- Cliquez pour partager sur LinkedIn(ouvre dans une nouvelle fenêtre) LinkedIn
- Cliquez pour partager sur Facebook(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Facebook
- Cliquez pour partager sur WhatsApp(ouvre dans une nouvelle fenêtre) WhatsApp
- Cliquez pour partager sur Telegram(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Telegram
- Cliquez pour partager sur Threads(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Threads
- Cliquer pour partager sur X(ouvre dans une nouvelle fenêtre) X
- Cliquer pour imprimer(ouvre dans une nouvelle fenêtre) Imprimer
Cour d’appel d’Amiens, 28 août 2025. L’arrêt tranche un litige relatif à la suspension d’indemnités journalières, décidée après trois convocations médicales dématérialisées restées sans suite, dont la preuve était exclusivement électronique. L’enjeu réside dans la validité probatoire des notifications via un compte en ligne et l’incidence de l’acceptation des conditions générales sur l’obligation de s’y soumettre.
L’assuré était en arrêt de travail indemnisé à compter du 28 juin 2021. L’organisme a mis fin au versement des indemnités à compter du 10 novembre 2021, estimant que trois convocations, dont une téléphonique, n’avaient pas été honorées. L’intéressé soutenait n’avoir jamais reçu de message ou d’appel utile et contestait la fiabilité de simples captures et journaux informatiques. L’organisme produisait les extraits de son outil de contact, horodatés et identifiant les agents, et invoquait l’acceptation des conditions générales lors de la création du compte en ligne.
Le tribunal judiciaire de Laon, 16 mai 2023, avait jugé la suppression injustifiée et ordonné la poursuite du versement des indemnités, tout en rejetant la demande de dommages-intérêts. Saisi par l’organisme, l’appel tendait à faire reconnaître la réalité des convocations électroniques et à écarter toute faute. L’assuré sollicitait la confirmation, une indemnisation du préjudice moral, et contestait la force probante des pièces numériques.
La question était double. D’abord, déterminer si le manquement à des convocations médicales notifiées par voie dématérialisée permettait la suspension du service des indemnités au regard de l’article L. 323-6 du code de la sécurité sociale. Ensuite, apprécier la suffisance de la preuve électronique au regard des articles 1358 et 1366 du code civil et des conditions générales du service en ligne. L’arrêt répond positivement en rappelant que « En vertu des dispositions de l’article L. 323-6 du code de la sécurité sociale, le service de l’indemnité journalière est subordonné à l’obligation pour le bénéficiaire : ». Il valide la preuve numérique et l’adhésion aux conditions générales, ce qui emporte renversement du jugement de première instance.
I. Le cadre légal et la solution adoptée
A. L’obligation de se soumettre au contrôle médical
Le texte central commande la solution. L’arrêt rappelle que « En vertu des dispositions de l’article L. 323-6 du code de la sécurité sociale, le service de l’indemnité journalière est subordonné à l’obligation pour le bénéficiaire : ». Parmi ces obligations figure le devoir de se présenter aux contrôles organisés par le service médical. L’inobservation volontaire autorise la restitution des indemnités et justifie la cessation de service.
La matière probatoire demeure gouvernée par la liberté des moyens, hors dispositions spéciales. L’arrêt cite expressément l’article 1358 du code civil : « En vertu des dispositions de l’article 1358 du code civil, hors les cas où la loi en dispose autrement, la preuve peut être apportée par tout moyen. » La combinaison de ces textes autorise l’organisme à établir, par pièces numériques, la réalité de convocations dont le support n’est pas imposé par un formalisme particulier.
La Cour prend acte de l’organisation graduée des convocations. Un premier rendez-vous téléphonique permettait un contact souple. Les suivants mentionnaient un caractère non annulable, signifiant l’intérêt particulier du contrôle. L’assuré ne pouvait ignorer l’exigence de disponibilité, compte tenu de son indemnisation et des obligations légales qui l’accompagnent.
B. La preuve dématérialisée des convocations et l’adhésion aux conditions générales
La solution se noue autour de l’espace en ligne et des conditions générales associées. L’arrêt retient que « La preuve de l’acceptation des conditions générales résulte du seul fait de la création de ce compte, laquelle n’est possible que si l’assuré accepte les conditions générales. » Cette affirmation ancre la relation numérique dans un consentement préalable, exigé par la plateforme, et producteur d’effets probatoires.
