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Rendue par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence le 9 septembre 2025, la décision commente la légalité et l’étendue d’un redressement pour travail dissimulé, consécutif à un contrôle inopiné mené dans plusieurs établissements d’une société. La question porte sur la qualification des faits au regard du droit applicable, la preuve de l’infraction alléguée et la validité de la taxation forfaitaire opérée sur la période 2013-2014.
Un contrôle inopiné a relevé la présence d’un salarié en action de vente sans déclaration préalable dans un point de vente, tandis que d’autres établissements exerçaient une activité soutenue sans aucun salarié déclaré. Des lettres d’observations ont été notifiées, puis des mises en demeure ont suivi. La juridiction de première instance a confirmé le redressement. En appel, la société demande l’annulation du redressement, subsidiairement sa limitation à la période postérieure au contrôle et au seul établissement contrôlé, contestant l’absence de communication du procès-verbal, l’extension temporelle et spatiale du redressement, et invoquant une plainte pénale. L’organisme de recouvrement sollicite la confirmation, soutenant l’infraction de travail dissimulé au vu des éléments comptables et matériels et la légitimité d’une taxation forfaitaire, faute de pièces probantes sur la durée et les rémunérations.
La question de droit tient à la possibilité de retenir le travail dissimulé, sur la base d’indices concordants relevés lors d’un contrôle inopiné et de données comptables, pour plusieurs établissements et sur une période antérieure, et d’en déduire une évaluation forfaitaire des cotisations. La cour confirme, relevant que « La cour rappelle qu’elle ne statue qu’au regard des demandes comprises dans le dispositif des écritures des parties », que « Cette façon de procéder, appliquée à la vérification en cause, est parfaitement légale et la société cotisante ne présente aucune demande relative à la régularité de la procédure de contrôle », et concluant enfin que « Dès lors, le jugement du pôle social doit être confirmé ».
I. Le bien-fondé de la qualification de travail dissimulé
A. Le cadre légal et le standard probatoire
La cour fonde son analyse sur le texte applicable en rappelant que, selon l’article L. 8221-5 du code du travail, « est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur: 1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ; 2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ; 3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales. » Le texte exige un élément intentionnel, mais la jurisprudence admet qu’il se déduit d’indices objectifs précis et concordants.
La motivation retient la valeur probatoire des constatations de contrôle, qui s’imposent « jusqu’à preuve du contraire » dans leur champ. L’appréciation porte sur des éléments hétérogènes mais convergents: organisation d’établissements ouverts au public, importance du stock et du chiffre d’affaires, absence de déclarations de salariés, et présence d’un travailleur en situation de vente sans déclaration préalable. L’absence de pièces de nature à contredire ces constatations pèse alors sur la société, qui supporte la charge de renverser des présomptions factuelles robustes.
B. L’appréciation des éléments factuels produits au débat
La cour expose que des lettres d’observations ont synthétisé des constats opérés dans un établissement, puis étendus aux autres sites sur la période 2013-2014, l’activité marchande étant objectivée par les éléments comptables et fiscaux. Les explications liées à des ouvertures et fermetures de magasins, à une diversification de l’offre ou à l’intervention non rémunérée du gérant ne neutralisent pas les indices matériels de l’emploi de personnel ou de la nécessité d’une présence en boutique.
La décision insiste sur l’insuffisance des pièces adverses, précisant que les documents produits, tels que baux, factures et éléments relatifs aux stocks, confortent les observations de contrôle plutôt qu’ils ne les contredisent. La chambre souligne la régularité de la méthode suivie, énonçant que « Cette façon de procéder, appliquée à la vérification en cause, est parfaitement légale et la société cotisante ne présente aucune demande relative à la régularité de la procédure de contrôle ». La qualification de travail dissimulé se trouve ainsi confirmée par un faisceau d’indices auquel aucune démonstration contraire efficace n’est opposée.
II. Les effets procéduraux et financiers de la confirmation
A. La régularité du contrôle et le périmètre temporel du redressement
La formation rappelle d’abord sa saisine, en indiquant que « La cour rappelle qu’elle ne statue qu’au regard des demandes comprises dans le dispositif des écritures des parties ». La demande de sursis en raison d’une plainte pénale ne figure pas au dispositif, et l’absence de communication du procès-verbal n’est pas invoquée comme cause de nullité dans les limites de la saisine. La régularité du contrôle inopiné, suivie de lettres d’observations détaillées, est confirmée, ce qui légitime l’extension analytique aux périodes antérieures couvertes par le délai de reprise.
L’articulation entre un constat ponctuel et une reconstitution globale repose sur la cohérence des données vérifiées et sur la continuité d’une activité marchande sans salariés déclarés. L’extension n’est pas automatique, mais la cohérence interne du dossier la justifie, dès lors que la société ne démontre pas de rupture d’exploitation, de fermeture effective, ni de recours régulier à des salariés déclarés durant la période contrôlée.
B. La taxation forfaitaire et la remise en cause des allégements
Sur le terrain contributif, la cour rappelle que la taxation forfaitaire s’impose lorsque l’employeur ne fournit pas les éléments sur la durée d’emploi et les rémunérations versées. Ce mécanisme vise à restaurer l’assiette de cotisations en présence d’une infraction qui, par nature, prive l’organisme des données nécessaires. Les juges constatent l’absence de pièces suffisantes pour une reconstitution exacte, rendant légitime l’évaluation forfaitaire, cohérente avec l’activité observée et les indicateurs comptables.
L’annulation des allégements attachés aux rémunérations régulières découle de la qualification de travail dissimulé. Elle repose sur le principe selon lequel un avantage contributif suppose une situation conforme. La confirmation du jugement de première instance emporte maintien de l’ensemble des chefs de redressement, y compris la remise en cause des réductions conditionnées à la régularité des déclarations. La solution, ferme mais prévisible, sécurise la pratique de contrôle en circonscrivant l’office du juge à l’examen de la preuve et à la cohérence de l’évaluation. « Dès lors, le jugement du pôle social doit être confirmé », ce qui clôt le débat tant sur le bien-fondé de la qualification que sur l’ampleur de ses conséquences financières.