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Un arrêt rendu par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence le 4 juillet 2025 illustre les exigences procédurales relatives à la déclaration d’appel. Cette décision avant dire droit soulève une difficulté quant à la régularité de la saisine de la juridiction du second degré.
Un salarié a été mis à disposition d’une société utilisatrice par une entreprise de travail temporaire selon différents contrats de mission conclus entre décembre 2016 et décembre 2019. Contestant l’exécution et la fin de ces contrats, il a saisi le conseil de prud’hommes aux fins de requalification en contrat à durée indéterminée et d’indemnisation de la rupture. Par jugement du 13 septembre 2021, la juridiction prud’homale a partiellement fait droit à ses demandes en requalifiant les contrats conclus à compter du 8 octobre 2018 et en condamnant l’employeur au paiement de diverses sommes.
Le salarié a interjeté appel le 5 octobre 2021 « aux fins de réformation limité aux chefs de jugement expressément critiqués consistant dans le rejet des demandes suivantes », puis a énuméré les prétentions qu’il avait formulées devant le premier juge. L’employeur a constitué avocat et conclu au fond sans soulever l’irrégularité de la déclaration d’appel.
La question posée à la cour était de déterminer si l’effet dévolutif de l’appel avait opéré lorsque la déclaration d’appel énumère les demandes présentées en première instance au lieu d’identifier les chefs du dispositif du jugement critiqués.
La Cour d’appel d’Aix-en-Provence a relevé d’office l’irrégularité de la déclaration d’appel. Elle a jugé que « lorsque la déclaration d’appel se borne à solliciter la réformation et/ou l’annulation de la décision sur les chefs qu’elle énumère et que l’énumération ne comporte que l’énoncé des demandes formulées devant le premier juge, la cour d’appel n’est saisie d’aucun chef du dispositif du jugement, l’effet dévolutif n’ayant pas opéré ». Elle a ordonné la réouverture des débats pour recueillir les observations des parties.
Cette décision met en lumière les conditions strictes de la dévolution en appel (I) et révèle le pouvoir du juge de soulever d’office l’absence d’effet dévolutif (II).
I. Les conditions strictes de la dévolution en appel
La cour rappelle les exigences textuelles de la déclaration d’appel (A), puis applique la jurisprudence de la Cour de cassation relative à l’énumération des demandes (B).
A. Les exigences textuelles de la déclaration d’appel
L’article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret du 6 mai 2017, dispose que « l’appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent ». La dévolution ne s’opère pour le tout que lorsque l’appel tend à l’annulation du jugement ou si l’objet du litige est indivisible.
La cour souligne que « seul l’acte d’appel opère la dévolution des chefs critiqués du jugement ». Cette affirmation rappelle le caractère exclusif de la déclaration d’appel dans la détermination de la saisine de la juridiction du second degré. Les conclusions ultérieures de l’appelant ne sauraient pallier une déclaration d’appel insuffisante.
L’exigence d’une mention expresse des chefs de jugement critiqués répond à un objectif de sécurité juridique. La cour relève que « ces règles encadrant les conditions d’exercice du droit d’appel dans les procédures dans lesquelles l’appelant est représenté par un professionnel du droit, sont dépourvues d’ambiguïté et concourent à une bonne administration de la justice ». Le formalisme procédural trouve sa justification dans la prévisibilité des litiges et la protection des droits des parties.
B. L’application de la jurisprudence relative à l’énumération des demandes
La cour se fonde expressément sur un arrêt de la deuxième chambre civile de la Cour de cassation du 2 juillet 2020. Cette décision, publiée au bulletin, a posé le principe selon lequel la simple énumération des demandes formulées devant le premier juge ne satisfait pas aux exigences de l’article 562.
En l’espèce, la déclaration d’appel mentionnait la « réformation limité aux chefs de jugement expressément critiqués consistant dans le rejet des demandes suivantes ». Suivait une liste de prétentions financières. Cette formulation confondait les demandes présentées au premier juge avec les chefs du dispositif du jugement entrepris.
La distinction entre demandes et chefs de jugement revêt une importance capitale. Les demandes correspondent aux prétentions des parties. Les chefs de jugement constituent les différentes rubriques du dispositif de la décision statuant sur ces prétentions. Une déclaration d’appel correctement rédigée aurait dû viser les dispositions du jugement déboutant le salarié de certaines demandes ou limitant les montants alloués.
II. Le pouvoir du juge de soulever d’office l’absence d’effet dévolutif
La cour affirme son obligation de vérifier sa saisine (A) et aménage le principe du contradictoire par la réouverture des débats (B).
A. L’obligation de vérifier la régularité de la saisine
La cour énonce en liminaire qu’« il appartient au juge saisi du litige de vérifier d’office la régularité et l’étendue de sa saisine ». Cette affirmation traduit le caractère d’ordre public des règles relatives à l’effet dévolutif de l’appel.
L’absence d’effet dévolutif constitue une fin de non-recevoir que le juge doit relever d’office. Elle se distingue de la nullité de la déclaration d’appel pour vice de forme, laquelle doit être soulevée par l’intimé. La cour précise que l’effet dévolutif n’opère pas « quand bien même la nullité de la déclaration d’appel n’aurait pas été sollicitée par l’intimé ».
Cette solution préserve l’équilibre entre les droits des parties. L’intimé n’est pas contraint d’exciper de l’irrégularité de la déclaration d’appel. Le juge dispose du pouvoir de constater l’absence de dévolution indépendamment de toute exception soulevée par les parties. La sécurité juridique de la procédure d’appel s’en trouve renforcée.
B. L’aménagement du contradictoire par la réouverture des débats
La cour aurait pu constater immédiatement l’absence d’effet dévolutif et se déclarer non saisie. Elle a préféré rouvrir les débats pour inviter les parties à présenter leurs observations. Cette décision témoigne du souci de respecter le principe du contradictoire lorsque le juge relève d’office un moyen.
L’article 16 du code de procédure civile impose au juge de provoquer les explications des parties sur les moyens de droit qu’il entend soulever d’office. La réouverture des débats permet au salarié appelant de faire valoir d’éventuels arguments quant à la régularité de sa déclaration d’appel ou à l’interprétation qu’il convient de lui donner.
Cette démarche prudente de la cour n’augure pas nécessairement d’une issue favorable à l’appelant. La jurisprudence de la Cour de cassation apparaît fermement établie. L’appelant pourrait toutefois invoquer le caractère divisible ou indivisible de l’objet du litige, ou encore la possibilité d’une régularisation par déclaration d’appel rectificative dans le délai d’appel. La portée de cet arrêt avant dire droit demeure suspendue à la décision définitive que la cour rendra après avoir recueilli les observations des parties.