Le contenu des conditions éclaire la portée de cet accord. Il est reproduit que « En créant son compte, l’assuré accepte de ne plus recevoir ses relevés de prestation par courrier postal au profit d’une consultation exclusivement en ligne ». Les mentions relatives à l’adresse de courrier électronique, à son caractère unique, et à l’engagement de la maintenir à jour, précisent le canal de notification retenu. La Cour considère que l’information par messagerie du compte, assortie d’alertes électroniques, répond aux exigences de diligence et de visibilité.
Le choix du support électronique n’affaiblit pas la valeur probatoire. La Cour rappelle que « étant rappelé que l’article 1366 du code civil attribue à l’écrit électronique la même force probante que l’écrit support papier. » S’ajoute une appréciation de loyauté, liée à l’absence d’alternative raisonnable pour l’organisme : « Il ne peut lui être fait grief de produire des extraits de son outil de contact, puisqu’il s’agit de la seule preuve qu’elle puisse apporter. » Les journaux d’envoi, horodatés et reliés à des identifiants agents, sont donc tenus pour pertinents et suffisants.
II. Valeur et portée de la solution
A. La suffisance et la loyauté de la preuve électronique
L’arrêt valide un standard probatoire pragmatique, en harmonie avec l’article 1358 du code civil. Les extraits logiciels, détaillant identifiant de l’agent, date, heure et statut « message sortant », répondent à une exigence de traçabilité satisfaisante. Le juge du fond contrôle leur cohérence interne et leur concordance avec d’autres indices, comme l’existence d’un message du 2 novembre archivé par l’assuré, et la nature téléphonique de la première convocation.
La loyauté de la preuve est soulignée. L’organisme n’avait pas d’autre support disponible que son outil de communication dématérialisé, utilisé de manière régulière et prévu par les conditions générales acceptées. La Cour écarte la critique générale des captures d’écran, au motif qu’elles traduisent le mode d’exploitation normal du système et non une manipulation probatoire. L’égalité de force entre écrit électronique et écrit papier, expressément rappelée, neutralise l’argument tiré de l’absence de courrier postal ou de recommandé.
La solution pose toutefois une limite implicite. L’acceptation des conditions suppose une information claire et accessible, ce que le texte reproduit du service en ligne semble satisfaire. L’arrêt souligne l’obligation de maintenir l’adresse électronique à jour, ce qui transfère une part de diligence sur l’assuré, logiquement corrélée à l’avantage d’une gestion numérique de ses prestations.
B. Les incidences pratiques pour les assurés et les organismes
La portée de l’arrêt est concrète. Il confirme que l’écosystème dématérialisé des relations avec la sécurité sociale peut, à lui seul, fonder des décisions impactant les droits à prestation, lorsque la traçabilité est établie. Les organismes doivent, en contrepartie, documenter rigoureusement les journaux d’envoi et conserver une capacité d’édition lisible de leurs traces. L’arrêt valorise cette discipline probatoire.
Pour les assurés, l’obligation d’attention s’intensifie. L’adhésion aux conditions générales emporte acceptation des notifications dans la messagerie du compte et par alertes associées. La décision retient expressément l’engagement de maintenir une adresse électronique opérationnelle, ce qui implique la surveillance régulière de la boîte et des dossiers indésirables. À défaut, l’inexécution d’une convocation sera imputée, avec les conséquences attachées par l’article L. 323-6.
Cette solution s’inscrit dans une tendance jurisprudentielle à l’équivalence probatoire des supports, déjà bien établie en droit commun, et désormais appliquée avec constance en droit de la protection sociale. Elle contribue à sécuriser les contrôles médicaux, dont la finalité demeure la vérification des conditions d’indemnisation. La charge probatoire se voit précisée : horodatages, identifiants, statuts d’envoi, et références de messages forment un faisceau suffisant en l’absence d’indices contraires crédibles.
L’arrêt emporte enfin une clarification utile sur le grief probatoire. En admettant que l’organisme « ne peut » se voir reprocher la seule production d’extraits de son outil, il ferme la voie à une contestation purement formelle des convocations dématérialisées. La discussion devra donc se déplacer vers d’éventuelles anomalies techniques établies, vers la preuve d’une impossibilité objective, ou vers des défaillances d’information avérées, lesquelles ne ressortaient pas du dossier examiné.
I. Le cadre légal et la solution adoptée
A. L’obligation de se soumettre au contrôle médical
B. La preuve dématérialisée des convocations et l’adhésion aux conditions générales
II. Valeur et portée de la solution
A. La suffisance et la loyauté de la preuve électronique
B. Les incidences pratiques pour les assurés et les organismes