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Par un arrêt de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence du 5 septembre 2025 (n° RG 21/10690), la chambre sociale statue sur la validité d’un licenciement motivé par l’absence de brevet professionnel en officine. Une salariée engagée en 2014 sous l’intitulé de préparatrice en pharmacie ne détenait qu’un CAP d’employé de pharmacie. Après la reprise de l’officine en 2018, le nouvel employeur a exigé la production du brevet puis a rompu le contrat.
L’employeur soutenait que l’intéressée délivrait couramment des ordonnances, de sorte que le maintien exposait l’entreprise à un risque pénal. La salariée affirmait exercer principalement des fonctions de parapharmacie reconnues par de nombreuses attestations et contestait la qualification contractuelle. Le conseil de prud’hommes de Toulon, le 30 juin 2021, a jugé le licenciement fondé et a débouté la salariée. Celle‑ci a interjeté appel et a demandé des dommages et intérêts, l’employeur sollicitant la confirmation.
La question était de savoir si l’absence de brevet professionnel justifie la rupture lorsque les fonctions réellement exercées n’exigent pas ce titre et peuvent être poursuivies sans risque. Les juges relèvent d’abord que « la mesure de licenciement n’a pas été prononcée explicitement pour une faute consistant dans la délivrance de médicaments mais bien plutôt pour un motif personnel, à savoir l’absence du diplôme requis pour exercer les fonctions contractuelles de préparatrice en pharmacie ». Ils en déduisent que « Ainsi, l’absence de brevet professionnel de préparatrice en pharmacie ne s’opposait pas au maintien de la salariée à son poste effectif de responsable du rayon parapharmacie et dès lors son licenciement se trouve dépourvu de cause réelle et sérieuse ».
I. Le sens de la décision
A. Le régime probatoire et la qualification du grief
La cour rappelle la règle de partage de la preuve en ces termes parfaitement clairs: « La preuve de la cause réelle et sérieuse de licenciement, énoncée à la lettre portant rupture du contrat de travail et éventuellement précisée ultérieurement par courrier distinct, n’incombe pas particulièrement à l’employeur mais le doute profite au salarié ». Elle examine donc l’ensemble des éléments produits, sans déplacer la charge de la preuve, et contrôle la cohérence du motif.
Sur le terrain du grief, l’arrêt précise que le licenciement n’est pas disciplinaire mais personnel, centré sur l’absence de diplôme exigé par le contrat. Cette qualification borne le contrôle. L’allégation de délivrances massives ne suffit pas à transformer le motif, dès lors que la lettre de rupture ne reproche pas une faute caractérisée dans l’exécution.
B. La primauté des fonctions effectives sur les mentions contractuelles
Les juges du fond se fondent sur les attestations concordantes pour établir la réalité des tâches accomplies. Ils retiennent que « La salariée établit suffisamment, par les témoignages qu’elle produit, lesquels ne sont contredits par aucun élément apporté par l’employeur, que ses fonctions principales étaient bien celles de responsable du rayon parapharmacie ». Cette appréciation factuelle, solidement motivée, neutralise l’intitulé contractuel inexact.
La solution se cristallise dans la formule directrice déjà citée: « Ainsi, l’absence de brevet professionnel de préparatrice en pharmacie ne s’opposait pas au maintien de la salariée à son poste effectif de responsable du rayon parapharmacie et dès lors son licenciement se trouve dépourvu de cause réelle et sérieuse ». La cause invoquée n’était ni nécessaire ni pertinente au regard des fonctions réellement exercées, ce qui prive la rupture de réalité et de sérieux.
II. Valeur et portée
A. L’exigence d’une mesure d’adaptation loyale et proportionnée
L’arrêt érige en exigence la mise en cohérence du contrat avec la réalité des tâches. Il énonce que « s’il appartenait bien à la nouvelle gérante de faire cesser immédiatement de tels errements, cette dernière devait procéder à cette fin dans le respect des relations de travail effectives antérieures à la reprise de la pharmacie, en cantonnant strictement la salariée à ses fonctions de responsable du rayon parapharmacie et en lui proposant éventuellement un avenant régularisant sa qualification ainsi que ses fonctions contractuelles conformément tant à la réalité des missions exercées que du diplôme détenu par l’intéressée ». La rupture, faute d’exploration d’une mise en conformité simple et disponible, méconnaît l’économie du contrat de travail.
Ce raisonnement valorise le principe de bonne foi et un contrôle de proportion des mesures managériales. Il ne crée pas un devoir général de reclassement en cas de motif personnel, mais impose d’écarter une rupture quand la poursuite du contrat, sur le poste réellement occupé, demeure juridiquement et pratiquement possible.
B. Les enseignements pour la pratique des officines et le contentieux prud’homal
La cour distingue utilement d’autres espèces qui valident la rupture lorsque l’activité prohibée constitue le cœur du poste. Ici, la distinction entre parapharmacie et délivrance pharmaceutique détermine l’issue, la première n’exigeant pas le brevet professionnel et pouvant être strictement cantonnée. L’arrêt précise toutefois, au titre du préjudice moral, que « il n’a pas agi avec brutalité ni précipitation, ayant au contraire sollicité par écrit le diplôme de la salariée avant d’engager la procédure de licenciement ». La reconnaissance de cette prudence explique le rejet du chef de demande relatif au dommage moral.
La portée pratique est nette. Les officines doivent documenter les fonctions effectives, rectifier les intitulés inexacts, et formaliser sans délai un avenant plutôt que rompre lorsque le poste réel reste licite. En contentieux, la lettre de licenciement circonscrit le débat, et la confrontation des preuves sur la réalité des tâches, combinée à la règle selon laquelle le doute profite au salarié, commande souvent la solution. L’arrêt consacre ainsi une ligne de vigilance managériale et probatoire plutôt qu’un principe nouveau.