- Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre) LinkedIn
- Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Facebook
- Cliquez pour partager sur WhatsApp(ouvre dans une nouvelle fenêtre) WhatsApp
- Cliquez pour partager sur Telegram(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Telegram
- Cliquez pour partager sur Threads(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Threads
- Cliquer pour partager sur X(ouvre dans une nouvelle fenêtre) X
- Cliquer pour imprimer(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Imprimer
Par un arrêt du 5 septembre 2025 (Cour d’appel d’Aix‑en‑Provence, chambre 4‑6), la juridiction statue sur un ensemble de griefs articulés autour de la durée du travail, d’une sanction disciplinaire et d’allégations de harcèlement moral. Engagée en contrat à durée déterminée puis en contrat à durée indéterminée, la salariée a été placée en arrêt de travail fin août 2018, avant de recevoir un avertissement pour absence prétendument injustifiée au lendemain de l’échéance de son premier arrêt. Elle a ultérieurement pris acte de la rupture en invoquant notamment des heures supplémentaires non payées, l’absence de repos hebdomadaire, des retards de paie et des propos dégradants.
Le conseil de prud’hommes a annulé la sanction, admis l’existence d’heures supplémentaires et retenu le harcèlement moral, en tirant de ces manquements les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. L’employeur a interjeté appel en soutenant que la prise d’acte devait être analysée en démission, tandis que la salariée a sollicité la confirmation, l’augmentation de certains chefs et l’indemnisation de son préjudice. La question posée à la cour portait sur l’imputabilité des manquements invoqués, le régime de preuve applicable au temps de travail et au harcèlement, ainsi que sur les effets de la prise d’acte.
La Cour confirme l’annulation de l’avertissement, retient l’existence d’heures supplémentaires sur la base d’éléments suffisamment précis et constate le harcèlement moral, en jugeant que « Si un doute subsiste, il profite au salarié ». Elle rappelle surtout qu’« il résulte des dispositions des articles 3, 5 et 6 de la directive 2003/88/CE […] qu’incombe à l’employeur l’obligation de mettre en place un système objectif, fiable et accessible permettant de mesurer la durée du temps de travail journalier effectué par chaque travailleur ». Elle en déduit que la prise d’acte « produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ».
I. Le sens de la décision
A. L’annulation de la sanction et le bénéfice du doute
La Cour relève que la salariée avait adressé l’arrêt initial dans les délais et expédié la prolongation dès le lendemain de son établissement, alors que l’employeur disposait du nouveau justificatif dans le délai conventionnel. Dans ces conditions, réagir la veille de l’expiration du délai de quarante‑huit heures excédait la rigueur permise par les textes. La motivation retient une application nette du principe probatoire selon lequel « Si un doute subsiste, il profite au salarié ». L’énoncé commande l’annulation de la mesure, la Cour ajoutant, dans une formule sobre et proportionnée, « Aussi convient‑il d’annuler l’avertissement en cause ».
La portée immédiate de cette censure tient à la rigueur attendue dans la gestion des absences médicalement justifiées. Le contrôle juridictionnel n’admet pas une lecture formaliste des obligations d’information lorsque les transmissions s’inscrivent dans les délais légaux et conventionnels. La décision rappelle ainsi que l’appréciation de la faute disciplinaire reste subordonnée à la chronologie exacte et à la loyauté des échanges, l’incertitude factuelle bénéficiant au salarié.
B. La preuve des heures supplémentaires et l’obligation de décompte
S’agissant de la durée du travail, la Cour applique le schéma probatoire de l’article L. 3171‑4 en exigeant du salarié des éléments « suffisamment précis », puis en vérifiant la réponse utile de l’employeur. Elle reproduit la règle en ces termes: « Il résulte des dispositions de l’article L. 3171‑4 du code du travail qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis ». Les relevés manuscrits jour par jour, corroborés par les variations d’horaires alléguées, ont suffi à déplacer la charge.
La Cour franchit un pas significatif en rappelant, dans le droit fil du droit de l’Union, qu’« il résulte des dispositions des articles 3, 5 et 6 de la directive 2003/88/CE […] qu’incombe à l’employeur l’obligation de mettre en place un système objectif, fiable et accessible ». L’absence de dispositif de mesure du temps prive l’employeur de contestations opérantes et justifie, au vu des pièces versées, l’allocation d’un rappel d’heures et des congés afférents. Le raisonnement, conforme à la jurisprudence sociale, valorise la traçabilité effective plutôt que des énoncés généraux sur des plannings supposés.
II. Portée et appréciation
A. La méthode probatoire du harcèlement moral et son contrôle
La Cour rappelle avec précision la grille d’examen: « il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits ». Elle articule ensuite le renversement de la charge en indiquant qu’« il appartient dès lors à l’employeur de prouver que ses agissements sont justifiés par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement ». Les attestations, la documentation médicale et les constats déjà opérés sur les manquements organisationnels composent un faisceau suffisant.
La motivation franchit le seuil probatoire en ces termes décisifs: « il y a lieu de retenir que la salariée a été victime de faits de harcèlement moral ». L’employeur, dépourvu d’éléments objectifs, ne renverse pas la présomption. La solution s’inscrit dans le droit positif issu de la réforme probatoire et confirme l’exigence de réponses circonstanciées, étayées par des pièces contemporaines, face à des griefs répétés affectant la dignité et la santé.
B. La prise d’acte, la gravité des manquements et leurs effets
La Cour rattache la prise d’acte à l’impossibilité de poursuivre le contrat, au regard de manquements cumulatifs: sanction infondée, heures non payées, absence de repos et dégradation des conditions de travail. Elle énonce expressément que « cette prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse », faute d’invocation d’une nullité. L’énoncé répond à la finalité de l’institution: sanctionner des inexécutions suffisamment graves pour rompre la confiance contractuelle.
L’évaluation du préjudice s’aligne sur les paramètres légaux d’indemnisation, en tenant compte de l’ancienneté, de l’âge et des difficultés de reclassement. La décision conforte, de manière pragmatique, l’articulation entre contentieux du temps de travail, obligation de prévention et rupture aux torts de l’employeur. Elle invite les entreprises à se doter d’un système de suivi fiable et à traiter sans délai les alertes internes, faute de quoi le risque contentieux, disciplinaire et indemnitaire demeure élevé.