Cour d’appel de Aix-en-Provence, le 4 juillet 2025, n°23/12774

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Par un arrêt du 4 juillet 2025, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence a statué sur l’appel interjeté contre un jugement rendu par le tribunal judiciaire de Toulon, pôle social, le 11 septembre 2023. Le litige naît d’une opposition à contrainte relative à des cotisations sociales dues pour l’année 2020, d’un montant total de 4 252,53 euros. L’opposition formée par l’intéressé a été déclarée irrecevable en première instance, avec condamnation au paiement d’une somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

La procédure d’appel a été engagée par courrier recommandé du 11 octobre 2023. À l’audience du 28 mai 2025, l’appelant, régulièrement avisé, n’a pas comparu ni été représenté. L’organisme de recouvrement, dispensé de comparaître, a sollicité l’irrecevabilité de l’appel à titre principal, la confirmation du jugement à titre subsidiaire, et la validation de la contrainte à titre très subsidiaire, outre condamnation aux frais de recouvrement. Le débat se concentre alors sur la recevabilité du recours au regard du taux du ressort applicable aux actions personnelles et mobilières. En effet, la question posée tient à la qualification en dernier ressort du jugement, compte tenu d’un montant du litige inférieur au seuil légal de 5 000 euros, et à ses conséquences sur l’ouverture de la voie de l’appel. La cour retient que « le montant du litige étant inférieur au taux de compétence en dernier ressort, le jugement a été correctement qualifié en dernier ressort », en sorte que « l’appel de ce jugement (…) est effectivement irrecevable », la notification de l’arrêt faisant courir « à nouveau le délai prévu pour l’exercice du recours approprié » (CPC, art. 536, al. 2).

I) Le sens de la solution retenue par la cour

A) L’articulation des textes sur le taux du ressort et la fin de non-recevoir

La cour ancre son raisonnement dans un double cadre textuel, qui commande la qualification du jugement et la sanction procédurale qui en découle. Elle rappelle d’abord, s’agissant des fins de non-recevoir, que « constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée ». Cette citation, reprise de l’article 122 du code de procédure civile, fonde la logique d’éviction du débat au fond lorsque la voie de recours est légalement fermée.

Elle précise ensuite la règle de compétence en dernier ressort en ces termes: « Lorsque le tribunal judiciaire est appelé à connaître, en matière civile, d’une action personnelle ou mobilière portant sur une demande dont le montant est inférieur ou égal à la somme de 5 000 euros, il statue en dernier ressort » (COJ, art. R.211-3-24). La méthode d’appréciation est donnée sans ambiguïté: « Le taux du ressort doit être apprécié d’après la demande telle qu’elle résulte des dernières conclusions. » La cour mobilise enfin l’article 39 du code de procédure civile, qu’elle cite expressément, pour préciser que, « sous réserve des dispositions de l’article 35, le jugement n’est pas susceptible d’appel lorsque aucune des demandes incidentes n’est supérieure au taux du dernier ressort », avec l’exception tenant à la demande reconventionnelle en dommages-intérêts exclusivement fondée sur la demande initiale, qui ne modifie pas la qualification en dernier ressort.

B) L’application au litige et la qualification en dernier ressort

L’espèce vérifie point par point les conditions du texte. La demande principale de validation de contrainte porte sur 4 252,53 euros, somme inférieure au seuil de 5 000 euros. La nature de l’action est personnelle et mobilière, ce qui appelle l’application du taux du ressort prévu par le code de l’organisation judiciaire. La cour se fonde sur les « énonciations du jugement » pour retenir que l’organisme de recouvrement sollicitait la validation « pour un montant total de 4 252,53 euros ». Aucune demande incidente supérieure au seuil n’étant formulée dans les dernières conclusions, l’article 39 du code de procédure civile fait obstacle à l’appel.

La conséquence s’impose alors, sur le terrain des fins de non-recevoir: la cour constate que « l’appel de ce jugement (…) est effectivement irrecevable », dès lors que le premier juge a statué en dernier ressort. Elle ajoute une précision utile de procédure: « Par application de l’article 536 alinéa 2 du code de procédure civile la notification du présent arrêt (…) fait courir à nouveau le délai prévu pour l’exercice du recours approprié. » La voie de droit demeure ainsi ouverte, mais elle n’est pas l’appel.

II) La valeur de la solution et sa portée pratique

A) Une motivation cohérente et conforme au droit positif

La motivation est brève, précise, et se tient à une stricte lecture des textes. La cour ne s’attarde pas sur le bien-fondé du jugement, lequel avait déclaré l’opposition irrecevable pour défaut de motivation. Elle circonscrit le contrôle au seul objet du recours: la recevabilité de l’appel. Cette sobriété méthodologique, dictée par la nature de la fin de non-recevoir, garantit la sécurité juridique sur un contentieux récurrent, où les montants en jeu se situent souvent sous le seuil du dernier ressort.

La référence combinée aux articles R.211-3-24 du code de l’organisation judiciaire et 39 du code de procédure civile est conforme à la jurisprudence constante. Le rappel selon lequel « le taux du ressort doit être apprécié d’après la demande telle qu’elle résulte des dernières conclusions » verrouille le quantum pertinent et ferme la voie aux recompositions opportunistes en appel. L’exception relative à la demande reconventionnelle en dommages-intérêts, citée dans les mêmes termes que le texte, est justement cantonnée et ne trouve pas à s’appliquer en l’espèce.

B) Des conséquences opérationnelles pour le contentieux des contraintes sociales

La solution présente une portée pratique notable pour les oppositions à contrainte en matière sociale. Lorsque le principal, augmenté des accessoires invoqués, demeure sous 5 000 euros dans les dernières conclusions, la décision du pôle social est rendue en dernier ressort. La voie de l’appel est alors fermée, et seul le « recours approprié » visé par l’article 536, alinéa 2, peut être exercé dans le nouveau délai courant à compter de la notification de l’arrêt.

L’économie du dispositif de l’article 39 du code de procédure civile commande une vigilance stratégique. Les demandes incidentes ne peuvent ouvrir l’appel qu’à condition d’excéder le seuil, hors l’hypothèse, expressément visée par le texte, d’une demande reconventionnelle en dommages-intérêts exclusivement fondée sur la demande initiale, qui laisse le dernier ressort inchangé. En pratique, la charge de structuration des prétentions pèse sur les parties dans leurs dernières écritures, la cour retenant littéralement que « le taux du ressort doit être apprécié d’après la demande telle qu’elle résulte des dernières conclusions ». Cette rigueur consolide la lisibilité des voies de recours dans un contentieux technique et volumineux.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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