Cour d’appel de Aix-en-Provence, le 3 juillet 2025, n°22/00692

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Rendue par la cour d’appel d’Aix-en-Provence, chambre 1-5, le 3 juillet 2025, la décision tranche un contentieux d’ouvrages de soutènement consécutifs à des terrassements en contrebas. Les propriétaires du fonds supérieur ont subi un glissement ayant emporté clôture et végétaux en décembre 2008. Une ordonnance de référé de 2010 a alloué deux provisions, l’une pour reconstruire le mur, l’autre pour des opérations préalables. Au fond, en 2013, la juridiction du premier degré a retenu la responsabilité délictuelle du voisin et la garantie de son assureur pour la reconstruction du mur. En 2015, les demandeurs ont sollicité une indemnisation complémentaire pour des travaux plus étendus. Une expertise judiciaire a été ordonnée en 2017, le rapport a été déposé en 2018. Par jugement de 2021, le tribunal judiciaire les a déboutés. L’appel de 2022 critique cette appréciation, tandis que l’intimé forme des demandes incidentes nouvelles, et que l’assureur invoque divers moyens de non-garantie.

La question posée à la cour porte d’abord sur la recevabilité des prétentions incidentes nouvelles en appel, au regard des articles 954 et 564 du code de procédure civile. Elle porte ensuite sur la possibilité d’obtenir une indemnisation complémentaire malgré une précédente décision, à l’aune de l’autorité de la chose jugée et de la charge de la preuve d’une aggravation ou d’une nécessité technique nouvelle. La cour déclare irrecevables les demandes incidentes nouvelles, écarte la fin de non-recevoir tirée de la chose jugée, puis confirme le rejet des demandes principales faute de preuve suffisante, précisant la nature de la somme allouée en 2010 pour des études géotechniques préalables. Les dépens d’appel sont partagés par moitié, aucune somme n’est allouée au titre de l’article 700.

I. La portée normative de la décision d’appel

A. La stricte délimitation de la saisine en appel

La cour rappelle d’abord le cadre de son office par une référence textuelle claire. Elle énonce que « la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif » conformément à l’article 954, alinéa 3, du code de procédure civile. En présence de prétentions incidentes nouvelles de l’intimé, l’arrêt écarte leur recevabilité. Il retient que « ces demandes nouvelles encourent l’irrecevabilité énoncée par l’article 564 du code de procédure civile », faute d’entrer dans l’une des exceptions légales. La formulation s’inscrit dans une jurisprudence constante sur l’interdiction des prétentions nouvelles, hors compensation, défense à exécution ou fait nouveau, ce qui recentre le débat sur l’objet du litige tel qu’il résulte des écritures d’appel.

Cette mise au point procédurale a un double effet utile. Elle préserve l’égalité des armes en figeant l’objet de l’instance d’appel, et prévient les dérives dilatoires par l’introduction tardive d’actions pécuniaires sans lien direct. Elle réaffirme ainsi la cohérence de la saisine, préalable nécessaire à l’examen des prétentions principales, notamment celles relatives à l’étendue des travaux et à leur financement.

B. L’articulation chose jugée et examen au fond en présence d’un dommage allégué aggravé

Sur le fond, l’arrêt s’adosse au texte civil ancien pour cadrer le débat. Il cite que « l’article 1351 du code civil dans sa version applicable […] énonce que l’autorité de la chose jugée n’a lieu qu’à l’égard de ce qui a fait l’objet du jugement ». La cour précise les conditions d’identité de chose, cause et parties, et rappelle le régime des fins de non-recevoir visées aux articles 122 et 125 du code de procédure civile. Elle opère ensuite une distinction opératoire entre périmètre de la chose jugée et allégation d’un préjudice supplémentaire. L’arrêt affirme que « dès lors qu’il est allégué des préjudices d’une ampleur supérieure, impliquant un examen au fond, le moyen tiré de l’autorité de la chose jugée sera écarté ».

Cette motivation clarifie une méthodologie. La chose jugée ne barre pas, par principe, l’actualisation d’un poste si la partie rapporte des éléments objectifs d’aggravation ou de nécessité technique nouvelle. Elle impose cependant un contrôle serré de la preuve, afin d’éviter une remise en cause indirecte d’évaluations antérieures sans élément distinctif tangible. L’arrêt accepte donc l’examen au fond, puis apprécie la démonstration probatoire avec rigueur.

II. La valeur et la portée de la solution retenue

A. La qualification des sommes antérieures et l’exigence probatoire des travaux complémentaires

Le cœur de la solution réside dans la qualification précise de la provision allouée en 2010 et dans l’insuffisance des éléments versés pour justifier des travaux supplémentaires. La cour tranche sans ambiguïté le sens de la somme allouée pour opérations préalables. Elle considère qu’il ne s’agissait pas d’un financement de travaux sur le fonds voisin, mais d’études géotechniques d’avant-projet permettant techniquement la reconstruction du mur de soutènement. Cette lecture s’appuie sur les documents techniques versés et sur l’économie des décisions antérieures, qui n’avaient pas subordonné la reconstruction du mur à des travaux de stabilisation imposés au fonds inférieur.

Le contrôle probatoire est exprimé dans une formule nette. La cour retient que « les devis produits ne permettent pas de caractériser le bien fondé de la demande d’actualisation des préjudices ». Elle ajoute qu’« il n’est pas formellement démontré que la construction du mur de soutènement […] ne peut effectivement se réaliser ». Enfin, l’arrêt souligne que « la situation est donc strictement identique à celle évaluée en 2009 », ce qui exclut, en l’état, une différence qualitative de nature à emporter réévaluation. La demande de réparation d’un préjudice moral est pareillement rejetée, faute de démonstration articulée dans la discussion. La solution confirme ainsi la nécessité d’un chaînage probatoire robuste, distinct des seules pièces unilatérales, lorsqu’est invoquée une impossibilité technique née ou révélée postérieurement.

B. Les enseignements pratiques: office du juge d’appel, sécurité des évaluations et gestion des frais

La décision offre trois enseignements utiles. D’abord, l’office du juge d’appel est fermement borné par les articles 954 et 564, comme le rappelle le considérant liminaire. Cette rigueur garantit la discipline de l’instance et la prévisibilité des débats. Ensuite, l’appréciation de la chose jugée, combinée à l’ouverture d’un examen au fond en cas d’aggravation alléguée, trace une voie étroite mais praticable. Elle sanctionne l’insuffisance des preuves objectives, surtout lorsque les éléments techniques initiaux n’imposaient pas d’intervention préalable sur le fonds inférieur.

Enfin, la décision illustre une solution d’équité en matière de frais. La cour décide qu’« en équité il convient de faire masse des dépens et de les partager par moitié », tandis que les demandes au titre des frais irrépétibles sont rejetées. L’ajustement des charges de l’instance accompagne la confirmation du rejet au fond, sans pour autant alourdir disproportionnellement l’une des parties. La portée de l’arrêt tient ainsi à une clarification utile: l’allocation antérieure d’études géotechniques n’emporte pas, par elle-même, reconnaissance d’une condition préalable sur le fonds voisin, et l’actualisation des travaux suppose une preuve techniquement objectivée et distincte des évaluations déjà fixées.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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