Cour d’appel de Aix-en-Provence, le 3 juillet 2025, n°24/13087

Par un arrêt du 3 juillet 2025, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence statue sur plusieurs contestations relatives à l’exécution forcée d’une décision devenue définitive. L’affaire oppose un débiteur, condamné en 2022 au paiement d’importantes cotisations et majorations, au créancier social poursuivant le recouvrement.

En 2024, deux saisies-attributions et un commandement de payer aux fins de saisie-vente furent diligentés auprès d’un établissement bancaire, pour des effets limités. Le débiteur a saisi le juge de l’exécution, qui a validé les mesures et rejeté l’ensemble des demandes. Appel a été relevé contre le jugement du 15 octobre 2024.

L’appelante soutenait, d’une part, la nullité du jugement pour avoir outrepassé les prétentions en rappelant l’obligation du tiers saisi. D’autre part, la nullité d’une saisie pour défaut de date sur la copie qui lui a été remise. Elle invoquait encore un abus de saisies fondant une mainlevée et des dommages-intérêts, à titre subsidiaire des délais de paiement.

La question centrale portait sur l’office du juge au regard des articles 4 et 5 du code de procédure civile, l’exigence de grief en cas de vice de forme, l’abus d’exécution au sens de l’article L 121-2 du code des procédures civiles d’exécution, et l’articulation entre effet attributif de la saisie et délai de grâce.

La cour confirme la décision entreprise. Elle rappelle que « L’article 4 du code de procédure civile dispose que l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. » et que « L’article 5 du même code dispose que le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé. » En retenant que la mention litigieuse « vaut simplement rappel de l’obligation du tiers saisi », elle constate l’absence d’ultra petita. Quant au vice de forme allégué, elle vise l’article 114 du code de procédure civile, selon lequel « aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme, si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public. » et rappelle que « La nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour la partie qui l’invoque de prouver le grief… ». L’abus est exclu en présence d’un titre exécutoire notifié, et les délais de paiement sont refusés au regard de l’effet attributif immédiat de la saisie et de l’insuffisance des éléments financiers.

I. L’économie de la décision: office du juge, nullités et contrôle de l’exécution

A. Le rappel de l’obligation du tiers saisi et l’office du juge

Saisie de contestations visant deux saisies-attributions, la juridiction du fond a validé les actes et rappelé la conséquence légale attachée à leur régularité. La cour approuve ce syllogisme en replaçant l’office du juge dans ses bornes. Il lui appartenait de statuer sur la validité des saisies et d’en tirer les effets, sans excéder les prétentions.

La motivation articule précisément les textes directeurs du litige. D’abord, « L’article 4 du code de procédure civile dispose que l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties. » Ensuite, « L’article 5 du même code dispose que le juge doit se prononcer sur tout ce qui est demandé et seulement sur ce qui est demandé. » La cour en déduit que la reprise, au dispositif, d’une obligation légale du tiers saisi « vaut simplement rappel de l’obligation du tiers saisi » et ne caractérise pas un excès de pouvoir juridictionnel. En formulant que « Par conséquent, le jugement déféré a respecté le principe dit du dispositif relatif à l’office du juge », l’arrêt verrouille l’analyse. La solution, pédagogique, confirme que l’indication d’une conséquence directement attachée à la validité d’une saisie-attribution n’altère ni la cause ni l’objet du litige.

B. La nullité pour vice de forme et l’exigence d’un grief avéré

La critique tenant à l’absence de date sur la copie de la saisie remet en jeu la dialectique entre forme substantielle et grief. La cour rappelle la règle matricielle: « Selon les dispositions de l’article 114 du code de procédure civile, aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme, si la nullité n’en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d’inobservation d’une formalité substantielle ou d’ordre public. » Surtout, « La nullité ne peut être prononcée qu’à charge pour la partie qui l’invoque de prouver le grief que lui cause cette irrégularité… ».

