Cour d’appel de Aix-en-Provence, le 5 septembre 2025, n°21/04679

La Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 5 septembre 2025, statue sur la validité d’un licenciement motivé par la désorganisation de l’entreprise. Une salariée, engagée en 2015 et accidentée en 2017, est de nouveau absente pour maladie à compter du 27 décembre 2018. L’employeur rompt le contrat par lettre du 4 juillet 2019, invoquant la nécessité d’un remplacement définitif au regard des contraintes d’activité. La salariée demande la nullité en raison de la suspension issue de l’accident du travail et invoque une irrégularité de convocation à l’entretien préalable. Le Conseil de prud’hommes de Toulon, 5 mars 2021, juge la rupture valable et rejette les demandes indemnitaires. Devant la cour, l’appelante sollicite des dommages pour licenciement nul et, subsidiairement, pour irrégularité, outre préavis et congés afférents. La cour confirme pour l’essentiel, écarte la nullité, retient la cause réelle et sérieuse et déboute de l’irrégularité. Elle énonce notamment: « Dès lors, elle ne saurait se prévaloir de la suspension du contrat pour accident de travail au temps du licenciement, c’est-à-dire plus de deux ans après sa reprise effective. » La question posée réside dans l’articulation entre suspension consécutive à l’accident et reprise, puis dans l’exigence probatoire de la désorganisation. Se greffe l’appréciation du grief procédural tiré de la convocation et la détermination des conséquences pécuniaires liées aux frais irrépétibles.

I. Le sens de la solution retenue

A. Suspension du contrat et visite de reprise

La cour rattache la demande de nullité au régime protecteur consécutif à l’accident du travail, qui suppose la persistance de la suspension jusqu’à la visite de reprise. Elle constate un rendez-vous de reprise fixé le 10 janvier 2019 et non honoré, révélant l’initiative de l’employeur et l’inertie de la salariée. Elle précise: « Dès lors, elle ne saurait se prévaloir de la suspension du contrat pour accident de travail au temps du licenciement, c’est-à-dire plus de deux ans après sa reprise effective. » La référence à une « reprise effective » situe la fin de la protection spécifique née de l’accident de 2017, distincte de l’arrêt maladie ultérieur.

Cette motivation clarifie le périmètre temporel de la nullité: l’absence de visite postérieure à l’accident ne fige pas indéfiniment la suspension si une reprise est intervenue. Le licenciement n’avait donc pas à être justifié par une faute grave ou une impossibilité de maintenir le contrat au titre de l’accident. La sanction de nullité est écartée sur un fondement strictement temporel, centré sur la succession des arrêts et l’effectivité de la reprise. La solution privilégie une lecture concrète des faits, fidèle à la finalité de la visite de reprise, instrument d’appréciation médicale et non condition pérenne d’inaliénabilité du contrat.

B. Désorganisation de l’entreprise et remplacement définitif

La cour admet la cause réelle et sérieuse tirée des perturbations engendrées par l’absence prolongée, objectivée par un recrutement en contrat à durée indéterminée. Elle souligne le contexte sectoriel, marqué par des contraintes d’intervention continue et un marché de l’emploi tendu. Elle affirme: « La salariée ne conteste pas la désorganisation causée par son absence laquelle apparaît suffisamment établie par les conditions d’exercice spécifiques de l’entreprise ainsi que par les difficultés de recrutement dans le secteur de l’aide à la personne et dès lors le licenciement se trouve bien fondé sur une cause réelle et sérieuse. » L’exigence probatoire de la désorganisation et du remplacement définitif se trouve satisfaite.

La solution se situe dans la lignée de la jurisprudence exigeant la démonstration d’une désorganisation objective, en lien avec l’activité et la nécessité d’un remplacement pérenne. La motivation mobilise des éléments concrets et actuels, sans se limiter à des affirmations générales. La prise en compte des difficultés de recrutement renforce l’analyse de la proportionnalité de la mesure au regard des impératifs opérationnels. Le contrôle opéré par la cour apparaît mesuré et repose sur des éléments vérifiables, qui ancrent la cause réelle et sérieuse dans la réalité économique et organisationnelle.

II. La valeur et les incidences de la décision

A. Irrégularité de la convocation et preuve du grief

La salariée invoquait l’omission de l’adresse de la mairie pour l’obtention de la liste des conseillers du salarié, en sollicitant une indemnité forfaitaire d’un mois. La cour retient, à l’appui du rejet, l’effectivité de l’assistance et le recours préalable à un conseil. Elle relève: « Il sera relevé que la salariée était déjà assistée d’un avocat depuis l’année 2018 lequel avait écrit à l’employeur à plusieurs reprises […] » avant de conclure: « En conséquence, la salariée sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement. » L’irré gularité alléguée ne génère pas, en l’espèce, de préjudice démontré.

Cette approche s’inscrit dans un courant exigeant la preuve d’un grief distinct, même en présence d’une lacune formelle. L’assistance effective lors de l’entretien neutralise l’argument tiré de la convocation, faute d’atteinte concrète aux droits de la défense. La décision rappelle que l’indemnisation des irrégularités procédurales n’est pas automatique, mais subordonnée à l’atteinte prouvée aux intérêts de l’intéressée. La cohérence de l’ensemble se mesure à la convergence entre effectivité des garanties et mesure de la réparation demandée.

B. Abus d’action et allocation des frais irrépétibles

La cour écarte toute dérive procédurale et refuse de sanctionner l’appel comme téméraire. Elle juge sans ambages: « Il n’apparaît pas que la salariée ait laissé sa liberté d’ester en justice et d’appeler dégénérer en abus. » L’action exercée demeure légitime, en dépit de son issue défavorable. Parallèlement, la cour règle les conséquences financières accessoires. Elle décide: « Il convient d’allouer à l’employeur la somme de 2’000’€ au titre des frais irrépétibles d’appel par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. »

L’ensemble opère une distinction nette entre l’absence d’abus et la répartition des frais non compris dans les dépens, appréciée in concreto. L’allocation au profit de l’employeur traduit la charge de la défense nécessaire face à des prétentions rejetées au fond. La solution incite à des écritures resserrées et à une preuve ciblée des irrégularités alléguées, sans restreindre l’accès au juge. L’équilibre recherché se manifeste par une modération de la répression de l’initiative contentieuse et une rigueur quant à la prise en charge des coûts de l’instance.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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