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Cour d’appel d’Amiens, 28 août 2025, 2e protection sociale. Une assurée, en arrêt de travail pour troubles dépressifs, se voit notifier par l’organisme gestionnaire la fin de ses indemnités journalières à compter du 28 novembre 2022. Après rejet devant la commission médicale de recours amiable, le tribunal judiciaire de Lille ordonne une expertise, puis juge l’intéressée inapte à la reprise au 28 novembre 2022 et au 15 juin 2023, fixant cette dernière date comme terme de la période triennale. L’organisme relève appel, limitant le litige à la détermination de la fin de la période triennale, qu’il situe au 26 janvier 2023 au regard d’un premier arrêt prescrit le 27 janvier 2020 pour la même pathologie. La cour d’appel confirme l’inaptitude retenue et tranche principalement la question du point de départ de la période triennale d’indemnisation des indemnités journalières en présence d’arrêts successifs pour une affection identique, ainsi que la valeur probatoire des pièces produites par le service médical.
La cour rappelle le cadre légal des indemnités journalières et l’architecture du calcul temporel. Elle vise l’article L. 323-1 du code de la sécurité sociale, puis souligne que « Selon l’article R. 323-1 du même code, la durée maximale de la période pendant laquelle l’indemnité journalière peut être servie est fixée à trois ans. » L’enjeu devient alors l’identification du point de départ de cette période au regard d’arrêts successifs caractérisant une pathologie inchangée. Pour établir ce point de départ, la juridiction retient, d’abord, l’exigence probatoire souple en matière d’assurance maladie : « La preuve est librement rapportée et aucun texte n’impose qu’un arrêt de travail soit justifié par la seule copie de l’arrêt de travail. » Elle admet les extractions du logiciel de l’organisme et un écrit du médecin‑conseil qui énonce que « la prescription d’arrêt de travail du 27 janvier 2020, comme celle du 16 juin 2020 et les prescriptions rédigées entre ces deux dates et au‑delà mentionnent la même pathologie avec plus ou moins de précision ». Contestant l’invocation de l’article 202 du code de procédure civile, la cour précise que le médecin‑conseil intervient comme organe du contrôle médical et non comme témoin, de sorte que « Dès lors, les dispositions de l’article 202 du code de procédure civile ne lui sont pas applicables. » Sur le terrain médical, la décision constate la cohérence des symptômes consignés dans les arrêts successifs, notant que l’épuisement psychique et physique est « des manifestations correspondant parfaitement à la dépression », et ajoute explicitement que « aussi bien l’asthénie physique que psychique sont des marqueurs de la dépression. » De cette convergence factuelle et médicale, la cour déduit le point de départ au 27 janvier 2020 et en tire, dans ses motifs, la conséquence temporelle suivante : « La période triennale prenait donc fin à la date du 26 janvier 2023. »
Au regard de ce raisonnement, la solution consacre la prééminence de l’identité de la pathologie pour un calcul « de date à date » de la période triennale, indépendamment de la présentation clinique plus ou moins précise des certificats successifs, tant que ceux‑ci se rattachent à la même atteinte. Elle sécurise, en outre, l’utilisation d’éléments probatoires internes à l’organisme, sous réserve du contradictoire, pourvu qu’ils soient pertinents et que l’assuré puisse produire des pièces contraires.
**I. Sens de la décision**
**A. Le cadre légal de l’indemnisation**
La cour s’inscrit dans l’économie des articles L. 323‑1 et R. 323‑1 du code de la sécurité sociale. Le premier fixe le principe d’un décompte « suivant le point de départ de l’incapacité de travail », avec des modalités selon la nature de l’affection et l’existence d’éventuelles reprises. Le second précise la borne temporelle maximale, la juridiction rappelant que « la durée maximale de la période pendant laquelle l’indemnité journalière peut être servie est fixée à trois ans. » La solution qui en découle privilégie le repérage concret du premier arrêt se rattachant à l’affection en cause, pour assoir le calcul « de date à date » de la période de versement.
**B. Le point de départ et la preuve de l’identité pathologique**
La cour admet la preuve par tout moyen, affirmant que « La preuve est librement rapportée et aucun texte n’impose qu’un arrêt de travail soit justifié par la seule copie de l’arrêt de travail. » Elle retient la valeur d’un écrit du service médical, lequel atteste que « la prescription d’arrêt de travail du 27 janvier 2020, comme celle du 16 juin 2020 […] mentionnent la même pathologie », en écartant les exigences de l’article 202 du code de procédure civile au motif que « les dispositions […] ne lui sont pas applicables. » L’analyse médicale corrélative rattache l’asthénie, l’épuisement psychique et les symptômes décrits à un même trouble dépressif, les qualifiant de « manifestations correspondant parfaitement à la dépression. » La conséquence est claire dans les motifs : « La période triennale prenait donc fin à la date du 26 janvier 2023. »
**II. Valeur et portée**
**A. Le régime probatoire et le rôle du service médical**
La décision confirme que le contentieux des indemnités journalières s’inscrit dans un régime probatoire libéral, articulé autour de la pertinence et de la contradiction. En admettant les extractions informatiques et l’écrit du médecin‑conseil, la cour retient une approche fonctionnelle du contrôle médical, justifiée par la mission légale de ce service et par l’absence d’assimilation à un témoignage écrit. L’affirmation selon laquelle « Dès lors, les dispositions de l’article 202 du code de procédure civile ne lui sont pas applicables » clarifie utilement la nature des avis et constats du service médical. La portée pratique est réelle : l’assuré doit, le cas échéant, opposer des pièces médicales contemporaines et complètes pour renverser l’appréciation d’identité pathologique.
**B. Sécurité juridique et effets pratiques de la solution**
La solution de principe réside dans l’ancrage du point de départ au premier arrêt lié à l’affection retenue, conférant un effet unificateur aux prescriptions successives qui relèvent d’une même pathologie. Cette orientation limite les glissements de période par requalification symptomatique et appelle une vigilance accrue sur la rédaction des certificats. Un point délicat apparaît toutefois dans la discordance entre motifs et dispositif. Tandis que les motifs énoncent que « La période triennale prenait donc fin à la date du 26 janvier 2023 », le dispositif « Fixe au 15 juin 2023 la fin de la période triennale ». La tension entre ces deux énoncés interroge la sécurité juridique et suggère l’hypothèse d’une erreur matérielle, que la procédure de rectification pourrait corriger. En pratique, et dans l’attente d’une rectification, la force exécutoire du dispositif prévaudra, mais l’économie des motifs éclaire la véritable solution retenue quant à la méthode de calcul. Ainsi précisée, la décision guide les acteurs sur l’identification du point de départ en présence d’arrêts successifs pour une dépression, et sur l’office probatoire du service médical, dans le respect du contradictoire.