Cour d’appel de Aix-en-Provence, le 4 septembre 2025, n°21/01322

Par un arrêt de la Cour d’appel d’Aix‑en‑Provence du 4 septembre 2025 (ch. 4‑3), la juridiction confirme le jugement prud’homal. Le licenciement économique est déclaré sans cause réelle et sérieuse, car consécutif à une fermeture partielle du service.

La salariée, engagée en 1979 comme manipulatrice non diplômée, était affectée exclusivement à la sénologie au sein de l’établissement. Le praticien libéral rattaché à l’activité cesse son exercice fin 2017, aucun successeur n’étant identifié malgré un investissement envisagé.

L’employeur envisage la fermeture du service et propose trois postes administratifs de reclassement le 22 décembre 2017, refusés le 4 janvier 2018. Un licenciement économique est notifié le 8 février 2018, après convocation et entretien préalable régulièrement organisés.

Conseil de prud’hommes de Marseille, 14 janvier 2021 : licenciement sans cause réelle et sérieuse, dommages‑intérêts, intérêts au taux légal et dépens. L’employeur interjette appel le 28 janvier 2021, contestant la cause, subsidiairement le quantum, la salariée sollicitant confirmation et indemnité procédurale.

La question est de savoir si la fermeture d’un service autonome, faute de praticien, peut constituer un motif économique sans difficultés établies ni réorganisation nécessaire. L’enjeu réside dans l’articulation du texte avec des contraintes externes et des choix de gestion propres à l’entreprise.

La cour adopte une solution de principe en ces termes : « La fermeture d’un service même autonome, ne constitue pas, en soi, un motif économique ». Elle précise encore : « Seule une cessation complète de l’activité de l’employeur peut constituer en elle‑même une cause économique ».

La décision ajoute que « Une cessation partielle de l’activité de l’entreprise, ne justifie un licenciement économique qu’en cas de difficultés économiques, de mutation technologique ou de réorganisation de l’entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité » (Soc 4 octobre 2023 n°22-18046). Faute d’éléments probants contemporains et objectivés, l’examen du reclassement devient inutile, et la confirmation s’impose en toute logique.

I. La qualification du motif économique recentrée autour des critères légaux

A. L’exclusion de la fermeture d’un service comme cause autonome

L’arrêt se place dans le cadre de l’article L. 1233‑3 du code du travail, qui définit des causes précises et vérifiables. Il refuse d’ajouter un motif autonome tiré de la simple indisponibilité d’un intervenant extérieur, en l’absence de toute difficulté caractérisée.

D’où la portée des attendus précités : « la fermeture d’un service même autonome (…) ne constitue pas (…) un motif économique ». La motivation reprend « seule une cessation complète (…) peut constituer (…) une cause économique », fidèle à la doctrine de 2023.

B. Preuve, périmètre d’appréciation et corollaires procéduraux

Le cadre probatoire est ensuite clairement posé : « La charge de la preuve pèse sur l’employeur ». La cour énonce encore que « La réorganisation de l’entreprise voulue pour améliorer la gestion ne justifie un licenciement pour motif économique que si elle lui est nécessaire pour sauvegarder sa compétitivité ». Ce dernier doit établir des indices économiques ou une réorganisation indispensable à la sauvegarde de la compétitivité, au moment de la rupture.

Appliquant la norme, la formation retient que « l’employeur ne justifie ni même n’allègue l’existence de difficultés économiques ou la nécessité de réorganiser l’entreprise ». Elle constate encore que « les parties s’accordent d’ailleurs sur la rentabilité d’un service de sénologie », révélatrice d’une absence d’urgence concurrentielle.

La cause économique faisant défaut, le contrôle du reclassement n’a pas à être conduit, ce dernier opérant seulement en présence d’un motif valable. L’arrêt concentre l’analyse sur l’élément générateur de la rupture, rejetant un débat sans incidence utile immédiate.

II. Valeur et portée de la solution retenue

A. Cohérence jurisprudentielle et discipline des choix de gestion

Elle présente une cohérence étroite avec la jurisprudence récente de la chambre sociale et confirme une grille d’analyse exigeante. Elle consolide la distinction entre contraintes externes et véritables difficultés économiques appréciées au niveau pertinent de l’entreprise ou du secteur.

La motivation relève que « le recrutement des praticiens ainsi que la mise en oeuvre de l’environnement technique s’intégrant pleinement dans des choix de gestion de l’entreprise ». L’arrêt encadre la tentation d’objectiver des aléas opérationnels et fixe une limite nette aux justifications de convenance.

B. Conséquences pratiques pour les organisations recourant à des services autonomes

La portée pratique concerne les organisations fonctionnant par services autonomes et intervenants libéraux dans des activités techniques spécialisées. La seule impossibilité de remplacement, même persistante, ne caractérise pas une difficulté économique sans indices chiffrés ou réorganisation préservant effectivement la compétitivité.

L’arrêt incite à une gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, et à une traçabilité des indicateurs économiques pertinents. À défaut, la suppression d’emploi consécutive à une fermeture partielle demeure dépourvue de cause réelle et sérieuse.

Sur la réparation, la solution retient une indemnité significative conforme au barème et à l’ancienneté exceptionnelle. Elle ordonne le remboursement de trois mois d’allocations à l’organisme compétent, en application de l’article L. 1235‑4 du code du travail.

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Hassan KOHEN
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