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La procédure de rectification d’erreur matérielle, régie par l’article 462 du code de procédure civile, constitue un mécanisme essentiel au bon fonctionnement de la justice. Elle permet de corriger les imperfections formelles affectant une décision sans remettre en cause l’autorité de la chose jugée. L’arrêt rendu par la Cour d’appel d’Amiens le 26 juin 2025 illustre parfaitement cette fonction corrective du juge.
En l’espèce, un salarié employé depuis le 9 mai 2017 a été victime le 27 mai 2020 d’un accident du travail, consistant en une chute de deux mètres lors d’une ronde effectuée à deux heures du matin. Le certificat médical initial faisait état de poly-contusions sans fractures. La caisse primaire d’assurance maladie a pris en charge cet accident au titre de la législation professionnelle par décision du 26 juin 2020.
Le tribunal judiciaire de Lille, par jugement du 30 janvier 2023, a reconnu la faute inexcusable de l’employeur. Sur appel de la société, la Cour d’appel d’Amiens a, par arrêt du 26 septembre 2024, confirmé le jugement en toutes ses dispositions et condamné l’employeur aux dépens ainsi qu’au paiement de frais irrépétibles. Le dispositif de cet arrêt mentionnait toutefois une caisse primaire erronée, celle de l’Artois, au lieu de la caisse territorialement compétente.
Par requête du 3 octobre 2024, la caisse compétente a sollicité la rectification de cette erreur matérielle. Les parties, invitées à présenter leurs observations, n’ont formulé aucune remarque.
La question posée à la cour était de déterminer si la désignation erronée de la caisse primaire d’assurance maladie dans le dispositif d’un arrêt constitue une erreur matérielle susceptible de rectification au sens de l’article 462 du code de procédure civile.
La Cour d’appel d’Amiens fait droit à la requête. Elle ordonne la rectification de son arrêt du 26 septembre 2024, substituant la désignation exacte de la caisse à celle mentionnée par erreur.
Cette décision mérite examen tant au regard des conditions d’application du mécanisme de rectification (I) que de ses effets sur la décision corrigée (II).
I. Les conditions de mise en œuvre de la rectification d’erreur matérielle
La rectification d’erreur matérielle suppose la réunion de conditions strictes tenant à la nature de l’erreur (A) et aux modalités procédurales de la requête (B).
A. La caractérisation d’une erreur purement matérielle
L’article 462 du code de procédure civile dispose que « les erreurs ou omissions matérielles qui affectent un jugement, même passé en force de chose jugée, peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l’a rendu ». La cour rappelle cette règle en citant intégralement le texte applicable.
La distinction entre erreur matérielle et erreur intellectuelle revêt une importance capitale. Seule la première autorise la rectification. L’erreur matérielle se définit comme une inadvertance, une faute de plume ou une inexactitude évidente ne procédant d’aucune appréciation juridique. À l’inverse, l’erreur intellectuelle, fruit d’un raisonnement juridique, ne peut être corrigée que par l’exercice des voies de recours ordinaires.
En l’espèce, la cour relève que « c’est bien par le fruit d’une erreur matérielle que la caisse primaire d’assurance maladie compétente pour recouvrer auprès de l’employeur les sommes allouées à l’assuré en réparation des préjudices subis a été désignée » de manière erronée. L’emploi du terme « fruit d’une erreur » traduit le caractère involontaire et accidentel de l’inexactitude.
Cette qualification s’impose avec évidence. La désignation de la caisse compétente ne relevait d’aucun débat juridique entre les parties. Elle constituait une simple donnée factuelle, dont l’identification exacte résultait nécessairement des pièces du dossier. La mention d’une caisse différente ne pouvait procéder que d’une inadvertance lors de la rédaction du dispositif.
B. Les exigences procédurales de la requête en rectification
La procédure de rectification obéit à des règles particulières garantissant le respect du contradictoire. Le texte précise que la rectification s’opère « selon ce que le dossier révèle ou à défaut, ce que la raison commande ».
La caisse a présenté sa requête le 3 octobre 2024, soit sept jours après le prononcé de l’arrêt du 26 septembre 2024. Cette diligence témoigne de l’intérêt pratique immédiat de la rectification. Une caisse primaire inexactement désignée ne pourrait exercer utilement son action récursoire contre l’employeur.
Le greffe a ensuite invité les parties à formuler leurs observations dans un délai d’un mois, par courrier du 11 octobre 2024. La cour constate qu’« aucune des parties n’a formé d’observations ». Cette absence de contestation conforte le caractère évident de l’erreur. Si la désignation de la caisse avait fait l’objet d’une discussion juridique, les parties n’auraient pas manqué de réagir.
La décision a été rendue sans audience, les parties ayant été avisées par le greffe de cette modalité. L’article 462 autorise en effet la juridiction à statuer selon une procédure allégée lorsque l’erreur apparaît avec évidence.
II. Les effets de la rectification sur la décision corrigée
La rectification produit des conséquences tant sur le contenu de la décision initiale (A) que sur les modalités de sa publicité et de son exécution (B).
A. L’intégration de la correction au dispositif initial
La cour ordonne que le dispositif de l’arrêt du 26 septembre 2024 soit lu comme mentionnant la caisse effectivement compétente. La formule rectifiée, reproduite intégralement, se substitue à la formule initiale. L’arrêt corrigé permet désormais à la bonne caisse d’exercer son recours subrogatoire contre l’employeur.
Cette rectification ne modifie aucunement la portée juridique de la décision. La reconnaissance de la faute inexcusable, la confirmation du jugement de première instance et les condamnations prononcées demeurent intactes. Seule l’identification d’un organisme de sécurité sociale est corrigée.
L’autorité de la chose jugée n’est pas affectée. L’article 462 précise expressément que la rectification peut intervenir même si le jugement est « passé en force de chose jugée ». Ce mécanisme ne constitue pas une voie de recours mais un simple instrument de correction formelle. La décision rectificative ne rouvre aucun débat sur le fond du litige.
La mention de ce que « la décision rectificative sera portée en marge de l’arrêt » traduit cette conception. L’arrêt initial subsiste dans son intégralité, enrichi d’une annotation marginale signalant la correction opérée.
B. La notification et les incidences pratiques de la rectification
La cour précise que la décision rectificative « sera notifiée comme l’arrêt ». Cette disposition garantit l’information de l’ensemble des parties. La notification permettra notamment à l’employeur de connaître avec certitude l’identité de la caisse habilitée à exercer l’action récursoire.
Les dépens de la procédure de rectification sont laissés à la charge de l’État. Cette solution se justifie par l’origine de l’erreur. La désignation inexacte de la caisse procède d’une inadvertance du greffe ou de la juridiction elle-même, non d’une faute imputable aux parties. Il serait inéquitable de faire supporter à l’une d’elles le coût d’une procédure rendue nécessaire par un dysfonctionnement du service public de la justice.
Cette répartition des dépens diffère de la solution retenue au fond. L’arrêt du 26 septembre 2024 avait condamné l’employeur aux entiers dépens d’appel. La distinction s’explique aisément. L’employeur avait succombé dans ses prétentions au fond et devait en supporter les conséquences. La rectification, en revanche, ne procède d’aucune initiative fautive d’une partie.
L’arrêt illustre ainsi le fonctionnement harmonieux d’un mécanisme procédural conçu pour préserver la qualité des décisions de justice sans compromettre leur stabilité. La rectification d’erreur matérielle répond à une exigence de sécurité juridique en permettant l’exécution correcte des décisions rendues.