La prescription de l’article 648 du même code est également visée: « En application de l’article 648 du code de procédure civile, l’acte de saisie doit, comme tout acte d’huissier, et à peine de nullité, mentionner sa date. » Pour autant, l’arrêt constate, au soutien du rejet, la preuve d’une date par éléments extrinsèques et l’absence de préjudice procédural. D’une part, « La mention de la jonction de la réponse du tiers saisi, fait accompli par l’huissier, fait foi jusqu’à inscription de faux ». D’autre part, « Elle a donc eu connaissance de la date de la saisie et a été en mesure de la contester dans le délai d’un mois devant le juge de l’exécution de [Localité 3]. » La décision illustre une application ferme du binôme texte/grief, évitant une nullité automatique lorsque l’information utile a été effectivement portée à la connaissance du débiteur et que sa défense n’a pas été entravée.

II. Appréciation et portée: encadrement de l’abus, effet attributif et délai de grâce

A. L’abus d’exécution écarté au regard du titre et de la finalité du recouvrement

La cour rappelle la latitude du juge de l’exécution en matière d’abus, sans dévoyer le régime de l’exécution d’un titre définitif. Elle vise l’article L 121-2 du code des procédures civiles d’exécution: « L’article L 121-2 du code des procédures civiles d’exécution dispose que le juge de l’exécution a le pouvoir d’ordonner la mainlevée de toute mesure inutile ou abusive et de condamner le créancier à des dommages et intérêts en cas d’abus de saisie. » L’arrêt retient qu’un titre exécutoire notifié fonde des mesures forcées, même en l’absence de tentative amiable préalable, et que la multiplication d’actes, justifiée par l’insuffisance des premiers effets, ne caractérise pas l’abus.

L’argument tiré d’une prétendue précipitation est neutralisé par le temps écoulé depuis la condamnation et l’absence de règlement spontané. La cour souligne, à bon droit, que l’examen d’un échéancier relève d’un pouvoir discrétionnaire du créancier, sous réserve d’un comportement loyal et d’une instruction sérieuse, ce qui fut le cas. Cette approche proportionnée affine la notion d’ »inutilité » en la rapportant à l’efficacité objective des mesures et au quantum subsistant de la dette.

B. La portée combinée de l’effet attributif et du délai de grâce

Sur les délais, l’arrêt prend soin d’isoler le champ de la grâce judiciaire. Il énonce d’abord le principe matériel attaché à la saisie-attribution: « Selon les dispositions de l’article L 211-2 du code précité, l’acte de saisie emporte, à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie, disponible entre les mains du tiers ainsi que de tous ses accessoires. » Il en déduit, dans une formule claire, que « Ainsi, la saisie attribution produit un effet attributif immédiat de la créance saisie au profit du créancier saisissant et sort du patrimoine du saisi pour intégrer celui du créancier. »

Le périmètre du délai de grâce se trouve ainsi circonscrit au solde non attribué. Le texte de référence est rappelé sans emphase: « Selon les dispositions de l’article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues. » L’arrêt refuse la demande en l’absence d’éléments probants sur la capacité de remboursement et eu égard au temps déjà laissé depuis la condamnation. La solution, classique, a une double portée. Elle confirme que l’effet attributif dessaisit irrévocablement le débiteur des sommes saisies, neutralisant tout rééchelonnement sur la fraction déjà transférée. Elle rappelle aussi que le délai de grâce, mesure d’équité encadrée, suppose un dossier financier circonstancié et crédible, faute de quoi la priorité va aux besoins du créancier.

L’ensemble compose une décision cohérente, qui réaffirme des repères constants de la procédure civile d’exécution et sécurise la chaîne du recouvrement. Le raisonnement, appuyé sur des textes explicites et des indices de grief concrets, fixe utilement les conditions d’accueil des moyens de nullité, la mesure de l’abus et la rigueur d’accès aux délais de paiement.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture