Cour d’appel de Amiens, le 28 août 2025, n°20/02392

Par un arrêt du 28 août 2025, la cour d’appel d’Amiens statue sur l’opposabilité de soins et arrêts consécutifs à un accident du travail. L’assurée a chuté d’une échelle, souffrant d’une entorse du genou droit, avec arrêt initial jusqu’au 23 juillet 2006 puis un nouveau arrêt au printemps 2009. La caisse a pris en charge l’accident, fixé la consolidation au 30 juin 2010 et attribué un taux d’incapacité permanente de dix pour cent.

Devant les premiers juges, l’employeur a sollicité l’inopposabilité, invoquant un défaut de communication du dossier médical, à l’issue d’une première expertise. Le tribunal des affaires de sécurité sociale a accueilli la demande le 26 janvier 2017 ; la caisse a interjeté appel. Par arrêt du 10 décembre 2021, la juridiction d’appel a infirmé, ordonné une expertise sur pièces, puis reçu le rapport du second expert le 18 mars 2025. La question était l’étendue de la présomption d’imputabilité de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale aux arrêts contestés. La cour déclare opposables à l’employeur les soins et arrêts jusqu’au 30 juin 2010, retenant l’expertise et l’absence de preuve contraire rapportée par celui-ci.

I. La présomption d’imputabilité et son périmètre temporel

A. Fondement légal et charge de la preuve

La cour rappelle la formule de principe suivante : « Il résulte de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale, que la présomption d’imputabilité au travail des lésions apparues à la suite d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle, dès lors qu’un arrêt de travail a été initialement prescrit ou que le certificat médical initial est assorti d’un arrêt de travail, s’étend à toute la durée d’incapacité de travail précédant soit la guérison complète, soit la consolidation de l’état de la victime. Il appartient à l’employeur qui conteste cette présomption d’apporter la preuve contraire, à savoir celle de l’existence d’un état pathologique préexistant évoluant pour son propre compte sans lien avec l’accident ou la maladie ou d’une cause extérieure totalement étrangère, auxquels se rattacheraient exclusivement les soins et arrêts de travail postérieurs (2e Civ., 12 mai 2022, pourvoi n° 20-20.655). »

L’arrêt situe donc précisément la charge probatoire. L’employeur devait établir une cause totalement étrangère ou une pathologie autonome. Faute de preuve contraire, la présomption se déploie durant toute l’incapacité précédant la consolidation.

B. Application aux soins discontinus jusqu’à la consolidation

La cour précise ensuite la portée matérielle de la présomption : « Ainsi, la présomption d’imputabilité à l’accident des soins et arrêts subséquents trouve à s’appliquer aux lésions initiales, à leurs complications, à l’état pathologique antérieur aggravé par l’accident, mais également aux lésions nouvelles apparues dans les suites de l’accident (2e Civ., 24 juin 2021, pourvoi n° 19-24.945) et à l’ensemble des arrêts de travail, qu’ils soient continus ou non. »

L’arrêt de 2006 et la séquence de 2009 s’inscrivent dans la trajectoire d’une entorse grave nécessitant rééducation, jusqu’à la date retenue de consolidation. Leur opposabilité résulte d’une application fidèle de la présomption, étendue aux arrêts non continus, tant que la consolidation n’est pas acquise.

II. Contrôle de l’expertise et portée de la solution

A. Office du juge et force probante de l’expertise

La cour énonce que « Le rapport d’expertise est clair et motivé, et les parties ne le contestent pas. » Elle en tire les conséquences utiles, après avoir surmonté la difficulté procédurale initiale liée à la communication du dossier médical. Le contrôle juridictionnel reste plein, mais la motivation technique oriente décisivement la solution quant à l’imputabilité jusqu’au 30 juin 2010.

Le juge du fond entérine l’analyse médicale qui rattache les soins et arrêts à l’accident jusqu’à la consolidation, tout en excluant l’imputabilité au-delà. La solution conjugue ainsi le principe légal et l’éclairage expertal, sans renverser la charge qui pesait sur l’employeur.

B. Conséquences pratiques pour la gestion du risque professionnel

L’arrêt confirme la solidité d’une présomption large, couvrant arrêts discontinus et soins jusqu’à la consolidation, lorsque l’arrêt initial existe et qu’aucune preuve contraire n’est rapportée. Il incite l’employeur à documenter rigoureusement l’existence d’une cause étrangère ou d’un état évoluant pour son propre compte.

La délimitation temporelle par la consolidation structure la liquidation des droits et l’opposabilité financière. La condamnation aux dépens, aux frais d’expertise et sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile souligne l’exigence probatoire incombant au contestataire. Cette solution, conforme à la jurisprudence de la Cour de cassation, stabilise les contentieux d’imputabilité et sécurise la phase d’instruction médico-légale.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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