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Par un arrêt du 5 septembre 2025 (ch. 4-6), la cour d’appel d’Aix‑en‑Provence tranche un contentieux prud’homal portant à la fois sur le décompte du temps de travail et la validité de contrats à durée déterminée. Un salarié, engagé comme chauffeur de balayeuse par contrats successifs à durée déterminée, revendiquait la requalification en contrat à durée indéterminée, divers rappels d’heures supplémentaires, des contreparties en repos, des dommages pour non‑respect des durées maximales et pour manquement à l’obligation de sécurité, ainsi que les indemnités consécutives à la rupture. Le conseil de prud’hommes de Toulon avait rejeté l’essentiel des demandes. En appel, l’employeur soutenait la régularité des contrats et l’exacte rémunération des heures, le salarié sollicitant l’infirmation. La cour précise la charge probatoire en matière d’heures, l’assiette du temps de travail effectif, le régime du repos compensateur et des durées maximales, puis contrôle le motif de recours au contrat à durée déterminée et en tire les effets sur la rupture.
I. Preuve et rémunération du temps de travail
A. L’exigence d’éléments suffisamment précis et le rejet des rappels d’heures
La cour s’aligne sur la méthode probatoire issue du code du travail et rappelée par la jurisprudence sociale. Elle cite que « Il résulte des dispositions de l’article L. 3171-4 du code du travail qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis […] afin de permettre à l’employeur […] d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments […] ». Le salarié produit des relevés détaillés par intervention, que la cour juge suffisamment précis. Elle relève ensuite, au fond, que les bulletins mentionnent la majoration légale applicable et que certaines sommes, qualifiées de primes, rémunèrent en réalité des heures de nuit et des heures supplémentaires selon un forfait favorable.
L’arrêt précise en effet que « La cour retient qu’il ressort de la lecture des bulletins de paie que la majoration de 25 % a bien été appliquée […] », puis que la rémunération forfaitaire de nuit excède l’assiette due au titre des heures supplémentaires effectivement réalisées. Il écarte les temps de trajet domicile‑chantier et chantier‑domicile, qui ne constituent pas du travail effectif dans l’espèce. L’issue s’ensuit logiquement: « Il sera ainsi débouté de ses demandes de rappel d’heures supplémentaires et de congés payés y afférents ». La solution illustre une application exigeante mais équilibrée du standard probatoire, et confirme que la qualification des rubriques de paie importe moins que la réalité de la contrepartie horaire. Elle appelle toutefois une vigilance accrue sur la lisibilité des bulletins, afin d’éviter que des « primes » ne masquent des composantes structurelles du salaire.
B. Repos compensateur, durées maximales et obligation de sécurité
S’agissant du repos compensateur, la cour rappelle la règle de preuve, en ces termes: « En cas de litige, la charge de la preuve de la prise du repos compensateur de remplacement pendant l’exécution du contrat de travail appartient à l’employeur ». Les bulletins retracent des droits individualisés à repos, mais la juridiction constate l’absence de preuve de leur prise effective: « Par contre, l’employeur ne rapporte pas la preuve que le salarié a effectivement pris ces repos compensateurs ». Il en résulte l’allocation d’un rappel au titre de la contrepartie en repos calculée à 46,03 heures.
La même logique gouverne le contrôle des durées maximales et des repos quotidiens. L’arrêt énonce que « La preuve du respect des seuils et des plafonds en matière de durée maximale du travail et des temps de repos incombe uniquement à l’employeur, celui‑ci étant tenu d’une obligation de sécurité […] », et rappelle que « La durée du travail effectif ne peut dépasser 48 heures par semaine et 44 heures sur une période de 12 semaines consécutives ». La cour retient, sur pièces et montants versés, que « En l’espèce l’employeur ne justifie pas du respect de la durée hebdomadaire maximale de travail ni du temps de repos entre deux jours de travail ». Elle indemnise distinctement l’atteinte aux durées maximales et le manquement à l’obligation de sécurité, en lien avec l’absence de mesures adaptées, conformément à l’article L. 4121‑1. Ce double chef conforte l’autonomie des régimes: l’un répare la violation objective des plafonds, l’autre la carence dans la prévention et l’écoute des alertes, révélée par les échanges produits.
II. Régularité du recours au CDD et effets de la requalification
A. Contrôle du motif d’accroissement temporaire et charge probatoire
Sur la validité du contrat à durée déterminée, la cour rappelle le cadre légal et la jurisprudence classique. Elle vise que « Au terme de l’article L. 1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée […] ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise », et souligne la clé probatoire: « En cas de litige sur le motif du recours, il incombe à l’employeur de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat à durée déterminée ». En l’espèce, les seules allégations d’un surcroît temporaire non étayé par pièces conduisent à la requalification. La cour statue nettement: « Dès lors, le contrat de travail à durée déterminée ainsi que ses deux avenants de prolongation seront requalifiés en contrat de travail à durée indéterminée ».
Cette solution est classique et pédagogique. Elle rappelle qu’un motif d’accroissement, même non exceptionnel, doit être réel et objectivé, a fortiori lorsque des avenants prolongent la relation et la rapprochent d’un besoin durable. La portée pratique est forte pour les secteurs de chantier: l’employeur doit documenter la fluctuation d’activité et l’affectation du salarié, sans quoi la sanction de requalification s’impose.
B. Conséquences de la requalification sur la rupture et les indemnités
La requalification déclenche, d’abord, l’indemnité spécifique. L’arrêt décide que « Il convient en conséquence d’accorder au salarié une indemnité de requalification d’un montant de 5 337 € nets ». Ensuite, la rupture au terme s’analyse comme un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, faute de motif notifié et de procédure adaptée. La cour l’énonce précisément: « Dès lors la survenue du terme du contrat simplement actée par l’employeur comme fin d’engagement à durée déterminée produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ». En cascade, les conséquences de droit commun sont tirées: préavis, congés afférents et indemnité de licenciement au barème conventionnel. La motivation est explicite: « Il convient dès lors d’allouer au salarié une indemnité compensatrice de préavis d’un mois à hauteur de 5 337 € bruts outre la somme de 533 € au titre des congés payés y afférents ».
La réparation du licenciement s’inscrit dans les bornes légales eu égard à l’ancienneté inférieure à un an, sans cumuler une indemnité autonome pour irrégularité procédurale. L’arrêt ordonne enfin la remise des documents rectifiés. L’ensemble dessine une réponse cohérente: fermeté sur la preuve du motif de recours au contrat à durée déterminée, orthodoxie sur les effets de la requalification, et juste articulation avec les manquements constatés en matière de durées maximales et de prévention des risques.