Cour d’appel de Amiens, le 11 septembre 2025, n°24/04231

La Cour d’appel d’Amiens, le 11 septembre 2025, statue en matière de surendettement sur appel d’un jugement du 19 août 2024 rendu par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Beauvais. La question porte sur l’autorité du plan collectif face à des accords particuliers et sur la méthode de calcul de la capacité de remboursement.

La commission avait déclaré recevable la demande en 2022, retenu une capacité de 1 871 euros et envisagé un rééchelonnement sur 51 mois pour préserver un véhicule en location avec option d’achat. Le premier juge avait fixé la capacité à 2 162 euros et imposé un rééchelonnement sans intérêts pendant 25 mois, avant que les débiteurs n’interjettent appel pour solliciter 1 300 euros.

Les appelants invoquaient des versements substantiels et un échéancier amiable conclu avec un créancier, tout en soutenant l’extinction de certaines dettes. La cour devait apprécier la valeur juridique de ces paiements et l’incidence des charges alléguées sur la capacité contributive, au regard du cadre légal du traitement collectif.

La juridiction infirme partiellement, refuse l’effet des modalités dérogatoires et retient une capacité ramenée à 1 731 euros, avec un plan de 27 mois. Elle rappelle que « Toutefois, dans le cadre d’une procédure de surendettement des particuliers, les débiteurs comme les créanciers sont tenus de respecter les mesures imposées par la commission de surendettement des particuliers et le juge du surendettement. Ils ne peuvent s’accorder sur des modalités de paiement différentes de celles prévues par le plan de désendettement au risque de mettre en péril l’équilibre des remboursements aux différents créanciers. »

I. L’affirmation du cadre légal du traitement collectif

A. Le contrôle des créances et l’intangibilité relative du plan

La cour réaffirme la compétence du juge de la contestation pour vérifier les créances. Elle cite expressément que « Selon l’article L.733-12 du code de la consommation, le juge saisi de la contestation des mesures imposées par la commission peut vérifier, même d’office, la validité des créances et des titres qui les constatent ainsi que le montant des sommes réclamées. » Ce pouvoir permet d’écarter les dettes insuffisamment établies et de tenir compte des règlements certains, dûment prouvés.

Appliquant ce cadre, la décision admet l’extinction d’une créance au vu d’un courrier probant, mais maintient le passif pour les autres lignes faute de preuve de désintéressement. La solution protège l’égalité des créanciers et l’équilibre du plan, que des règlements ciblés ne sauraient distordre. La cour rappelle en outre que « Rappelle que les présentes mesures s’imposent tant aux créanciers qu’aux débiteurs, et qu’ainsi toutes autres modalités de paiement, tant amiables que forcées, sont suspendues pendant l’exécution de ce plan et qu’aucune voie d’exécution ne pourra être poursuivie par l’un quelconque des créanciers figurant dans le plan, pendant toute la durée d’exécution des mesures sauf à constater la caducité de ces dernières ; ».

B. La méthode de calcul de la capacité de remboursement

La détermination de la capacité obéit aux règles combinées des articles L.731-1 et R.731-3, rappelées par l’arrêt dans leur logique. Il est d’abord souligné que « Dans tous les cas, la part des ressources nécessaires aux dépenses courantes du ménage est déterminée dans les conditions prévues à l’article L. 731-2 et mentionnée dans la décision. » Il est ensuite ajouté, s’agissant de l’appréciation des charges, que l’article R.731-3 dispose que « le montant des dépenses courantes du ménage est apprécié par la commission, soit pour leur montant réel sur la base des éléments déclarés par le débiteur, soit en fonction du barème fixé par son règlement intérieur et prenant en compte la composition de la famille. »

La cour écarte les charges non justifiées, notamment des dépenses de chauffage non prouvées et les versements effectués en dehors du plan, lesquels ne constituent pas des charges courantes. Elle retient des charges réelles totalisant 2 312,44 euros, après examen précis des postes produits. Elle fixe la capacité selon la référence à la quotité saisissable, en relevant que « La quotité saisissable des débiteurs est de 2 300 euros et leur capacité de remboursement s’élève à 1731,61 euros. »

II. Valeur et portée de la solution retenue

A. Cohérence avec le droit positif et la finalité collective

La solution s’inscrit dans l’économie des textes qui consacrent la primauté du traitement collectif sur les arrangements bilatéraux. La cour rappelle, conformément à la lettre de la loi, que « En application de l’article L. 733-1 du code de la consommation, le juge des contentieux de la protection saisi d’une contestation des mesures imposées par la commission peut rééchelonner le paiement des dettes de toute nature, y compris, le cas échéant, en différant le paiement d’une partie d’entre elles, sans que le délai de report ou de rééchelonnement puisse excéder sept ans ou la moitié de la durée de remboursement restant à courir des emprunts en cours ; en cas de déchéance du terme, le délai de report ou de rééchelonnement peut atteindre la moitié de la durée qui reste à courir avant la déchéance. »

L’arrêt confère ainsi une place ordonnée aux règlements isolés, admis comme faits extinctifs s’ils sont prouvés, mais sans autoriser la recomposition unilatérale du plan. La cohérence avec l’égalité de traitement et la parité entre créanciers est préservée. La fixation d’une mensualité à 1 731 euros reflète enfin un équilibre rationnel entre ressources protégées et effort de désendettement.

B. Conséquences pratiques et limites opérationnelles

La motivation éclaire les débiteurs sur la charge de la preuve pesant sur les dépenses revendiquées. Elle confirme que seules les charges actuelles, nécessaires et justifiées entrent dans le calcul, tandis que les paiements hors plan ne sauraient réduire la capacité. Elle rappelle utilement que, selon l’article R.731-3, « le montant des dépenses courantes du ménage est apprécié par la commission, soit pour leur montant réel […] soit en fonction du barème fixé par son règlement intérieur », ce qui autorise une modulation prudente et contrôlée.

Sur le terrain des pratiques, l’arrêt sécurise les créanciers contre des accords dispersés perturbant la discipline collective. Il permet toutefois l’ajustement ultérieur, si les ressources ou charges évoluent, par une nouvelle saisine de la commission compétente. La durée de 27 mois reflète une exigence de célérité mesurée, compatible avec la soutenabilité de l’effort et la stabilisation des rapports d’obligation dans le cadre du plan.

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