Cour d’appel de Amiens, le 25 août 2025, n°23/00836

Cour d’appel d’Amiens, 25 août 2025, 2e protection sociale, confirme un jugement du pôle social du tribunal judiciaire de Lille du 24 janvier 2023. Le litige porte sur l’opposabilité à l’employeur d’une prise en charge au titre du tableau n° 98 relatif aux affections du rachis lombaire. À la suite d’une procédure avec saisine du comité régional, la caisse a notifié la reconnaissance, contestée pour vice de contradictoire et insuffisante caractérisation médicale. La cour d’appel écarte l’inopposabilité en raison d’un délai utile respecté, et retient la réunion des critères médicaux exigés par le tableau.

La difficulté procédurale tient, d’une part, au point de départ et à la structure des délais contradictoires prévus par l’article R. 461-10 du code de la sécurité sociale. Elle porte, d’autre part, sur la sanction attachée à leur méconnaissance. La difficulté médicale tient à la preuve d’une sciatique par hernie discale L5-S1 avec atteinte radiculaire de topographie concordante. Elle interroge le rôle du certificat initial, de l’avis du service médical et d’un élément d’imagerie extrinsèque.

I) Le cadre et la sanction du contradictoire après saisine du comité

A) Point de départ et architecture des délais

La solution repose sur une lecture finaliste de l’économie de l’article R. 461-10. La cour rappelle que « Le délai de 40 jours se décompose en deux phases successives ». L’architecture distingue un temps d’enrichissement de trente jours, puis un temps de consultation du dossier stabilisé de dix jours. La logique d’ensemble commande des dates communes aux protagonistes, non individualisées selon la réception. La cour énonce que « L’économie générale de la procédure d’instruction à l’égard de la victime ou de ses représentants et de l’employeur impose la fixation de dates d’échéances communes aux parties ».

Cette approche justifie que le délai de quarante jours, inclus dans le délai de cent-vingt jours, court à compter de la saisine du comité. Le point de départ ne dépend pas de la réception effective par chacun, ce qui prévient les décalages contradictoires. La cour vérifie ensuite l’information exacte des échéances et la mise à disposition du dossier durant les deux séquences successives. L’exigence centrale demeure la clarté des bornes temporelles et l’accessibilité effective au dossier complet durant la seconde phase.

B) Inopposabilité cantonnée à la phase de dix jours

La cour circonscrit la sanction à la phase où le contradictoire est décisif. Elle affirme que « Seule l’inobservation du dernier délai de 10 jours avant la fin du délai de 40 jours, au cours duquel les parties peuvent accéder au dossier complet et formuler des observations, est sanctionnée par l’inopposabilité, à l’égard de l’employeur, de la décision de prise en charge ». La méconnaissance du temps d’enrichissement ne suffit donc pas, dès lors que la consultation contradictoire du dossier définitivement constitué a été offerte durant dix jours francs.

Appliquant ce cadre, la cour constate un délai d’enrichissement de vingt-huit jours, inférieur au quantum de trente jours, mais sans incidence. Elle souligne que « Mais l’inobservation du délai de 30 jours n’entraîne pas l’inopposabilité de la décision de prise en charge ». Le contrôle se concentre sur la preuve d’une information loyale des échéances et sur l’effectivité de la fenêtre contradictoire terminale. L’équilibre retenu favorise la sécurité des procédures en évitant une nullité automatique, tout en protégeant la phase décisive du contradictoire.

II) La caractérisation médicale au regard du tableau n° 98

A) Preuve de l’atteinte radiculaire et éléments extrinsèques

La cour recherche si la maladie désignée correspond au libellé du tableau n° 98. Le certificat initial mentionne une sciatique et une discopathie L5-S1, avec référence au port de charges lourdes. La motivation assume une lecture pragmatique du document médical, en relevant qu’« En deuxième lieu, force est de constater que le médecin a utilisé un style de langage elliptique en indiquant “sciatique sciatique droite ; discopathie L5-S1”, alors qu’une terminologie un peu plus rigoureuse aurait dû le conduire à indiquer que la sciatique en question était causée par une discopathie située à l’étage L5-S1 ». La cohérence clinique permet d’inférer l’atteinte radiculaire lorsque le lien causal est précisé.

La cour précise encore que « Cependant, il est possible de tirer plusieurs enseignements de ce certificat médical ». Ce faisceau est complété par l’avis du service médical s’appuyant sur une imagerie antérieure. La motivation souligne que « Ce scanner, qui n’a pas à être produit par la caisse mais dont l’existence est établie, constitue bien un élément médical extrinsèque ». L’ensemble fonde la qualification de sciatique par hernie discale L5-S1 avec topographie concordante, sans exiger la présence d’un examen clinique détaillé dans le seul dossier administratif.

B) Portée pratique et équilibre probatoire

La solution affine le standard probatoire applicable au tableau n° 98. D’une part, elle admet une inférence raisonnable de la « topographie concordante » à partir de la causalité hernie–sciatique, le tout corroboré par une imagerie datée. D’autre part, elle valide l’appui sur un élément extrinsèque non versé au dossier administratif, dès lors que son existence est constatée et que l’avis technique s’y réfère. Cette orientation renforce l’effectivité de la présomption légale tout en ménageant la vérification médicale.

L’exigence demeure substantielle sur la cohérence des indices, non formaliste sur la forme documentaire. Ce calibrage prévient les dénis de prise en charge fondés sur des lacunes rédactionnelles, sans affaiblir le contrôle de la réalité de l’atteinte radiculaire. Il concilie les impératifs de célérité et de sécurité juridique, en rappelant que la preuve vise la condition médicale elle-même. Le raisonnement demeure ainsi fidèle à l’économie du tableau n° 98 et aux finalités protectrices de la législation professionnelle.

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Hassan KOHEN
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