- Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre) LinkedIn
- Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Facebook
- Cliquez pour partager sur WhatsApp(ouvre dans une nouvelle fenêtre) WhatsApp
- Cliquez pour partager sur Telegram(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Telegram
- Cliquez pour partager sur Threads(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Threads
- Cliquer pour partager sur X(ouvre dans une nouvelle fenêtre) X
- Cliquer pour imprimer(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Imprimer
Par un arrêt du 9 septembre 2025, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence (chambre 4-8a) statue sur la régularité d’une contestation d’indu d’AAH et sur l’étendue des pouvoirs du juge en matière de remise et de délais. Le litige naît de la concomitance, à compter du 1er juin 2019, d’une retraite pour inaptitude et de l’ASPA, ayant conduit l’organisme payeur à notifier un indu d’AAH puis à en poursuivre le recouvrement.
Les faits utiles tiennent à l’attribution antérieure de l’AAH, à l’ouverture des droits à retraite et à l’ASPA, puis à la notification d’un indu en 2020. Une demande de remise partielle a été accueillie par la commission de recours amiable en 2021. Une mise en demeure a suivi en janvier 2022. Le pôle social du tribunal judiciaire de Marseille, par jugement du 8 janvier 2024, a déclaré irrecevables la contestation de l’indu et l’exception de prescription, a rejeté la demande de délais et a condamné l’allocataire au paiement du solde.
En appel, l’allocataire entendait obtenir l’annulation du recouvrement, à défaut la prescription partielle, à titre subsidiaire une remise plus large et des délais, tandis que l’organisme sollicitait la confirmation. Deux questions structuraient le litige: l’exigence d’un recours préalable pour contester l’indu et la compétence du juge pour accorder une remise de dette ou des délais. La cour retient, d’une part, l’irrecevabilité de la contestation faute de saisine préalable utile, et, d’autre part, reconnaît le pouvoir du juge d’accorder une remise partielle au regard de la précarité, tout en confirmant le refus de délais.
I. Le recours préalable et la recevabilité des contestations d’indu
A. L’exigence normative du préalable amiable
La cour rappelle la règle procédurale cardinale en ces termes: « Selon les dispositions de l’article L 142-4 du code de la sécurité sociale, les recours contentieux formés dans les matières mentionnées aux articles L 142-1, à l’exception du 7, et L 142-3 sont précédés d’un recours préalable. » L’introduction d’un contentieux sur la régularité ou le bien-fondé d’un indu requiert donc la saisine de la commission de recours amiable en contestation, non une simple demande gracieuse de remise.
La distinction procédurale commande la solution. Une demande de remise, orientée vers l’opportunité du recouvrement, ne satisfait pas l’exigence d’un recours préalable portant sur la contestation de l’indu. L’office de la commission diffère selon l’objet: remise fondée sur la précarité ou débat sur l’assiette et la légalité de la créance. Le contentieux du second type suppose un préalable distinct et explicite.
B. La sanction d’irrecevabilité et sa justification
Constatant l’absence de recours préalable idoine, la cour approuve la solution des premiers juges: « Dès lors, les premiers juges ont, à bon droit, déclarer le recours irrecevable. » La sanction, automatique, préserve la fonction filtrante de la commission et l’économie du contentieux social.
La portée est pratique. Les allocataires doivent formuler des prétentions claires et séparées devant l’instance amiable: contester le principe ou le quantum de l’indu, et, à part, solliciter une remise. À défaut, la voie contentieuse se ferme sur le terrain de l’annulation, sans priver pour autant le juge de son pouvoir d’apprécier une remise selon les textes applicables.
II. La remise d’indu et les délais: l’office du juge précisé
A. Le pouvoir judiciaire à la lumière des articles L.553-2 et L.256-4
La cour énonce d’abord la règle matérielle: « Selon les dispositions de l’article L. 553-2 alinéa 5 du code de la sécurité sociale, la créance née d’un indu de prestation sociale de l’organisme peut être réduite ou remise en cas de précarité de la situation du débiteur, sauf en cas de manoeuvre frauduleuse ou de fausses déclarations. » Elle rappelle ensuite une ligne classique: « La Cour de cassation a pu considérer que cette faculté de réduire ou de remettre les prestations familiales indûment versées n’est ouverte qu’à l’organisme, pas à la juridiction du contentieux de la sécurité sociale (…). »
L’arrêt opère toutefois le ralliement à l’évolution récente: « La Cour de cassation a néanmoins reconnu au juge judiciaire le pouvoir d’apprécier si la situation de précarité du débiteur justifie une remise totale ou partielle de la dette au sens de l’article L. 256-4 du code de la sécurité sociale (Cass. 2e civ., 28 mai 2020, n° 18-26.512). Elle a également jugé qu’en application de l’article L.553-2 du Code de la sécurité sociale, il lui appartient d’apprécier si la situation du débiteur justifie une remise totale ou partielle de la dette en cause ou si une manoeuvre frauduleuse ou de fausses déclarations l’excluent ( Cass. 2e civ., 24 juin 2021, n° 20-11.044). » Le dualisme se résout ainsi: l’organisme conserve une compétence gracieuse, mais le juge exerce un contrôle plein sur la précarité, en l’absence de fraude.
B. Application: précarité caractérisée, remise partielle, refus des délais
La cour constate, au vu des pièces fiscales et des versements récents, une situation en deçà des seuils usuels, suffisante pour justifier une remise. Elle module à hauteur d’un tiers, en considération des éléments financiers contradictoires produits. La motivation articule appréciation concrète et référence aux standards statistiques, sans excès de formalisme, ce qui renforce la sécurité juridique des allocataires précaires.
S’agissant des délais, la cour s’inscrit dans la grille jurisprudentielle: « Si le juge ne peut pas accorder de délai au redevable pour le paiement de ses cotisations sociales (…), il se voit reconnaître la possibilité d’accorder des délais de paiement lorsque la dette ne revêt pas la qualification de cotisation sociale (…) ou en cas de force majeure (…). » Elle confirme néanmoins le refus, par substitution de motifs, faute de démonstration circonstanciée des charges et ressources actuelles. La solution, cohérente, dissocie l’existence d’un pouvoir d’octroi de délais et l’exigence probatoire pesant sur le débiteur.
L’arrêt éclaire ainsi, dans le contentieux des indus de prestations, le partage des rôles entre commission, organisme et juge. Il consolide la recevabilité conditionnée par le préalable amiable et confirme l’office du juge pour apprécier la précarité et moduler la créance, tout en maintenant un contrôle rigoureux sur les demandes de délais.