critique de bien-fondé.