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Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 5 septembre 2025. L’arrêt tranche un litige prud’homal relatif, d’une part, au paiement de commissions contractuelles et, d’autre part, au bénéfice du régime protecteur des inaptitudes d’origine professionnelle. Le salarié, engagé en 1998 comme attaché technico-commercial, a été déclaré inapte lors de la visite de reprise du 12 juillet 2018, puis licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement le 10 août 2018.
Saisi en 2019, le conseil de prud’hommes a jugé le licenciement justifié, reconnu l’origine professionnelle de l’inaptitude, et accordé les indemnités afférentes, tout en déboutant la demande principale de rappel de commissions. Sur appel, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence infirme partiellement, retient l’absence d’origine professionnelle de l’inaptitude et accorde un rappel limité de commissions avec congés payés. Le cœur du litige porte donc sur la charge probatoire en matière de rémunération variable, puis sur les conditions cumulatives d’application des articles L.1226-10 et L.1226-14 du code du travail.
I. Rémunération variable: charge de la preuve et obligation de transparence
A. Le cadre probatoire applicable aux commissions
L’arrêt rappelle une répartition classique et exigeante de la charge de la preuve. D’abord, « La charge de la preuve du paiement du salaire incombe à l’employeur qui se prétend libéré. » Cette formulation, nette, fixe le terrain: le débiteur du salaire doit établir sa libération.
Ensuite, la cour précise l’articulation entre droit à commission et transparence de l’assiette: « Même s’il appartient au salarié qui revendique une prime ou une rémunération variable de justifier qu’il a droit à son attribution, en fonction de conventions ou d’usages, l’employeur est tenu à une obligation de transparence qui le contraint à communiquer au salarié les éléments servant de base de calcul de son salaire notamment de cette part variable. » Ce double énoncé évite un renversement de la charge tout en imposant la communication des éléments déterminants.
Enfin, la conséquence processuelle en cas de litige est explicitée: « En cas de litige lorsque le calcul dépend d’éléments détenus par l’employeur celui-ci doit les produire en vue d’une discussion contradictoire. » La solution favorise une contradiction effective, empêche l’asymétrie informationnelle et autorise, à défaut, une estimation judiciaire sur pièces.
B. L’application concrète: estimation minimale et refus de compensation
La cour constate l’insuffisance des pièces adverses: « Il est constaté que la société ne communique pas d’éléments permettant de vérifier les commissions restant dues et manque ainsi à ses obligations. » Dès lors, elle arrête un quantum fondé sur l’assiette non sérieusement contredite et le barème contractuel. La décision retient une régularisation à 6 % sur un chiffre d’affaires déterminé et en fixe précisément les effets pécuniaires: « Elle sera en conséquence condamnée à payer au salarié la somme de 2730,60 euros (6% de 45510 euros), outre 273,06 euros au titre des congés payés afférents. »
La cohérence d’ensemble est maîtrisée. La cour sanctionne le défaut de transparence tout en contenant la créance au périmètre probatoire disponible. Le rejet de la compensation sollicitée par l’employeur s’explique par l’absence de preuve d’un trop-perçu. L’économie de la décision protège la loyauté de la fixation d’une rémunération variable, sans convertir l’incertitude comptable en enrichissement indu. Reste à examiner l’enjeu central de l’inaptitude et de son ancrage professionnel, dont dépendaient les indemnités majorées.
II. Inaptitude: exigence du lien causal et connaissance de l’employeur
A. L’effet de la reconnaissance AT/MP et les conditions cumulatives
L’arrêt rappelle l’économie du régime protecteur. La règle légale n’opère que si l’inaptitude a, au moins partiellement, pour origine un accident du travail ou une maladie professionnelle, et si l’employeur connaissait cette origine au moment de la rupture. Surtout, la cour précise la portée d’une décision de prise en charge: « Toutefois, lorsqu’un accident du travail ou une maladie professionnelle a été reconnu par la caisse primaire d’assurance maladie par une décision non remise en cause, cette décision s’impose au juge prud’homal auquel il revient alors de se prononcer sur le lien de causalité entre cet accident ou cette maladie et l’inaptitude et sur la connaissance par l’employeur de l’origine professionnelle de l’accident ou de la maladie. (Soc., 18 septembre 2024, pourvoi n° 22-22.782) »
Cette formule ménage le respect de la reconnaissance administrative tout en réservant au juge du contrat la vérification de la causalité et de la connaissance. Elle évite une automaticité qui priverait de sens l’analyse des circonstances médicales et procédurales entourant la reprise et l’avis d’inaptitude.
B. Le contrôle du lien causal et la portée pratique du refus
Au regard des pièces, la cour constate une discontinuité des justificatifs médicaux sur plusieurs mois précédant la visite de reprise, un avis de reprise administrative prochaine et des éléments médicaux contradictoires quant à l’origine de l’inaptitude. Elle en déduit, dans une formule décisive: « Ainsi, il n’est mis en évidence ni un lien de causalité, même partiel, entre l’accident du travail du 20 octobre 2017 et l’inaptitude prononcée le 12 juillet 2018 ni la connaissance par l’employeur de l’origine professionnelle de l’accident au moment du licenciement. » La conséquence s’impose: pas d’indemnité compensatrice de préavis majorée, ni d’indemnité spéciale.
La solution est exigeante sur la preuve du continuum médical et sur l’information de l’employeur. Elle s’inscrit dans une conception rigoureuse de la finalité protectrice, conditionnée par un ancrage causal objectivé. Elle avertit les salariés de la nécessité de conserver des éléments médicaux continus attestant le lien, et les employeurs de documenter soigneusement les échanges avec le service de santé au travail. L’équilibre retenu, restrictif sans être formaliste, circonscrit le champ de la protection aux inaptitudes réellement imputables, évitant un effet d’entraînement automatique de la prise en charge initiale.