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Rendue par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence le 5 septembre 2025, la décision tranche un contentieux prud’homal né d’une rupture intervenue après l’échec d’une négociation de rupture conventionnelle. Un salarié, engagé comme réceptionniste de nuit auprès d’un hôtel hébergeant des mineurs non accompagnés, a déclaré un accident du travail en septembre 2019, puis n’a pas repris son poste. Une tentative de rupture conventionnelle a échoué. Un licenciement pour faute grave a été notifié en décembre 2019, suivi deux jours plus tard de la signature d’un protocole transactionnel.
Par jugement du Conseil de prud’hommes de Toulon du 11 juin 2021, la demande du salarié a été déclarée irrecevable en raison de la transaction, et il a été débouté au fond. En appel, il sollicitait l’annulation du protocole, la reconnaissance d’un harcèlement moral, la nullité de la rupture et diverses sommes au titre d’heures supplémentaires, repos, suivi médical et préjudices. L’employeur demandait la confirmation, la validité de la transaction, subsidiairement la justification de la faute grave et le remboursement de l’indemnité transactionnelle.
La question centrale portait sur la validité d’une transaction conclue après un licenciement non encore porté à la connaissance effective du salarié, ainsi que sur le lien entre des agissements de harcèlement moral et la nullité de la rupture. La cour annule la transaction, retient un harcèlement moral, déclare la rupture nulle et statue sur les demandes salariales et indemnitaires, tout en rejetant le grief de travail dissimulé.
I. La transaction post-licenciement: interprétation et condition de validité
A. L’objet de l’accord et la cohérence d’ensemble
La cour commence par écarter la nullité tirée d’un défaut d’objet. Elle mobilise l’article 1189, alinéa 1, du code civil, selon lequel: « Toutes les clauses d’un contrat s’interprètent les unes par rapport aux autres, en donnant à chacune le sens qui respecte la cohérence de l’acte tout entier. » Malgré une mention contradictoire relative à une rupture conventionnelle, l’accord vise, par son économie générale, à régler « l’ensemble des contentieux nés ou à naître » liés à la relation de travail. La solution s’ancre dans une lecture globale de l’acte: la contradiction ponctuelle ne crée pas d’ambiguïté sur l’intention commune, de sorte que le protocole « ne se trouve pas dépourvu d’objet ».
Cette approche, sobre et rigoureuse, rappelle que l’erreur matérielle ne suffit pas à vicier l’objet dès lors que la finalité transigée se déduit clairement de l’articulation des clauses. Elle conforte la méthode d’interprétation par la cohérence interne, appliquée avec prudence au regard du contexte de rupture.
B. La connaissance effective des motifs de licenciement
La condition déterminante tient au moment et à l’information disponible lors de la signature. La cour rappelle le principe: « La transaction ayant pour objet de prévenir ou de terminer une contestation, elle ne peut être valablement conclue par le salarié licencié que lorsqu’il a eu connaissance effective des motifs du licenciement par la réception de la lettre de licenciement. » L’employeur produit un bordereau d’envoi mais aucun avis de réception, si bien que la preuve de la réception préalable fait défaut.
L’absence de connaissance effective au jour de la signature entraîne l’annulation de la transaction. La conséquence est strictement procédurale: restitution de l’indemnité transactionnelle, réouverture du débat judiciaire et examen au fond des prétentions salariales et indemnitaires. La solution, conforme à la jurisprudence sociale, sécurise la renonciation transactionnelle par un éclairage suffisant sur la cause de la rupture.
II. Portée au fond: harcèlement, nullité de la rupture et demandes accessoires
A. Harcèlement moral, obligation de sécurité et nullité du licenciement
Pour caractériser le harcèlement, la cour se réfère au mécanisme probatoire: le salarié doit présenter des éléments laissant supposer des agissements répétés; il revient ensuite à l’employeur de justifier des décisions « par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement ». Les écrits médicaux convergent, dont la note du médecin du travail et un courrier du médecin traitant, attestant d’une souffrance en lien avec la dégradation des conditions de travail. Les alertes consignées au cahier de liaison décrivent des tensions nocturnes récurrentes sans accompagnement éducatif.
L’employeur ne démontre pas avoir répondu utilement à ces alertes ni adapté l’organisation. La cour retient ainsi des manquements répétés à l’obligation de sécurité, constitutifs d’un harcèlement et d’une exécution déloyale. S’agissant de la rupture, elle rappelle que « le licenciement d’un salarié victime de harcèlement moral est nul dès lors qu’il présente un lien avec des faits de harcèlement ». Le lien est établi par l’enchaînement des événements et les préconisations médicales, ce qui emporte nullité et ouvre droit aux indemnités afférentes, incluant le préavis et une réparation évaluée à six mois de salaire.
B. Heures supplémentaires, pauses et suivi médical
La cour statue ensuite sur les demandes accessoires selon des critères clairs. En matière d’heures supplémentaires, elle rappelle le régime probatoire: « Il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies. » Les tableaux produits sont jugés précis; l’employeur, défaillant sur le contrôle du temps, ne fournit aucun décompte opposable. La cour fixe alors le rappel et les congés afférents, sans retenir l’intention nécessaire au travail dissimulé.
Concernant les pauses, l’article L. 3121-16 est cité: « Dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, le salarié bénéficie d’un temps de pause d’une durée minimale de vingt minutes consécutives. » La cour ajoute que « le seul constat du non-respect du temps de pause quotidien ouvre droit à réparation ». Faute de preuve d’une pause effective, une indemnisation est allouée, appréciée au regard de la durée de la relation et de l’organisation nocturne. Enfin, le défaut de suivi médical, spécialement sensible pour le travail de nuit, est indemnisé au vu de l’absence d’éléments produits par l’employeur, en lien avec les arrêts constatés.
Cette seconde série de solutions manifeste une application exigeante des obligations de l’employeur: système de suivi des horaires, respect des pauses et vigilance médicale. Les réparations demeurent proportionnées et distinguées, en cohérence avec le rejet du grief de dissimulation, réservé aux comportements intentionnels.